Miguel, tu remportes le Roc d’Azur seize ans après ta première victoire en 1997. C’est un exploit fantastique ?
C’est énorme de remporter le Roc d’Azur aujourd’hui. Surtout que j’étais bourré de crampes à 100 mètres de l’arrivée. Moritz Milatz m’a alors passé et je me suis dit que c’était foutu. Mais il y avait deux virages et il en a pris un trop large. A ce moment une image m’a traversé l’esprit, celle d’Alain Bianchi. Il était avec moi durant toute la course. C’est peut-être trop de le dire, mais dans le dernier virage je l’ai vu. J’ai pensé à lui toute la matinée et c’est un beau cadeau que de gagner le Roc.
La course s’est mise très vite en place avec trois hommes aux avant-postes…
C’est parti très vite en effet. Stéphane Tempier était très fort, c’est lui qui a imposé le rythme. Après, nous avons été bouchonnés sur la fin en croisant le chemin des épreuves organisées au même endroit… A partir de là on a presque plus crié pour se frayer un passage que pédalé. Mais tout s’est bien fait et c’est la grande satisfaction. Je suis content d’avoir gagné cette dernière course de la saison. Celle-là surtout. Je suis reparti pour trois ans, et puis je me fais plaisir, c’est surtout ça.
La victoire sur le Roc d’Azur était un objectif. Pourtant tu ne l’affichais pas trop ce matin ?
C’était dur de ne pas l’afficher mais cette victoire au Roc était dans ma tête depuis déjà plus d’un mois. Voire même depuis la mi-saison. Je me suis dit : si ça doit le faire, ça le fera. Et puis toute la course s’est bien décantée pour moi. J’ai toujours été à l’économie, heureusement parce que j’avais des crampes de partout sur la fin. Et puis dans le dernier virage, c’est la victoire qui s’est présentée, et ça c’est énorme. Pour moi ce n’est pas une Coupe du Monde mais ça vaut des fois beaucoup plus. Le Roc d’Azur, c’est pour moi la plus belle course du monde. Je tenais à devenir le premier pilote à la remporter trois fois. Surtout après tant d’années !
Craignais-tu Moritz Milatz à l’arrivée ?
Oui, bien sûr. Mais dans la perspective du sprint j’avais vu qu’il avait un tout suspendu. Je me suis dit que ça me laissait une chance. Finalement il était le plus fort sur la force, mais j’ai été le plus fort sur la technique. Et puis ce qui a fait la différence, c’est l’économie. Stéphane Tempier a beaucoup roulé au début, Moritz Milatz a trop voulu me lâcher sur la fin de course. Il y a laissé pas mal d’énergie. Et avec l’expérience, le vieux roublard a réussi à faire son jeu à la fin.
Comment as-tu vécu l’ambiance sur le parcours ?
Le Roc, ça reste énorme. J’avais envie de franchir le Bougnon en tête et c’est ce que j’ai fait. Là, je me suis dit c’était déjà une petite victoire, que c’était une chose de prise. Après, je me suis dit qu’on verrait au fil de la course, mais tout s’est passé comme je le rêvais. C’était mon jour.
Tu n’as jamais douté de toi ?
Là où ça s’est compliqué c’est quand nous avons rattrapé des randonneurs. J’ai perdu une cinquantaine de mètres sur Milatz et j’ai redouté de perdre la course à cause de ces erreurs d’organisation.
Revenir à un tel niveau à 37 ans, c’est fabuleux ?
J’avais surtout envie de donner un souffle à l’avant à tous les anciens qui ont plus de 35 ans et qui veulent continuer. J’ai envie de leur dire de le faire parce que tout est possible à partir du moment où on le veut. Que je sois un petit peu revenu pousse les jeunes à monter un cran au-dessus, comme Stéphane Tempier et Maxime Marotte, qui vont devoir progresser encore pour obtenir de futures sélections. Ce sera un bel élan pour tout le monde en vue des Jeux de Rio !
Les Jeux de Rio, tu y songes ?
On verra, c’est encore loin. J’ai signé avec FRM jusqu’en 2016 parce que je me sens capable de le faire. Ce qu’il faut pour relancer sa carrière comme ça, c’est le mental. J’ai vécu une première partie de carrière avec la gagne pour obsession, comme tous les jeunes. Je travaillais beaucoup pour toujours gagner. Après, j’ai vécu un peu dans le business, dans la vie active. J’ai profité, fait des choses que j’avais envie de faire. Et une fois que j’avais réalisé tout ce que je voulais des deux côtés, je me suis aperçu que ce que j’avais de mieux dans ma vie, c’était le vélo. Je sais en faire et j’en fais bien, alors j’ai choisi d’en profiter autant que je le pourrai.
A l’arrivée du Roc d’Azur, tu as embrassé chaleureusement tes enfants. C’est une récompense pour eux ?
La grande difficulté de ma vie actuelle, c’est que je vis en Italie pour faire du vélo et être bien. Mes enfants, je ne les vois qu’une fois tous les quatre mois. C’est une vie très dure mais quand on se retrouve c’est encore plus intense. Je tenais vraiment à gagner cette épreuve pour eux, c’est important pour la famille.
Tu as dédié ta victoire à Alain Bianchi, grâce à qui le Roc d’Azur était arrivé à Fréjus en 1997, l’année de ton premier succès. Quelle était ta relation avec lui ?
Alain m’a supporté dans ma première victoire. Depuis la moto ouvreuse où il m’encourageait, il m’avait donné la chair de poule. Ce matin, quand je voyais la moto à nos côtés, je pensais toujours à lui, comme s’il était encore là. Le Roc lui appartient et sa photo est accrochée sur mon frigo. C’est comme ça.
Tu gagnes la 30ème édition du Roc, anticipes-tu déjà une quatrième victoire pour les 30 ans de l’événement en 2014 ?
Je ne sais pas. Déjà d’avoir gagné trois fois c’est énorme. Ça nécessite une sacrée préparation. Ce n’est pas une course qui me convient au top. Je préfère quand il y a davantage de changements de rythme. En début de course je me sentais presque au-dessus des autres. Mais après ce n’était pas forcément approprié. L’année prochaine, on verra si je prépare spécifiquement le Roc. J’aimerais aussi profiter de mes enfants, ça passe avant tout.
L’an prochain, tu poursuivras ton aventure avec le team FRM ?
Tout à fait. Je serai aussi associé aux cadres Tropix, une marque chinoise très importante en pleine expansion. Elle veut absolument mon image pour se développer. Sans être dans un team, j’ai trouvé à faire mon chemin tout seul. Côté matériel je roulais en 29″ aujourd’hui, mais l’année prochaine je serai en 27.5″. J’aurai pour ambition prioritaire de rentrer régulièrement dans le Top 10 en Coupe du Monde et d’aller chercher un podium ou tout du moins un Top 5. Je sais que je peux le faire en partant de devant.
De passage sur notre stand, tu nous avais dit vendredi que tu gagnerais le Roc, tu l’as fait ce dimanche…
Exact ! C’était risqué mais quand ça se fait c’est tellement beau !
Propos recueillis à Fréjus le 13 octobre 2013.