Julien, tu as finalement prolongé ton contrat avec BMC jusqu’à Rio. Quand cette décision est-elle devenue une évidence à tes yeux ?
J’avais pris ma décision après la Coupe du Monde d’Albstadt. Je gagne trois manches, pratiquement coup sur coup. Cet hiver, j’étais sûr d’avoir la motivation et le plaisir, mais il fallait être sûr d’avoir les performances. L’idée c’est d’aller aux Jeux en étant sûr de me battre pour une médaille, voire pour le titre. Après avoir gagné trois Coupes du Monde, je me suis dit que le niveau était encore là pour le faire.
L’hiver dernier, l’idée d’une reconversion t’a-t-elle seulement effleuré l’esprit ?
Non. Je ne voulais pas m’engager avant d’être certain. Ce n’est pas évident de se projeter trois ou quatre années dans l’avenir et de savoir quel sera ton état d’esprit à ce moment-là. Je ne voulais pas me sentir bloqué, m’engager contractuellement trop tôt et le faire par la contrainte. Pour moi, la compétition et mon job n’a jamais été une contrainte. Le jour où ça le deviendra, j’arrêterai. Ce n’est pas un métier ordinaire et je ne peux pas le faire simplement pour aller chercher de l’argent. Ça ne peut pas fonctionner comme cela pour moi.
Entre ta victoire au Championnat du Monde, attendue depuis 2007, et celle en Coupe du Monde qui récompense ta régularité, laquelle a le plus de valeur ?
Effectivement, la victoire en Coupe du Monde récompense la régularité et le titre de champion du monde est la plus grande course de l’année à gagner. Ce n’est jamais facile, c’est une course d’un jour et tout peut arriver. Mais ça reste le prestige du maillot arc-en-ciel. En plus, la manière dont j’ai abordé ce Championnat reste quelque chose d’énorme. J’y allais sans pression. Je me suis fait plaisir toute la semaine. J’ai fait un choix mécanique au denier moment qui était osé (il avait opté pour la première fois en course pour un tout-suspendu NDLR). C’était un pari un peu risqué. Il y a toute une histoire qui fait qu’il me reste de très grands souvenirs de la Norvège.
Que dirais-tu à ceux qui pourraient affirmer que tu dois en partie ta victoire en Coupe du Monde aux absences de Nino Schurter pour s’essayer à la route ?
Si on regarde le classement final en Coupe du Monde, il reste une différence de points qui ne s’explique pas par son absence à Cairns. Si j’avais gagné simplement parce qu’il n’avait pas fait le déplacement en Australie, oui, cette victoire aurait eu moins de valeur, mais sur la saison, toutes les courses ont été remportées soit par lui, soit par moi.
Comme tu le dis, les Coupes du Monde ont souvent tourné au duel. Espères-tu l’arrivée d’un troisième larron ?
C’est toujours possible. Trois ou plus, car les jeunes progressent, même si certains n’ont pas confirmé. L’hiver dernier, j’avais dit qu’il fallait se méfier d’Ondrej Cink, mais il n’a pas répondu aux attentes. On ne peut pas prédire qui sera en avant et qui sera en retrait. Pourquoi pas Jordan Sarrou qui risque de monter en puissance au cours des prochains mois ?
Il est justement devenu l’un des plus jeunes vainqueurs du Roc d’Azur. Que dirais-tu à son propos ?
Depuis le début de l’année et même l’année dernière, je dis qu’il a le niveau pour se bagarrer en Élite. La transition va être, je pense, facile pour lui et il va performer chez les Elites dès l’année prochaine. C’est presque dommage qu’il ne l’ait pas fait avant, dommage que les Espoirs soient privés de courses Elites. Il aurait été capable de faire des choses.
Tu parlais tout à l’heure de ton passage sur un tout-suspendu. Cette saison tu t’es aussi ouvert au XTR Di2.
Cela fait longtemps que je travaille sur ce projet. J’ai été le pilote test de Shimano depuis deux ans. Ça a été une super expérience de faire partie de ce développement. L’arrivée de l’électronique dans le VTT, c’est énorme et c’est le futur. C’était très intéressant de voir les différentes étapes, du premier prototype jusqu’au produit fini. Maintenant, je suis ravi de rouler avec ça. J’ai la transmission idéale. Shimano a été très à l’écoute, notamment sur les changements de cassette. Je roule généralement avec un mono-plateau de 34 et avec une cassette qui monte jusqu’à 40. Quelques fois, je mets des plateaux de 36.
Imagines-tu revenir au semi-rigide sur certains parcours ou as-tu définitivement opté pour le tout-suspendu ?
J’ai peut-être été un peu trop réticent. J’aurais peut-être dû l’utiliser avant. Heureusement que l’on m’a un peu poussé pour le faire. On m’a apporté un tout-suspendu monté en Di2 à Méribel en me disant qu’il fallait que j’essaye. Sans ça, je ne l’aurais pas utilisé au Mondial. J’avais déjà pas mal de vélos montés en début d’année et je devais jongler entre différents vélos en mécanique et en électrique. J’avais dit moi même à l’équipe qu’il ne fallait pas me monter de tout-suspendu car je ne l’utilisais pas. Tous mes coéquipiers avaient déjà un Fourstroke, mais c’était ma volonté de ne pas en avoir. C’était peut-être un peu bête de ma part parce que si je l’avais sur les manches outre-Atlantique, ça aurait peut-être changé la donne. Je suis resté trop fidèle à mes principes. Je pédale souvent en danseuse et j’étais convaincu que le tout-suspendu n’était pas fait pour moi. Mais dès que je l’ai utilisé, j’ai senti que l’on avait un réel avantage. Il fallait simplement sauter le pas. Et le pas a été beaucoup plus facile à sauter que ce que j’imaginais puisque ça s’est fait en une semaine !
Le team restera-t-il stable pour la saison prochaine ?
Ma volonté c’était de poursuivre avec BMC pour garder le matériel. Car j’ai vraiment celui dont je rêvais avec le Di2, avec le tout-suspendu… Je pense avoir le top du top. L’équipe tourne bien. On a un super staff autour de nous. Il y a eu une diminution du nombre de pilotes. On restera à cinq, ce qui permet de garder tout le staff autour de nous.
Quel sera ton programme cet hiver ?
Je vais faire un peu de cyclo-cross. Je vais commencer à la fin du mois d’octobre. J’irai à Marle puis en Suisse au Velodux, sponsorisé par BMC et Redbull. En décembre, je ferai des courses, mais de voiture avec le trophée Andros. Pour le reste, je vais surtout courir près de chez moi car je veux rester à la maison. La saison prochaine, je vais tenter de faire aussi bien que cette année même si ce sera difficile. Le planning me convient bien avec un calendrier de Coupe du Monde traditionnel, sans partir aux quatre coins du monde.
Propos recueillis à Fréjus le 12 octobre 2014.