El Pistolero. L’Espagnol José-Antonio Hermida a du caractère et de la volonté ! Aussi attachant qu’il est persévérant, le Catalan a terminé la saison 2009 par une victoire en Coupe du Monde à Schladming, en Autriche, en septembre dernier. La boucle est bouclée pour celui qui a remporté la manche d’ouverture en Afrique du Sud à Pietermaritzburg. Hermida le polyglotte est un coureur sociable et abordable, qui parle de tout, sans aucun tabou ou langue de bois. Rencontre avec cette figure emblématique du Team Merida.
José-Antonio, tu as terminé la saison 2009 par une nouvelle victoire en Coupe du Monde…
Oui, en septembre on a enchaîné les deux manches finales de Champéry et Schladming. Le podium final de la Coupe du Monde s’est joué là. J’ai dû batailler avec mon coéquipier et ami Ralf Näf car nous étions respectivement 3ème et 4ème avant la manche finale. Julien Absalon avait déjà remporté le classement général, on avait pour ambition de terminer tous les deux sur le podium final. Il fallait pour cela faire sauter Burry Stander. Finalement, j’ai remporté cette course et ça m’a permis de terminer 2ème de la Coupe du Monde 2009.
Tu t’es retrouvé en concurrence directe avec ton coéquipier et ami pour un podium mondial. Comment gère-t-on une telle situation ?
Avec Ralf, on se connaît très bien. Nous sommes amis, on passe vraiment de bons moments lors de nos nombreux déplacements en commun. A Schladming, on n’a pas instauré une stratégie de course. Le staff n’a pas pris parti pour l’un ou l’autre, il n’y a pas eu de consigne. Nous sommes un team international, on se doit de donner le maximum pour obtenir un résultat valorisant pour le team, récolter des points. Avec Ralf, on est un peu comme des pétards, on a du caractère. On peut exploser à tous moments, on est assez imprévisibles. On a privilégié une alliance pour vaincre Burry Stander, plutôt que de se mettre en rivalité. En règle générale, lorsque nous sommes à l’avant de la course ensemble, on applique une course d’équipe, entre amis !
En 2009, tu termines encore 2ème de la Coupe du Monde derrière Julien Absalon…
Eh ouais, encore ! Le classement général de la Coupe du Monde est un objectif prioritaire pour moi, j’y attache beaucoup de valeur… plus qu’à un Championnat du Monde ! Mes idoles ont toujours remporté ce trophée, c’est peut-être pour cela, c’est symbolique pour moi. J’admire Thomas Frischknecht pour sa classe, sa technique, son palmarès et Rhune Hoydhal pour sa carrure, son caractère. Cette saison 2009, j’avais bien débuté en remportant la première manche, puis je n’ai pas été performant sur les autres manches européennes en étant malade à Offenburg, sans bonnes sensations à Madrid. Et pour gagner cette Coupe, il faut être régulier. Absalon l’est sans aucun doute, avec ses victoires et ses nombreux podiums. Ca fait bientôt dix ans que j’obtiens des Tops 5 sur ces épreuves de haut niveau. 2009 n’est pas une déception pour moi, je dois juste tirer des enseignements et m’améliorer. J’ai toujours espoir de parvenir à cet objectif !
Et tu termines tout de même 4ème au sprint lors du Mondial de Canberra…
Ce Championnat 2009 m’a beaucoup inspiré, le circuit me convenait bien, à mes caractéristiques, à mon pilotage. Je me savais capable d’y réaliser un bon résultat. Sur cette course, j’ai eu un saut de chaîne dès les premières minutes de course, j’ai perdu beaucoup de places et j’ai dû faire de gros efforts pour revenir en tête de course. J’y suis parvenu mais ces efforts ont lourdement pesé sur la fin de course. Il m’a manqué de la force pour rejoindre Absalon et Schurter. Quant à Vogel, il ne pouvait pas collaborer avec moi car il y avait un Suisse devant. Lors du sprint, j’ai péché par manque de fraîcheur… La course aurait pu prendre une autre tournure si on s’était retrouvés à quatre devant. Avec Julien, on se connaît bien, on s’apprécie, on aurait pu s’associer face aux deux Suisses. Il en fut autrement, c’est le sport ! Malgré la déception ressentie à l’arrivée, je n’ai pas de regret. C’est tout de même un de mes meilleurs résultats lors d’un Mondial, où j’ai souvent eu des ennuis mécaniques ou réglementaires. En 2010, le Championnat aura lieu au Mont-Sainte-Anne, sur un circuit technique où je suis à l’aise. Avec un peu de chance, je réaliserai le doublé Mondial-Coupe !
En 2008, à Pékin, tu as disputé tes troisièmes Olympiades sous le maillot ibérique. Quels souvenirs gardes-tu de ces trois épreuves ?
J’ai terminé 4ème à Sydney en 2000, c’est un super souvenir car ce sont mes premiers Jeux. Avec du recul, c’est un bon résultat. Si j’avais obtenu un podium, j’aurais probablement pris la grosse tête ou saturé. Là, ça m’a motivé à poursuivre mes efforts dans l’objectif de faire mieux. J’y suis parvenu lors des JO d’Athènes en 2004, où je termine 2ème derrière Julien. Je suis médaillé olympique, ça compte dans une carrière sportive. A Pékin, ce fut compliqué. Le circuit a été amplement modifié entre l’épreuve préolympique de 2007 et l’épreuve officielle de 2008. C’était génial ce parcours, mais la forme n’était pas optimale ! Pourtant j’avais de grosses ambitions sur cette Olympiade, je visais un podium voire le titre, je faisais partie des favoris ! Mais la saison 2008 a été compliquée pour moi. Je ne suis pas parvenu à être en forme, à aucun moment. Pas de bonnes sensations, pas de feeling. Un mois avant les Jeux, on a découvert que je souffrais d’un mal de dents. J’avais abandonné au Mondial, terminé péniblement 5ème au championnat national… Rien de très encourageant. Je voulais réussir ces Jeux, au final je termine 10ème. C’est décevant mais compte tenu de mon état de santé je suis content de ne pas avoir abandonné. Ce sont les JO tout de même !
Tu es champion d’Espagne en titre, comment se porte le cross-country dans ton pays ?
Le VTT en Espagne se porte bien, il y a beaucoup de monde qui pratique en loisir, le dimanche sur le temps libre. Mais côté compétition, c’est plus compliqué, notre sport manque de relève, de jeunesse. Le VTT est un sport dur, qui demande des sacrifices, je pense que les jeunes n’ont pas envie d’appuyer fort sur les pédales, de souffrir pour devenir quelqu’un. C’est plus un problème de société. Avec les émissions de télé-réalité, les jeunes pensent qu’on peut devenir riche et célèbre sans rien faire, sans effort… C’est grave. Le cross-country bénéficie de belles organisations, notamment les Coupes de Catalogne comme Banyoles. Il y a un haut niveau avec la venue de coureurs étrangers et des circuits complets. Les épreuves marathon prennent de l’ampleur, ce sont de belles épreuves de masse. Il y a aussi la Coupe d’Espagne avec quatre manches en XC et DH, mais elle a moins d’ampleur que la Coupe de France. En France vous avez de la relève, avec des jeunes comme Vuillermoz, Colom, Vinit. En Espagne, nous avons actuellement de nombreux Elites performants (Ruzafa, Lejarreta, Montécon, Coloma…) mais derrière c’est le grand vide ! Et chez les filles n’en parlons pas alors qu’en France c’est pas mal !
Tu fais partie du Team Merida, vainqueur du trophée constructeur de la Coupe du Monde. Présente-nous cette structure qui possède de nombreux bons pilotes et du très bon matériel.
Merida existe depuis de nombreuses années, mais elle est longtemps restée méconnue car ils fabriquaient les cadres d’autres marques étrangères. Puis ils ont décidé de valoriser leur savoir-faire et de fabriquer leurs propres vélos depuis 2001-2002. Ils ont voulu valoriser leur investissement en communiquant via un team, qui a mûri au fil des ans. Actuellement, c’est la structure internationale la plus performante. Nous sommes deux coureurs à terminer régulièrement dans le Top 10 des Coupes du Monde avec Ralf et moi. Derrière, il y a d’autres coureurs qui progressent et représentent la relève de la structure. Chez Merida, l’ambiance est familiale, on ne laisse personne sur le côté. La cohésion de groupe est très importante. On loge ensemble, on voyage ensemble. Ce n’est pas parce qu’il y a plusieurs coureurs susceptibles de gagner qu’il y a une mauvaise ambiance, mon amitié avec Ralf en est l’exemple même.
Et côté matériel ?
Côté matériel, la marque Merida a su évoluer au fil des ans. Merida et Giant sont les deux plus gros constructeurs de vélo au monde, ils ont de l’expérience et leurs vélos bénéficient de cette expérience. Il y a eu les cadres en magnésium de 2001 à 2003, puis les cadres carbones depuis 2004. On dispose d’un semi-rigide à 7,6 kg avec un équipement au top, c’est fiable. Le tout-suspendu a un poids de 8,8 kg, voire 9kg selon les pneus. Les autres marques ont parfois une meilleure valorisation dans les magasins, sites Internet, magazines… mais Merida est au top techniquement et mérite un bon avis sur ses vélos. La marque est peu connue en France et en Espagne, où les marques américaines sont mieux valorisées. Mais avec le temps, cette différence va se gommer.
Tu as été privé de participation à deux Championnats du Monde par l’UCI et ta fédération nationale. Pourquoi ?
Les sanctions prises à mon encontre ont été publiques, je ne cherche pas à les cacher. Il y a eu le Mondial des Gets en 2004 où j’ai eu un contrôle avec un taux d’hématocrite à 51 %, c’est pour cela qu’on m’a interdit le départ. Mais c’est mon taux normal ! L’UCI dispose des tests et papiers officiels et ils savaient que cette valeur n’avait rien d’anormale ! C’est bizarre… Le samedi avant la course, on m’a informé que j’étais suspendu pour quinze jours. Le lundi après la course, on m’a donné les documents validant mon taux d’hématocrite naturel. Ça donne une belle image de la gestion de notre sport par l’UCI… En 2006, à Roturoa, c’était différent. Ce n’est pas l’UCI, c’est la fédération espagnole qui pensait que j’étais impliqué dans l’affaire Puerto ! Ils m’ont contacté et ont annulé ma sélection pour le Mondial en me demandant de rentrer en Espagne. C’était critique. Cette suspension était basé sur des rumeurs ! Un mec m’aurait vu sortir de l’hôtel où pratiquait monsieur Fuentes. C’est dingue ! On m’a privé d’un Mondial où j’avais des ambitions car j’étais en forme ! Cette rumeur a pris de l’ampleur en étant diffusée dans les journaux. Je me suis fait flinguer en place publique, puis on m’a dit ‘désolé c’est une erreur !’ Avec mes avocats, on a fait le nécessaire pour réparer le préjudice, la fédération a dû payer des dommages, mais le jugement du tribunal en ma faveur n’a pas été relayé dans la presse avec autant d’impact que mon imaginaire implication.
Comment juges-tu la lutte antidopage ?
Ce sont des situations dures à vivre ! Des amis routiers professionnels me disent souvent qu’il vaut mieux avoir le numéro de téléphone de ses avocats plutôt que de ses entraîneurs ! Le cyclisme est un sport de valeur, de respect. Nous avons le plus grand nombre de contrôles antidopage ! L’EPO est analysée depuis 1998 grâce à la lutte antidopage menée dans le milieu cycliste. L’athlétisme et le foot contrôlent l’EPO depuis trois ans à peine, le cyclisme depuis plus de dix ans ! Dans le cyclisme, il y a plus de 5000 contrôles annuels. Il faut nettoyer l’image de notre sport, lui rendre sa fierté, son honneur et s’il faut 10000 contrôles par an, faisons-les ! Nous devons sortir les tricheurs qui pénalisent notre sport, salissent son image.
Tu connais très bien Julien Absalon, que tu as côtoyé chez Scott puis Bianchi. Ses résultats des Mondiaux 2008 (abandon) et 2009 (2ème) laissent planer un goût de fin de règne. Qu’en penses-tu ?
Moi, j’aurais bien aimé avoir une ère Absalon dans ma carrière ! Si lorsque tu déclines tu enchaînes des places de second, ça me convient ! Non, sérieusement, Julien n’est pas fini, loin de là ! Il a un super talent, il est de la trempe de Valentino Rossi, Michael Schumacher, un grand champion. Absalon est né pour gagner, pour dominer notre sport. Il est prédisposé à cette carrière. Depuis cinq ans, il domine absolument notre sport, quelles que soient les situations de course, l’adversité, les conditions météo, les parcours. Il faut percevoir la chance de le côtoyer, de progresser à ses côtés en l’affrontant. J’estime être un coureur de notoriété qui a des fans, qui est connu. Et je le dois en partie à Julien, car en terminant 2ème derrière lui, c’est valorisant. Et lorsqu’on parvient à le vaincre, c’est un super résultat ! Mes plus belles victoires sont celles où j’ai vaincu Julien ! J’ai beaucoup de respect pour lui, car malgré ses excellents résultats acquis depuis cinq ans, il conserve la motivation et l’envie de se faire mal. A Canberra et à Champéry, il n’a rien lâché jusqu’à la fin, c’est le signe d’un grand champion.
Combien de temps encore envisages-tu de poursuivre ta carrière ?
Je prends toujours du plaisir à m’entraîner, à courir. J’apprends encore beaucoup de choses et je progresse encore en côtoyant des coureurs comme Absalon mais aussi des jeunes comme Vuillermoz, qui amènent de la fraîcheur, de l’envie… Ces jeunes nous bougent et nous obligent à poursuivre nos efforts pour rester devant. Ils ont envie de gagner et moi je n’ai pas envie de perdre ! Et puis, tant que je n’ai pas gagné la Coupe du Monde ou le Mondial, je serai là !
Propos recueillis par Jean-Baptiste Trauchessec le 12 janvier 2010.