José-Antonio, es-tu assuré de poursuivre ta carrière jusqu’en 2016 ?
Oui, je continue, c’est certain. Je suis en fin de contrat à la fin de l’année, mais je pense que je n’aurai aucun problème avec Merida pour continuer, il n’y en a pas eu ces dix dernières années ! L’idée c’est de poursuivre jusqu’en 2016. Ensuite, je réfléchirai à ce que je veux faire de ma vie. J’adore le vélo. Mais à 38 ans aux Jeux Olympiques de Rio, le moment sera venu de laisser la place aux jeunes ! Un peu comme mes idoles l’ont fait pour moi quand j’ai débuté. Il y a de grandes chances pour que j’arrête après 2016. Mais je ferai peut-être de la longue distance pendant une année ou deux. Quoiqu’il arrive, ce sera dans une autre discipline que le XCO.
Quand as-tu pris ta décision ?
Ce n’est pas une décision que j’ai prise à un moment précis. J’ai eu un flash en 2010 après mon Championnat du Monde. Je me suis dit : « c’est bon, j’ai tout gagné. Je peux m’arrêter tranquille. » Mais ça n’a duré que 30 secondes parce que je me suis tout de suite dit que j’étais encore compétitif. En fait, ce n’est pas vraiment quelque chose auquel je pense. C’est la nature. Ce doit être quelque chose de progressif, de naturel.
Il n’y a rien de mieux qu’une année olympique pour arrêter ?
En fait, il y a beaucoup de raisons pour arrêter en 2016. J’ai été champion du monde Junior en 1996 à Cairns. Ce sera donc vingt ans après mon premier titre mondial ! Ce sera aussi mes cinquièmes Jeux Olympiques après Sydney, Athènes, Pékin et Londres. Cinq JO, vingt ans de carrière, 2016, ce sera le bon moment pour arrêter. Soit, je fais un bon résultat, soit non. Mais quand tu as vingt ans de carrière derrière toi…
À Rio, penses-tu que tu croiseras Julien Absalon dont le contrat arrive à terme cette année ?
Oui, je pense qu’on le retrouvera à Rio. Il joue toujours un peu avec ça. Il est un peu comme moi, même s’il est un peu plus réservé. Il s’amuse sur le vélo. Il aime les entraînements et progresser un peu chaque année. C’est sûr qu’il poursuivra jusqu’en 2016. Mais on ne sait jamais. Peut-être qu’on se retrouvera en catégorie Master ! (il rit)
Pourrais-tu aussi le retrouver en enduro ?
Je ne sais pas encore. J’ai un vélo d’enduro à la maison et je roulerai dessus. Mon chemin en XCO s’arrêtera en 2016. Par la suite, je continuerai probablement sur du cross-country et non pas sur une autre discipline. Je m’amuse sur le vélo et je ne sais pas quelle sera ma situation après 2016 dans le team et dans l’entreprise Merida. J’espère continuer avec eux soit en marathon, soit en enduro, soit dans un rôle de promotion. Mais c’est clair qu’après 2016, le XCO, la course la plus explosive, ça va être limite.
Penses-tu déjà à ta reconversion ?
Pas beaucoup. Le team y pense plus que moi ! Je crois qu’ils ont déjà des idées pour moi pour essayer d’utiliser mes connaissances et mon expérience, soit en compétition, soit en dehors, au niveau de la communication. Pour le moment, je pense à m’amuser sur le vélo. Faire des courses de VTT, aller à la bagarre avec les collègues, c’est ce que j’aime ! Pour le moment, j’ai pas mal de responsabilités, au niveau des résultats, mais aussi pour montrer le métier aux pilotes de la jeune génération que nous avons dans le team avant de leur laisser la place.
Tu parles de Thomas Litscher, Ondrej Cink et Julian Schelb.
Au niveau physique, je n’ai pas grand-chose à leur montrer. Ils sont déjà plus explosifs que moi. Peut-être plus techniques aussi. Je leur apprends surtout à gérer les situations, à être calmes pendant la saison. Je leur apprends aussi une autre partie de notre métier : de ne pas passer son après-midi dans la chambre après l’entraînement. De travailler sur l’image, d’avoir de bonnes relations avec les sponsors. Ce sont des choses que je peux montrer. Les mecs ont vraiment toujours le plaisir d’apprendre. Ils posent des questions, demandent des conseils. Je les donne volontiers.
C’est ce que l’on t’a appris au début de ta carrière ?
Oui, bien sûr. Avant, je regardais mes idoles. Ils ont maintenant arrêté. Bientôt, le moment sera arrivé pour moi de m’écarter à mon tour. C’est une façon de boucler la boucle. J’ai été champion du monde chez les Juniors sur Scott et mon premier camp d’entraînement, c’était à Ramatuelle. À cette époque, j’ai appris de façon naturelle, pour savoir comment se débrouiller avec les sponsors et travailler pour avoir une belle image. Pas une image que l’on construit, mais quelque chose qui soit naturel. J’ai beaucoup appris de cette époque. Encore aujourd’hui j’ai des choses à apprendre des jeunes. C’est ce qui explique en partie que je n’ai pas eu une saison spectaculaire l’an passé. Mais sur la fin, j’ai réussi à faire de beaux résultats sur les objectifs que je m’étais fixés.
Que t’a-t-il manqué pour jouer plus souvent les premiers rôles l’an dernier ?
2013 a été une saison difficile pour moi en Coupe du Monde. Je n’y étais pas. J’étais préoccupé par mes changements de matériel. J’hésitais entre le 27,5″ et le 29″. J’ai connu pas mal de doutes pendant les courses. Ce n’est pourtant pas dans ma mentalité. Ce qui m’inquiétait le plus, c’était le format de roues. J’avais confiance en le 29″. En même temps, je trouvais le 27,5″ plus nerveux. D’un autre côté, dans le rock garden, avec le 27,5″ je prenais des risques, ce qui n’était pas le cas avec le 29″. Bref, je n’arrivais pas à choisir. En juin, je me suis décidé à passer sur le 29″. Depuis, j’ai bien roulé. Peut-être parce que j’étais débloqué au niveau psychologique. Cette année, c’est clair, je commencerai avec le 29″ dès la première Coupe du Monde à Pietermaritzburg. Par la suite, on va voir.
Quelles sont les courses que tu as cochées pour 2014 ?
Un peu comme chaque année. Le premier objectif, ce sera la Coupe du Monde de Pietermaritzburg début avril. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de faire la Cape Epic. C’est pour moi un bon entraînement. C’est aussi une belle épreuve où je fais de bons résultats, même si je ne m’entraîne pas spécialement sur la longue distance. Avec Cairns, ce sont mes deux premiers objectifs. Puis ce sera le Championnat d’Europe à Saint-Wendel et les Mondiaux à Hafjell. Entre temps, il y aura forcément quelques Coupes du Monde en Europe. J’essayerai d’y être performant. Le Mont Sainte-Anne, c’est toujours mon jardin. Même si je ne suis pas en forme, j’y suis bien, je ne sais pas ce qu’il s’y passe !
En ce sens, as-tu changé quelque chose dans ta préparation cet hiver ?
Je n’ai pratiquement rien changé au niveau matériel. En revanche, on a beaucoup changé au niveau de l’entraînement. Quand j’ai commencé le cross-country, les vainqueurs étaient en 2h20. Aujourd’hui, c’est presque la durée d’un marathon ! C’est une situation très bizarre : mon sport va à l’encontre de mon physique. Avec l’âge, j’ai plus d’endurance, mais le sport devient plus court et plus explosif ! J’ai dû changer beaucoup de choses. On ne fait plus de longues sorties d’entraînement. On travaille dans l’intensité avec des séances courtes et explosives. Au niveau technique aussi il faut bien s’entraîner. Nino Schurter met la barre plus haut chaque année ! On fait donc moins d’heures, mais on travaille de façon beaucoup plus intensive.
C’est ce à quoi ressemble ta semaine ?
Oui, on peut dire que l’on fait trois courses dans la semaine : deux simulations et la course à proprement parler. Je dois faire des séances d’1h30-1h40. J’ai des parcours près de chez moi où je vais à fond. C’est devenu nécessaire pour avoir un bon niveau.
Propos recueillis à Alcudia le 14 février 2014.