Si les grands vainqueurs font les grandes courses, alors le Grand Prix de Québec a réussi aujourd’hui son entrée dans la cour des grands. Il est plutôt curieux d’assister à la naissance d’une nouvelle course de haut niveau qui, avec le temps, pourra peut-être un jour briguer le terme de classique. Parce que les frontières du cyclisme se sont grandement élargies au cours des deux dernières décennies, parce que des champions américains ou australiens ont déferlé sur le Vieux Continent, le petit monde du vélo se devait d’aller conquérir de nouveaux territoires. De conquête il n’est plus tout à fait question car au Québec, on a pu le constater cet après-midi, le cyclisme est rayonnant. Le public s’est déplacé en masse pour assister à la première édition du Grand Prix de Québec, l’une des deux nouvelles courses canadiennes inscrites au ProTour.
Il est donc étrange de voir éclore une nouvelle course qui a l’allure d’une grande, tant par la difficulté de son parcours que par l’affiche proposée, car les meilleurs ont fait le déplacement en pionniers pour venir découvrir une course dont nul ne pouvait prédire le scénario. Une course nouvelle implique qu’il n’y ait aucun passé, donc aucune référence, donc aucune idée de ce qu’il adviendra ! Or il peut s’en passer des choses dans une course en circuit telle que se présente le Grand Prix de Québec pour quinze tours de 12,6 kilomètres à travers la vieille ville, avec passages par le parc des Champs-de-Bataille et le long du majestueux fleuve Saint-Laurent. Les difficultés du circuit sont regroupées dans les 4 derniers kilomètres, tout en paliers successifs avec la côte de la Montagne (375 mètres à 10 %), la côte de la Potasse (420 mètres à 7 %), la montée de la Fabrique (190 mètres à 7 %) et la montée du Fort (1000 mètres à 4 %).
Les coureurs sont pressés d’apporter de l’animation à cette épreuve, si bien que ce sont treize concurrents qui s’échappent dès le premier tour : Valerio Agnoli et Elia Viviani (Liquigas-Doimo), Markel Irizar et Yaroslav Popovych (RadioShack), Alfredo Balloni (Lampre-Farnese Vini), Julien Fouchard (Cofidis), Jakob Fuglsang (Team Saxo Bank), Dominik Nerz (Team Milram), François Parisien (Canada), Bram Tankink (Rabobank), Sébastien Turgot (Bbox Bouygues Telecom), Jürgen Van De Walle (Quick Step) et Jussi Veikkanen (FDJ). Ces treize hommes vont compter jusqu’à quatre minutes d’avance et vont réussir à se maintenir aux avant-postes une grande partie de la journée. Si l’échappée se disloque à une soixantaine de kilomètres de l’arrivée, un coureur comme Jakob Fuglsang, de loin le plus coriace des attaquants, va se maintenir en première position jusqu’à 20 kilomètres de l’arrivée, au moment où le peloton s’agite.
A l’approche du dernier tour de circuit, les grands favoris sont prêts à entrer en scène. Et devant l’énorme public québécois, c’est le Canadien Ryder Hesjedal (Garmin-Transitions) qui s’exécute le premier. A domicile, celui qui a terminé 2ème de l’Amstel Gold Race et 7ème du Tour de France cette année enflamme une foule enthousiaste en attaquant dans la côte de la Montagne, suivi par Damiano Cunego (Lampre-Farnese Vini), Matti Breschel (Team Saxo Bank) et Fabian Wegmann (Team Milram), puis Robert Gesink (Rabobank). Il y a un très bon coup à jouer mais Cunego et Wegmann se montrent trop frileux dans l’effort, et même si Hesjedal semble rouler pour deux, le peloton se rapproche. Le Canadien retente sa chance au pied de la montée finale mais c’est peine perdue. Un groupe d’une vingtaine d’unités se reforme 2 kilomètres de l’arrivée.
Au terme d’un final explosif, un petit peloton s’apprête donc à se disputer la victoire à Québec, mais c’est sans compter la dernière cartouche de Thomas Voeckler (Bbox Bouygues Telecom). L’Alsacien ne se sentait pas si fort que cela, et c’est finalement ce qui va l’aider à gagner, sans quoi il aurait probablement cherché à accompagner les attaquants dans le final. N’ayant donc pas bougé de la journée, il saisit sa chance peu avant la flamme rouge et se dote aussitôt d’une avance encourageante. Derrière, on se regarde un peu, le champion de France le voit et insiste. Sa popularité a traversé l’océan et c’est porté par la foule que Voeckler s’en va inscrire le premier son nom au palmarès, précédant Edvald Boasson-Hagen (Team Sky), Robert Gesink, Ryder Hesjedal et le reste du peloton. Le Grand Prix de Québec n’a pas encore la réputation des grandes classiques mais ce qu’a fait Voeckler cet après-midi en est tout à fait digne.
Classement :
1. Thomas Voeckler (FRA, Bbox Bouygues Telecom) les 189 km en 4h35’26 »
2. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) à 1 sec.
3. Robert Gesink (PBS, Rabobank) m.t.
4. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Transitions) m.t.
5. Miguel Minguez (ESP, Euskaltel-Euskadi) m.t.
6. Alessandro Ballan (ITA, BMC Racing Team) m.t.
7. Fabian Wegmann (ALL, Team Milram) m.t.
8. Maxime Monfort (BEL, Team HTC-Columbia) m.t.
9. Francesco Reda (ITA, Quick Step) m.t.
10. Damiano Cunego (ITA, Lampre-Farnese Vini) m.t.
Classement complet