Darren, un Anglais a franchi en jaune la ligne d’arrivée du Tour de France dimanche dernier sur les Champs-Elysées, quel a été votre sentiment ?
En un mot : fierté. En tant que Britannique, ça a été un grand moment de notre histoire sportive. Or Dieu sait que nous sommes un pays riche en amateurs de sport et en exploits athlétiques. La victoire de Bradley Wiggins, ça a vraiment été un moment à part. Pour moi qui fais partie du petit pourcentage de Britanniques qui aiment le vélo depuis longtemps, ça a été quelque chose d’extraordinaire. J’ai suivi ça de très près.
Vous croyiez en sa victoire ?
On faisait des paris avec des amis et, oui, j’y croyais. Pas les autres. J’ai entendu tous les arguments : il a été trop bon trop tôt, ça ne durera jamais, et puis dans la montagne il ne tiendra pas… Eh bien si ! J’ai trouvé que Wiggins avait fait un Tour absolument exceptionnel. Je n’ai pas compris cette petite polémique sur le fait que ce n’était pas un grand Tour, que ça n’a pas été excitant. Peut-être pour un Français qui voit un British s’imposer. Mais j’espère qu’un jour vous aurez autant de plaisir que moi de voir un Français gagner le Tour de France. Je peux vous dire que quand vous voyez un compatriote gagner, vous ne trouvez pas que c’est ennuyeux.
Peut-on comparer l’impact de la victoire de Bradley Wiggins dans le Tour de France à celui de l’équipe d’Angleterre en Coupe du Monde de football en 1966 ?
C’est effectivement un bel hommage. Depuis 1966, on attend de regagner quelque chose au niveau du football. Mais on est pas mal aux JO en général. On a quand même gagné dix-neuf médailles d’or à Pékin, on espère faire aussi bien cette fois-ci. Sur le vélo, on a beaucoup d’attentes. Depuis quelques années, les pistards britanniques font partie des meilleurs du monde. Il est très intéressant de noter l’effet de ce succès-là.
Quel effet ?
De plus en plus d’Anglais se sont passionnés pour le cyclisme. A travers les succès de Chris Hoy et compagnie, on voit que le vélo en Angleterre a pris beaucoup plus d’ampleur. Sans oublier l’arrivée de l’équipe Sky, autour de Dave Brailsford, à qui l’on doit toute cette réussite sur la piste. On est en train de vivre des moments exceptionnels sur le vélo en Grande-Bretagne.
Vous dites aimer le vélo depuis longtemps, comment est-ce arrivé ?
J’habite en France depuis plus de vingt ans. La première fois que je suis allé au Tour de France, c’était en tant que simple spectateur. J’étais allé à l’Alpe d’Huez avec des Anglais, le jour où Andrew Hampsten a gagné l’étape. C’était le jour où Luc Leblanc avait terminé hors délai. C’était terrible de le voir souffrir, genre quarante minutes après le passage du premier. Je me souviens très bien de cette journée-là. Après, j’ai eu la chance en tant que journaliste de couvrir plusieurs fois le Tour de France, surtout lorsque Lance Armstrong était le champion.
Sir Chris Hoy porte-drapeau de la délégation britannique, c’est un symbole fort ?
Oui, bien sûr. Tous ceux qui aiment le vélo sont ravis de voir Sir Chris Hoy à la tête de la délégation britannique. C’est la réflexion du succès que le vélo a apporté à la Grande-Bretagne. Qui aurait pensé, il y a une douzaine d’années, qu’un pistard écossais puisse se porter à la tête de la délégation ? Qui aurait pu penser qu’un Britannique comme Bradley Wiggins gagne le Tour de France ? Qui aurait pu penser que Mark Cavendish deviendrait champion du monde et élu par le peuple britannique sportif de l’année ? C’est un truc de dingue !
Pensez-vous à un été anglais en matière de cyclisme ?
C’est vrai que tout nous a réussi pendant le Tour de France. Sept étapes pour les Britanniques, Bradley Wiggins en jaune, Mark Cavendish qui gagne la dernière étape sur les Champs… C’est comme dans un rêve. J’aimerais qu’il se prolonge quelques jours encore mais j’ai peur pour nos athlètes, car trop de pays ont intérêt désormais à se mettre en travers de leur route.
Vous ne verriez pas Bradley Wiggins champion olympique du contre-la-montre mercredi ?
Bien sûr que si, il a les jambes, mais en même temps il y a un sacré client en face avec Fabian Cancellara. Il sera probablement le favori pour le contre-la-montre.
Vous pratiquez le vélo ?
J’ai peu de temps et pas vraiment la condition physique que je voudrais ! Mais oui, j’en fais encore. J’ai la chance d’avoir un beau-père qui est fou de vélo. Il m’en a offert un et tous les deux on enfile nos tenues. Je porte toujours des fringues que j’ai achetées il y a dix ans : un maillot ONCE jaune, comme Laurent Jalabert. Ça commence à devenir un peu tendu au niveau du bidon mais ça passe encore ! On fait de belles balades en Provence, mais bien moins que je n’en faisais auparavant en région parisienne. Malheureusement.
Propos recueillis à Londres le 27 juillet 2012.