Si le Giro n’a pas son pareil pour donner lieu à des courses à rebondissement quel que soit le profil de l’étape, on ne peut pas en dire autant de la Vuelta, dont les étapes de transition apparaissent parfois un peu longuettes. Les coureurs eux-mêmes ont prétendu s’être ennuyés hier alors que la caravane a mis le cap au sud pour rejoindre l’Andalousie ce week-end. A en juger le tracé de la sixième étape qui nous attend aujourd’hui en Estrémadure, entre Guijuelo et Caceres (175 km), bien des suiveurs craignent une nouvelle étape sans grand intérêt, si ce n’est peut-être un sprint massif donné pour incontournable et dans lequel la large palette de routiers-sprinteurs de seconds rangs aura à nouveau l’occasion de s’exprimer. Et pourtant, cette sixième étape va bien capter l’attention de tous, ceci grâce à la performance d’un seul homme.
Le tracé roulant de cette étape n’offre pas des perspectives qu’aux seuls sprinteurs. Dans moins de quatre semaines désormais, les meilleurs spécialistes au monde du contre-la-montre se mesureront à Florence pour la remise en jeu du titre mondial. Engagés sur la Vuelta, le triple champion du monde en titre Tony Martin (Omega Pharma-Quick Step) et l’ex champion olympique Fabian Cancellara (RadioShack-Leopard) sont avant tout venus chercher en Espagne des kilomètres au soleil plutôt que des opportunités de se mesurer. Passé le contre-la-montre par équipes organisé samedi dernier en ouverture, seule une étape de 38 kilomètres mercredi prochain leur permettra de se frotter au chronomètre. Mais le parcours ardu autour de Tarazona et l’emprunt de l’Alto del Moncayo (9 km à 4,1 %) ne les avantagera pas.
Il existe cependant une alternative pour voir où en sont les jambes et peaufiner sa technique à moins d’un mois de l’échéance : s’échapper en solitaire sur des routes de circonstance. C’est l’idée de Tony Martin, qui prend le baisser de drapeau pour un go. Le départ tout juste donné, l’Allemand passe à l’attaque et se lance, en solo, dans un contre-la-montre marathon ! Son intention de passer la journée seul est telle qu’il interdit à Marco Pinotti (BMC Racing Team), un rouleur qui a flairé le bon exercice auquel souhaite s’adonner le champion du monde du chrono, de rentrer sur lui dans les premiers kilomètres. Ainsi Tony Martin prend-il rapidement une, deux et bientôt plusieurs minutes d’avance, bien décidé à exploiter ce type de journée au mieux avant de se confronter à Fabian Cancellara, Bradley Wiggins et Christopher Froome à Florence.
Tony Martin ne lâche rien et se prend bientôt à croire l’exploit réalisable.
Et Tony Martin ne fait pas semblant. Il boucle les 46 premiers kilomètres en une heure et c’est à peine s’il réduira son allure par la suite… L’Allemand est bel et bien lancé dans un contre-la-montre très longue distance, trois fois celle du chrono du Championnat du Monde le 25 septembre prochain : 57,9 kilomètres. A cette vitesse, son avance s’accroît pour atteindre 7’24 » sur un peloton obligé de réagir de bonne heure, contrôlé d’abord par les Astana de Vincenzo Nibali, toujours en rouge, puis par les Orica-GreenEdge de Michael Matthews, candidat à une seconde victoire d’étape. Les équipes de sprinteurs qui se liguent à la poursuite de l’échappé solitaire ramènent la différence dans des proportions dérisoires. Tony Martin n’a plus qu’une minute d’avance lorsqu’il attaque les 20 derniers kilomètres.
Le rouleur allemand est pourtant plein de ressources. Malgré trois heures et demie passées seul devant à près de 45 de moyenne (44,8 km/h sur les 175 kilomètres), Tony Martin semble en avoir gardé sous la pédale ! Et s’il est bientôt en point de mire du peloton alors qu’on entre dans Caceres par de longs faux-plats, il prend un malin plaisir à reprendre 5 à 10 secondes au peloton lorsque celui-ci semble sur le point de le rejoindre… Lui qui d’ordinaire est attaché à la mission de boucher les trous sur les derniers échappés pour permettre à ses sprinteurs, Mark Cavendish au Tour, Gianni Meersman à la Vuelta, d’avoir le champ libre, se retrouve dans la position du coureur pris en chasse. Mais il ne lâche rien et se prend bientôt à croire l’exploit réalisable, le peloton aux trousses après 175 kilomètres d’échappée solitaire.
Sous la flamme rouge, la différence de 6 secondes qu’il entretient depuis 5 kilomètres est stable. La victoire, aussi impensable que cela puisse paraître, semble basculer dans son camp. Or l’ironie de l’histoire va vouloir que ce soit Fabian Cancellara qui vienne mettre fin à l’hystérie qui gagne l’aire d’arrivée. C’est lui qui va jouer les bourreaux à Caceres, ramenant le peloton suffisamment près pour que les sprinteurs sortent des stalles et fondent sur ce diable de Tony Martin. L’échappée prodigieuse de l’Allemand prend fin à 25 mètres de la ligne, et c’est le poursuiteur Michael Morkov (Team Saxo-Tinkoff), ça ne s’invente pas, qui récolte la gloire dans une étape qui aura tenu en haleine tous les suiveurs. Une petite seconde. C’est tout ce qui aura manqué à Tony Martin, 7ème, pour concrétiser son truc de fou !
Demain vendredi, la septième étape se tiendra entre Almendralejo et Mairena del Aljarafe (205,9 km).
Classement 6ème étape :
1. Michael Morkov (DAN, Team Saxo-Tinkoff) les 175 km en 3h54’15 » (44,8 km/h)
2. Maximiliano Richeze (ARG, Lampre-Merida) m.t.
3. Fabian Cancellara (SUI, RadioShack-Leopard) m.t.
4. Tyler Farrar (USA, Garmin-Sharp) m.t.
5. Juan-Antonio Flecha (ESP, Vacansoleil-DCM) m.t.
6. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
7. Tony Martin (ALL, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
8. Gianni Meersman (BEL, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
9. Philippe Gilbert (BEL, BMC Racing Team) m.t.
10. Graeme Brown (AUS, Belkin) m.t.
Classement général :
1. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) en 22h38’07 »
2. Christopher Horner (USA, RadioShack-Leopard) à 3 sec.
3. Nicolas Roche (IRL, Team Saxo-Tinkoff) à 8 sec.
4. Haimar Zubeldia (ESP, RadioShack-Leopard) à 16 sec.
5. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 21 sec.
6. Robert Kiserlovski (CRO, RadioShack-Leopard) à 26 sec.
7. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) à 28 sec.
8. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) à 31 sec.
9. Rafal Majka (POL, Team Saxo-Tinkoff) à 38 sec.
10. Roman Kreuziger (TCH, Team Saxo-Tinkoff) à 42 sec.
Classement par points :
1. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) 51 pt
2. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) 48 pt
3. Maximiliano Richeze (ARG, Lampre-Merida) 40 pt
4. Nicolas Roche (IRL, Team Saxo-Tinkoff) 38 pt
5. Gianni Meersman (BEL, Omega Pharma-Quick Step) 38 pt
6. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 37 pt
7. Fabian Cancellara (SUI, RadioShack-Leopard) 36 pt
8. Bauke Mollema (PBS, Belkin) 34 pt
9. Tyler Farrar (USA, Garmin-Sharp) 30 pt
10. Christopher Horner (USA, RadioShack-Leopard) 28 pt
Classement de la montagne :
1. Nicolas Roche (IRL, Team Saxo-Tinkoff) 11 pt
2. Nicolas Edet (FRA, Cofidis) 8 pt
3. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) 6 pt
4. Winner Anacona (COL, Lampre-Merida) 5 pt
5. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) 4 pt
6. Christopher Horner (USA, RadioShack-Leopard) 3 pt
7. Javier-Francisco Aramendia (ESP, Caja Rural) 3 pt
8. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 3 pt
9. Leopold Konig (TCH, Team NetApp-Endura) 2 pt
10. Danilo Wyss (SUI, BMC Racing Team) 2 pt
Classement du combiné :
1. Nicolas Roche (IRL, Team Saxo-Tinkoff) 8 pt
2. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) 13 pt
3. Christopher Horner (USA, RadioShack-Leopard) 18 pt
4. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 19 pt
5. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 39 pt
6. Leopold Konig (TCH, Team NetApp-Endura) 42 pt
7. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) 51 pt
8. Danilo Wyss (SUI, BMC Racing Team) 140 pt
9. Nicolas Edet (FRA, Cofidis) 145 pt
10. Greg Henderson (NZL, Lotto-Belisol) 159 pt
Classement par équipes :
1. RadioShack-Leopard (LUX) en 66h54’54 »
2. Team Saxo-Tinkoff (DAN) à 5 sec.
3. Belkin (PBS) à 1’10 »
4. Team NetApp-Endura (ALL) à 1’25 »
5. Movistar Team (ESP) à 1’28 »
6. Astana (KAZ) à 2’10 »
7. FDJ.fr (FRA) à 2’39 »
8. Team Katusha (RUS) m.t.
9. BMC Racing Team (USA) à 3’01 »
10. Euskaltel-Euskadi (ESP) à 6’43 »