On a vibré avec les Juniors Dames, euphorisé avec les Espoirs, carrément déliré avec les Juniors Messieurs. Mais quand arrive le tour des femmes de s’engager sur les dix boucles d’un circuit aseptisé de 14 kilomètres cet après-midi, un point d’interrogation fait son apparition. Le tracé de Rudersdal est impersonnel et dénué d’originalité. Un petit faux-plat par-ci par-là, de longs bouts droits à travers un joli espace boisé, et rien qui puisse permettre à l’une ou l’autre d’y faire la différence. Les Juniors sont bien parvenus à fausser les plans des sprinteurs ce matin, mais ce fut au prix d’une extraordinaire course d’équipe du groupe France. A moins d’une nation singulièrement forte comme le fut la France ce matin, et désireuse de dynamiter la course en étant présente à tous les échelons, aucune course ne sera épargnée par une arrivée en peloton.
Chez les filles, le scénario final semble déjà écrit et accepté par chacune des concurrentes. Il n’y a pas, dans le peloton féminin, de nation suffisamment puissante pour faire ce qu’a réussi à faire ce matin l’équipe de France Juniors. Pour celles qui visent le titre mondial autrement qu’en se confrontant aux meilleures sprinteuses, il n’y a guère beaucoup de possibilités. A défaut de pouvoir compter sur des structures importantes, il leur faudra s’en remettre aux deux tours finaux pour tenter le tout pour le tout. La platitude du circuit n’inspire donc aucune stratégie aux compétitrices. Pire ! Elle va contaminer le peloton tout entier, qui s’apprête à nous livrer la course la plus ennuyeuse de l’année, au grand dam de ceux qui encouragent le cyclisme féminin et rêvaient d’y voir les meilleures s’enflammer sur ce Mondial.
Durant plus de 100 kilomètres, le public danois va assister sans passion aucune à la flânerie d’un peloton de filles. Personne, mais vraiment personne, ne va se manifester pour se lancer ne serait-ce que dans une échappée dite publicitaire. Pendant des heures, il va nous falloir supporter ce spectacle accablant. En format randonnée, le peloton occupe toute la largeur de la chaussée, une favorite comme la Britannique Emma Pooley constamment postée en tête de groupe mais jamais un coup de pédale plus fort que les autres. Bref, les filles se plaignent souvent du manque de considération qui leur est fait part dans les médias, mais quand bien même la télé leur aura consacré trois heures et demie de direct, on n’aura trouvé personne pour enthousiasmer ce Mondial, devenu au fil des heures pathétique et sans le moindre intérêt.
La championne canadienne Clara Hughes convoite le titre mondial.
La rando des championnes prend progressivement fin dans le huitième des dix tours de circuit, à 40 kilomètres de l’arrivée. L’Italienne Noemie Cantele est la première à tirer le paquet de sa léthargie. Plusieurs favorites se jettent dans sa roue, parmi lesquelles Marianne Vos, Judith Arndt et Amber Neben. L’attaque meurt dans l’œuf mais au moins les choses commencent à bouger. A son tour, c’est la Canadienne Clara Hughes, 5ème du Championnat du Monde du contre-la-montre mardi, qui passe à l’attaque. Ce sera en réalité le seul fait de course majeur de l’après-midi. Toutes les filles semblant déjà résignées dans l’attente du sprint massif qui leur est promis, aucune n’accompagne la Canadienne, vice-championne du monde du contre-la-montre en 1995 derrière Jeannie Longo, dans sa tentative esseulée. Pourtant, il y a un bon coup à jouer, et ceux qui ont suivi l’admirative performance de Clara Hughes dans le chrono le savent.
Athlète atypique, multiple médaillée olympique en patinage de vitesse (championne olympique du 5000 mètres à Turin en 2006) et en cyclisme (le bronze sur route et contre-la-montre il y a quinze ans à Atlanta), la championne de 39 ans revenue à la compétition cycliste cette saison après une trêve de sept ans, peut convoiter le titre mondial au Danemark. A deux tours de l’arrivée, elle compte 36 secondes d’avance sur le peloton. Et elle préserve son avantage dans l’avant-dernier tour pour attaquer la boucle finale avec une avance toujours conséquente de 38 secondes. Malheureusement pour elle, les Hollandaises décident de s’organiser à 10 kilomètres du but. Jusqu’au bout, les filles au maillot orange vont piloter le peloton, ravalant Clara Hughes à 3 kilomètres de l’arrivée pour s’engager en masse dans la longue ligne droite finale.
La petite particularité du sprint final, c’est qu’il se dispute sur terrain ascendant, un court faux-plat montant menant jusqu’à la ligne. Rien de plus en fait que celui qui avait permis il y a un an à Giorgia Bronzini de rafler le titre mondial au sprint en Australie. Dans des conditions analogues, l’Italienne s’affirme d’ailleurs comme une sprinteuse imprenable en faux-plat. Au grand désarroi de Marianne Vos, battue pour le titre mondial pour la cinquième fois consécutive, puisque déjà 2ème en 2007 derrière Marta Bastianelli, en 2008 derrière Nicole Cooke, en 2009 derrière Tatiana Guderzo et en 2010, déjà, derrière Giorgia Bronzini ! A 28 ans, cette dernière renouvelle son bail avec le maillot arc-en-ciel. Elle devance l’éternelle vice-championne du monde Marianne Vos, l’Allemande Ina Teutenberg et la Britannique Nicole Cooke. A noter en outre la belle 10ème place au sprint de la Bretonne Aude Biannic pour le compte de l’équipe de France.
Classement :
1. Giorgia Bronzini (Italie) les 140 km en 3h21’28 » (41,7 km/h)
2. Marianne Vos (Pays-Bas) m.t.
3. Ina Teutenberg (Allemagne) m.t.
4. Nicole Cooke (Grande-Bretagne) m.t.
5. Julia Martisova (Russie) m.t.
6. Chloe Hosking (Australie) m.t.
7. Elizabeth Armitstead (Grande-Bretagne) m.t.
8. Ludivine Henrion (Belgique) m.t.
9. Rasa Leleivyte (Lituanie) m.t.
10. Aude Biannic (France) m.t.