En ce week-end de l’année à cheval entre deux saisons, l’hiver qui se termine aujourd’hui, le printemps qui commence demain, la campagne des classiques s’ouvre avec Milan-San Remo. Et c’est parti pour six week-ends majeurs avec à suivre les dimanches à venir Gand-Wevelgem, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, l’Amstel Gold Race et Liège-Bastogne-Liège. Qui dit classiques sous-entend traditions et coutumes. Une sorte de routine plaisante dans laquelle le scénario, bien que jamais écrit à l’avance, se devine tout de même dans ses grandes lignes d’un monument à l’autre du calendrier cycliste. Prenez Milan-San Remo par exemple, figé depuis une douzaine d’années dans un déroulement quasi immuable. Les sprinteurs se sont accaparés cette classique qui faisait autrefois la part belle des puncheurs. Mais les choses peuvent changer…
L’édition 2011 semble vouloir nous faire croire que les sprinteurs seront à nouveau rois sur le Lungomare Italo Calvino, où s’achève depuis trois ans la classicissima après 298 kilomètres de course ! Tout le gratin de la spécialité est venu courir en Italie, réduisant le poids des favoris misant davantage sur leur explosivité dans les capi, ces petits talus situés en bord de mer dans les 90 derniers kilomètres. Et pourtant, à bien y regarder, tous les sprinteurs engagés n’abordent pas Milan-San Remo dans les meilleures dispositions. Entre ceux qui n’ont pas fait leurs preuves ces dernières semaines, ceux qui se ressentent d’une chute ou d’un mauvais virus, la prestigieuse liste est égratignée. D’un autre côté, on peut penser que, les puncheurs étant moins nombreux à pouvoir gicler dans le final, il leur sera peut-être plus aisé qu’à l’accoutumée d’y faire la différence. Ce Milan-San Remo, vous l’avez compris, va nous réserver des surprises.
La Primavera, c’est d’abord une échappée matinale lancée de bonne heure par quelques coureurs ne se faisant guère d’illusions sur leurs chances de jouer les premiers rôles jusqu’au bout. Cette année cette inévitable échappée matinale est fondée au 12ème kilomètre par quatre coureurs : le champion du Japon Takashi Miyazawa (Farnese Vini-Neri Sottoli), qu’accompagnent Alessandro De Marchi (Androni Giocattoli), Mikhail Ignatiev (Team Katusha) et Nico Sijmens (Cofidis). La tradition veut que le peloton accorde une avance substantielle à l’échappée du matin, une treizaine de minutes, avant que la chasse ne soit vraiment lancée au moment où l’on quitte les terres lombardes pour s’engager sur les côtes liguriennes. Mais les us et coutumes de Milan-San Remo vont s’arrêter là, à l’approche de la Manie, après le 200ème kilomètre.
Yoann Offredo se distingue encore une fois dans le final de Milan-San Remo.
La fine pluie qui s’abat alors sur les routes d’Italie annonce une rupture avec les images traditionnelles. Sur les pentes ascendantes puis descendantes de la Manie, une série d’incidents va provoquer la scission du peloton et une remise en cause du final de ce Milan-San Remo. Ce sont en fait quarante-cinq coureurs qui se maintiennent au sein du peloton de tête, qui rejoint rapidement les échappés du matin. Et manquent à l’appel des favoris comme Hushovd, Cavendish, Farrar, Freire, Visconti ou encore Scarponi, lequel va néanmoins réaliser un retour magistral sur le peloton de tête en partant à sa poursuite dans la Cipressa. Car il apparaît bientôt évident que la 102ème édition de la classique italienne reviendra à l’un des hommes de tête. Et en l’absence d’équipe suffisamment structurée pour contenir ce peloton et emmener un sprinteur, la Cipressa et le Poggio vont se présenter tels deux tremplins dans les 25 derniers kilomètres.
Présent au sein du premier peloton, le Français Yoann Offredo (FDJ) incarne les meilleures chances du cyclisme français. Il y a un an, le jeune homme s’était distingué en s’échappant seul entre la Cipressa et le Poggio. Et le voilà qui remet cela cette année, au même endroit, à 16 kilomètres du but, mais accompagné cette fois de Steve Chainel (FDJ), Stuart O’Grady (Team Leopard-Trek) et Greg Van Avermaet (BMC Racing Team). Le quatuor aborde le Poggio en tête sur un peloton diminué et devant lequel les favoris ne manifestent pas de grandes convictions dans la poursuite. Pourtant, l’écart se réduit dans cette dernière difficulté et Greg Van Avermaet bondit de l’avant. Le Belge tente son va-tout mais il franchit le sommet avec une poignée de secondes d’avance seulement sur un petit groupe de favoris au sein duquel se maintient Offredo.
Ce groupe royal qui s’est détaché au train rejoint Van Avermaet à 2 kilomètres de la ligne. Ils ne sont dès lors plus que huit à l’avant : Alessandro Ballan, Fabian Cancellara, Philippe Gilbert, Matthew Goss, Vincenzo Nibali, Filippo Pozzato, Michele Scarponi et l’inaltérable Yoann Offredo. Et c’est encore lui qui démarre à 2 kilomètres du but, imité dans la foulée par Philippe Gilbert. Lui encore qui prend la tête du groupe sous la flamme rouge et jusqu’au déclenchement du sprint final. Mais le Français, brillant, devra se contenter du 7ème rang. Car au sprint les cadors s’expliquent pour de bon. Et malgré le violent écrémage réalisé dans les 90 derniers kilomètres de cette édition, il demeure un pur sprinteur au sein du groupe de tête. Et même si sprinter en petit comité ne revient pas à batailler devant un peloton entier, l’Australien Matthew Goss (HTC-Highroad) se montre imprenable dans sa spécialité, où il devance à San Remo Fabian Cancellara (Team Leopard-Trek) et Philippe Gilbert (Omega Pharma-Lotto), défiant tous les scenarii écrits jusqu’alors.
Classement :
1. Matthew Goss (AUS, HTC-Highroad) les 298 km en 6h51’10 »
2. Fabian Cancellara (SUI, Team Leopard-Trek) m.t.
3. Philippe Gilbert (BEL, Omega Pharma-Lotto) m.t.
4. Alessandro Ballan (ITA, BMC Racing Team) m.t.
5. Filippo Pozzato (ITA, Team Katusha) m.t.
6. Michele Scarponi (ITA, Lampre-ISD) m.t.
7. Yoann Offredo (FRA, FDJ) m.t.
8. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 3 sec.
9. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) à 10 sec.
10. Stuart O’Grady (AUS, Team Leopard-Trek) à 12 sec.