Le final de Paris-Roubaix tel qu’il existe depuis nombre d’années n’existera bientôt plus. A la sortie du secteur de Gruson, prolongement du Carrefour de l’Arbre, les héros de l’Enfer du Nord vont bientôt découvrir un nouveau secteur long de 3200 mètres qui remplacera celui de Willems à Hem. Davantage reconnu pour le risque de crevaison qu’il peut représenter sur les bandes macadamisées qui le bordent que par son réel intérêt sportif, ce secteur classé deux étoiles par l’organisation est voué à disparaître du tracé d’ici à l’horizon 2022, ce qui changera radicalement la face du final de ce qui constituera alors la 120ème édition de la Reine des Classiques. Une opération déménagement du même type avait déjà eu lieu en 2007 sur le secteur d’Orchies à Beuvry-la-Forêt, rallongé de 600 mètres. Mais ce projet est d’une toute autre ampleur.
Loin de la volonté de durcir un peu plus une course à l’héroïsme déjà démesuré, ce projet est dicté par une simple nécessité d’aménagement du territoire. Car le chemin pavé emprunté par le peloton une fois par an est, le reste de l’année, une route départementale délabrée, étroite et sinueuse amenée à être asphaltée et modernisée pour favoriser la circulation dans les environs. « Nous ne sommes pas contre le progrès, bien au contraire, mais à partir du moment où un secteur pavé est détruit, il faut trouver un tronçon de substitution », explique François Doulcier, président de l’association des Amis de Paris-Roubaix, dont la vocation est de préserver et d’entretenir les secteurs pavés de l’Enfer du Nord.
Et ce tracé de substitution a été trouvé en juin dernier à quelques hectomètres du secteur existant, première étape d’un projet dans les cartons depuis 1999 et retardé par la crise économique de 2008. Tout s’est accéléré en 2015. La mairie de Hem cherchait à créer un nouveau chemin de balade qui permettrait de relier la base de loisirs de Willems au Parc du Héron à Villeneuve-d’Ascq, les deux autres communes sur lesquelles se trouvera le futur secteur pavé. Bénéficiant d’une enveloppe parlementaire pour assurer le financement d’une partie du projet, la Municipalité a donc lancé les travaux en septembre dernier. Les 400 premiers mètres du secteur ont été bouclés en décembre. Le plus gros reste donc à faire pour une somme globale estimée à un million d’euros.
« Se mettre d’accord sur un nouveau secteur qui sera créé de toute pièce n’était que la première étape, met en garde François Doulcier. Pour l’heure nous n’avons trouvé ni le financement ni le maître d’oeuvre pour les travaux. C’est un projet long et coûteux. Nous étalons ce projet sur six à sept ans, afin de consacrer chaque année un peu d’argent sur l’élaboration de ce chemin. Il était illusoire de vouloir faire tout tout de suite. »
Le noeud du problème reste encore aujourd’hui le financement du projet. C’est là qu’intervient la Métropole Européenne de Lille (MEL) dont les compétences en matière de voirie seront élargies au 1er janvier 2017 et qui devrait être amenée à financer les travaux. « Il faut que l’on puisse inscrire la poursuite de la première partie, déjà assurée du côté de Hem, avec les fonds métropolitains tout en faisant une demande de fonds européens afin de diminuer l’implication financière de la métropole, fait savoir Alain Bernard, premier vice-président de la MEL, Maire de Bouvines, passionné de cyclisme et… ancien président de l’association des Amis de Paris-Roubaix. Reste à la MEL d’inscrire cela dans son plan d’action, ce qui, compte tenu des avancées, devrait pouvoir se faire, dans les trois ou quatre années à venir. »
La métropole lilloise a déjà vendu une partie de son stock de pavés pour un euro symbolique, ce qui permet déjà d’envisager l’aménagement d’une bonne moitié du futur secteur. L’autre moitié proviendra du secteur existant où les pavés seront simplement déménagés. « Quand nous arriverons sur les derniers tronçons à aménager, il faudra synchroniser les travaux entre l’ancien secteur et le nouveau, explique François Doulcier. Nous ne sommes pas sans solution. Car nous pourrons alors emprunter la première partie de ce secteur d’environ 1500 mètres en proposant un nouveau tracé qui aurait déjà un linéaire équivalent à celui d’aujourd’hui. Tout se présente pour faire les choses comme il faut et sans dénaturer le final de la course. Il nous reste deux tronçons à faire avant qu’il puisse être emprunté. Je serai tenté de dire qu’il nous faudra environ trois ans avant que la course puisse emprunter ces nouveaux pavés. »
Il va sans dire que ces travaux auront une répercussion considérable sur l’aspect sportif. L’organisation est déjà prévenue puisque ASO fait partie intégrante des discussions sans s’impliquer financièrement. Le projet voué à aboutir débouchera sur la création du troisième secteur le plus long de Paris-Roubaix tout en étant situé dans les dix dernières bornes. Ce tronçon de par sa longueur et son emplacement s’annonce à l’avenir décisif et sera amené à être l’un des grands rendez-vous du final, au même titre que Mons-en-Pévèle ou le Carrefour de l’Arbre.