L’Union Jack qui aura flotté sur le Tour de France tout au long du Grand Départ britannique ne battra pas au vent des Champs-Elysées cette fois-ci. Quatre jours après l’affront vécu sur ses terres par Mark Cavendish, opéré hier de l’épaule droite, c’est Chris Froome (Team Sky) himself qui est rentré précipitamment au pays. Une chute, mardi vers Lille, avait laissé planer un doute sur sa capacité à passer les pavés du Nord alors qu’il s’était présenté hier matin à Ypres avec une atelle au poignet gauche. Deux nouvelles glissades avant même d’aborder les premiers secteurs ont achevé le tenant du titre, forcé d’admettre qu’il ne réussirait pas à passer les pavés gorgés d’eau et de boue avec un poignet défaillant.
« En descendant de la voiture pour l’aider à repartir avec le mécano, avant même de le consulter, j’ai réalisé qu’il ne pourrait pas repartir, nous confie ce matin le directeur sportif du Team Sky Nicolas Portal. Il souffrait énormément et on le voyait au bout du rouleau. Gentiment, sans stress, il m’a expliqué le vélo prêt à repartir qu’il voulait essayer. Sa tête voulait continuer, mais son corps ne pouvait plus suivre. » Chris Froome a donc quitté la course. Comme Bernard Hinault avant lui, dernier tenant du titre candidat à sa propre succession contraint à l’abandon sur les routes du Tour en 1980.
« Je suis dévasté d’avoir à quitter la course, a simplement commenté le vainqueur sortant du Tour de France, qu’un avion retour attendait dès hier soir à Lille. Mais c’était la bonne chose à faire après avoir encore chuté et je savais que je ne pouvais plus continuer. » En quittant rapidement le Tour hier soir, Froomey a échappé à l’attroupement de journalistes venus s’enquérir de sa santé. Nicolas Portal ne l’a pas revu. « Je ne sais même pas si un coureur a pu parler directement avec lui, confie-t-il. Il est reparti de bonne heure car un avion l’attendait déjà. Mais nous avons reçu des nouvelles de lui par SMS et il allait bien. Chris est une personne humainement extraordinaire. C’est dommage pour le groupe qu’on l’ait perdu, c’est très décevant pour lui quand on pense au travail qu’il a réalisé en amont pour regagner le Tour, mais c’est un grand professionnel. Et la bonne chose, c’est que s’il est tombé, il n’y a rien de grave. Il sera vite de retour. »
Ce matin à Arras, il manquait un vélo parmi les huit Pinarello alignés au pied du bus des Sky. Fataliste, le staff a affiché une allure placide, comme si la nuit passée par là avait suffi à retrouver la sérénité. « Nous avons tout de suite rebondi, admet Nicolas Portal. Hier déjà, avant le départ de l’étape, personne ne savait comment Chris allait passer les pavés. On savait que ce serait douloureux pour lui et on se préparait au pire. Il fallait passer cette étape en gardant à l’esprit que tout pouvait arriver. Les gars étaient préparés à devoir passer au plan B. Ils ont switché tout de suite. »
D’ores et déjà, l’après Chris Froome est engagé. « Nous sommes professionnels, insiste Nicolas Portal, et nous avons une bonne équipe, avec des numéros 1, des numéros 2… Notre chance c’est de posséder des coureurs très forts. Après l’étape des pavés Richie Porte est en bonne position. Geraint Thomas est également bien placé. Mikel Nieve n’a pas fini loin non plus hier. Nous allons donner le meilleur support à Richie, qui possède les plus belles qualités, et à Geraint qui est quelqu’un en devenir. Avec Mikel Nieve placé au général avant la montagne, on peut également avoir beaucoup d’opportunités. » Chez Sky, le jour d’après, l’horizon n’est plus tellement dégagé mais il n’est pas bouché non plus.