Il avait beau avoir lancé son affaire sur le grand braquet aux Pays-Bas, vainqueur hégémonique à Nimègue samedi comme à Arnhem dimanche, Marcel Kittel (Etixx-Quick Step) pourrait trouver le temps long à présent que le Giro défile en Italie, sur des routes qu’il ne s’est jamais appropriées. En tout et pour tout, jusqu’à ses premiers coups de pédales en rose hier en Calabre, le sprinteur allemand n’avait jamais disputé qu’une seule course sur la péninsule, Tirreno-Adriatico en 2014, quand l’unique sprint auquel il avait failli prendre part à Cascina s’était soldé par une chute à 3 kilomètres de l’arrivée. Le fameux épisode du Giant Propel sur lequel il avait passé ses nerfs, face caméra, avant de s’en excuser le lendemain, honteux, en diffusant sur les réseaux sociaux un cliché de lui, bouquet de roses à la main, la mine désolée face à son vélo. « J’essaie de sauver notre relation », avait-il dit.
Depuis, les choses se sont bien arrangées entre l’homme et sa machine, mais les routes italiennes sont restées fermées à un succès de Marcel Kittel. Et à y regarder de plus près, les occasions à saisir pour le puissant sprinteur allemand ne sont pas si nombreuses que cela, lui qui devra commencer par s’acclimater au cyclisme à l’italienne, à ses routes casse-pattes et tortueuses, et à ses courses souvent incontrôlables. Car si Kittel compte bien quatre victoires d’étapes dans le Tour d’Italie, elles ont toutes été conquises loin, très loin de la Botte. S’il était à la fête ce matin au départ de Praia a Mare, c’était avant tout parce qu’il a pris une année de plus pendant la nuit, 28 ans au réveil pour le coureur né un 11 mai 1988 à Erfurt dans ce qui était encore pour quelques temps l’Allemagne de l’est. Pour le reste, et bien que cette longue cinquième étape (233 kilomètres jusqu’à Bénévent) était promise à une arrivée massive, elle ne faisait pas nécessairement de lui le favori désigné à la victoire du jour.
En cause, un final compliqué en plein cœur de Bénévent, avec un ultime kilomètre ascendant (3,4 %) par-delà une chaussée dallée, ce qui n’avait rien du billard qu’affectionne l’Allemand. Il n’allait même pas avoir l’occasion de le vérifier de lui-même en rejoignant Bénévent pour un premier passage sur la ligne d’arrivée à 6,5 kilomètres de l’arrivée, puisqu’il était distancé avant même cette prolongation qui n’avait d’autre intérêt pour les équipes de sprinteurs que de prendre connaissance du terrain qui s’offraient à leurs hommes de pointe. C’était peut-être le jour d’Arnaud Démare (FDJ), qui s’était fait voler la vedette samedi à Nimègue (2ème), quand Kittel avait anticipé son effort. Mais le Picard, s’il se rapproche tout doucement d’un premier succès sur un Grand Tour, allait tomber sur un autre sprinteur, encore un Allemand, à qui on ne prêtait pas forcément pareille réussite sur ce terrain-là.
André Greipel profite d’un léger temps mort aux 250 mètres pour surprendre Arnaud Démare.
Ce n’était pas en tout cas une journée pour les attaquants, la longue introduction ascendante, 35 kilomètres montants à la sortie de Praia a Mare, n’ayant permis à personne de se dégager. La faute à une équipe Nippo-Vini Fantini qui tenait à garantir les seuls points du classement de la montagne mis en jeu aujourd’hui à son capitaine Damiano Cunego, porteur du maillot bleu de meilleur grimpeur. Et aussi invraisemblable que cela puisse paraître, le Vénitien n’avait plus goûté à pareil honneur sur le Giro depuis… sa victoire finale dans l’édition 2004 à 22 ans. Il lui aura fallu douze ans pour remettre les pieds sur le podium protocolaire du Tour d’Italie, une émotion qu’il compte bien répéter le plus possible jusqu’à Turin. Sa détermination à franchir le sommet du jour en tête témoigne en tout cas de l’objectif qu’il a fait de défendre le maillot bleu. Quitte à retarder la formation de l’échappée matinale.
C’est donc une fois passé la difficulté du matin que les attaquants auront pu s’exprimer. Quatre coureurs en auront profité pour bondir aux avant-postes : Pavel Brutt (Tinkoff), Alexander Foliforov (Gazprom-RusVelo), Daniel Oss (BMC Racing Team) et Amets Txurukka (Orica-GreenEdge). Une échappée matinale finalement pas si consistante que cela et donc pas trop menaçante pour un peloton qui n’aura pas eu beaucoup de mal à la contrôler. Le quatuor du jour aura tenu devant jusqu’au premier passage sur la ligne d’arrivée de Bénévent à 6,5 kilomètres de l’arrivée. Où l’on attendait donc un peloton groupé, ce qui permettrait à Tom Dumoulin (Giant-Alpecin) de préserver le maillot rose une journée supplémentaire. Jusqu’à la première étape montagneuse de ce Giro, demain, entre Ponte et Roccaraso (157 km). Etape en vue de laquelle Alejandro Valverde (Movistar Team), Bob Jungels (Etixx-Quick Step) et Ilnur Zakarin (Team Katusha) auront profité d’une petite cassure pour reprendre 4 secondes à Nibali et aux autres.
Les trains des sprinteurs se mettaient donc en marche sur le circuit sinueux pour permettre aux finisseurs d’aborder au mieux la portion de dalles urbaines du dernier kilomètre. Arnaud Démare avait conscience de son potentiel et il s’en sortait plutôt bien, avec l’aide de Mickaël Delage, dans sa course au placement. Mais sur ces dalles où les vélos tressautent, une glissade à l’avant du peloton marquait un temps mort à 250 mètres de la ligne, léger moment de flottement dont profitait André Greipel (Lotto-Soudal) pour faire l’effort. Et surprendre encore Arnaud Démare. Le temps que le Français réagisse, c’en était plié. Au profit d’un sprinteur allemand à qui l’Italie, elle, réussit plutôt bien. A la sortie de son pire printemps (fracture d’une côte au Tour d’Algarve), Greipel obtenait aujourd’hui sa traditionnelle victoire d’étape, la quatrième en autant de participation.
Classement 5ème étape :
1. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) les 233 km en 5h40’35 » (41,0 km/h)
2. Arnaud Démare (FRA, FDJ) m.t.
3. Sonny Colbrelli (ITA, Bardiani-CSF) m.t.
4. Bob Jungels (LUX, Etixx-Quick Step) m.t.
5. Moreno Hofland (PBS, Team LottoNL-Jumbo) m.t.
6. Manuel Belletti (ITA, Wilier-Southeast) m.t.
7. Rick Zabel (ALL, BMC Racing Team) m.t.
8. Georg Preidler (AUT, Giant-Alpecin) m.t.
9. Caleb Ewan (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
10. Alexey Tsatevitch (RUS, Team Katuhsa) m.t.
Classement général :
1. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) en 19h40’48 »
2. Bob Jungels (LUX, Etixx-Quick Step) à 16 sec.
3. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) à 20 sec.
4. Georg Preidler (AUT, Giant-Alpecin) m.t.
5. Steven Kruijswijk (PBS, Team LottoNL-Jumbo) à 24 sec.
6. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) à 26 sec.
7. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 27 sec.
8. Ilnur Zakarin (RUS, Team Katusha) à 35 sec.
9. Jakob Fuglsang (DAN, Astana) m.t.
10. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) à 37 sec.
Classement par points :
1. Marcel Kittel (ALL, Etixx-Quick Step) 106 pt
2. Arnaud Démare (FRA, FDJ) 86 pt
3. Maarten Tjallingii (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 80 pt
4. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 69 pt
5. Elia Viviani (ITA, Team Sky) 58 pt
6. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 50 pt
7. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) 50 pt
8. Giacomo Berlato (ITA, Nippo-Vini Fantini) 44 pt
9. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek-Segafredo) 43 pt
10. Moreno Hofland (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 42 pt
Classement de la montagne :
1. Damiano Cunego (ITA, Nippo-Vini Fantini) 14 pt
2. Nicola Boem (ITA, Bardiani-CSF) 7 pt
3. Julen Amerzqueta (ESP, Wilier Triestina-Southeast) 6 pt
4. Maarten Tjallingii (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 5 pt
5. Stefano Pirazzi (ITA, Bardiani-CSF) 4 pt
6. Joey Rosskopf (USA, BMC Racing Team) 4 pt
7. Georg Preidler (AUT, Giant-Alpecin) 2 pt
8. Matej Mohoric (SLO, Lampre-Merida) 2 pt
9. Giacomo Berlato (ITA, Nippo-Vini Fantini) 2 pt
10. Tim Wellens (BEL, Lotto-Soudal) 2 pt
Classement des jeunes :
1. Bob Jungels (LUX, Etixx-Quick Step) en 19h41’04 »
2. Davide Formolo (ITA, Cannondale) à 41 sec.
3. Sebastian Henao (COL, Team Sky) à 1’18 »
4. Stefan Küng (SUI, BMC Racing Team) à 1’26 »
5. Carlos Verona (ESP, Etixx-Quick Step) à 1’27 »
6. Valerio Conti (ITA, Lampre-Merida) à 1’55 »
7. Merhawi Kudus (ERY, Dimension Data) à 2’17 »
8. Arnaud Démare (FRA, FDJ) à 3’05 »
9. Jay McCarthy (AUS, Tinkoff) à 3’25 »
10. Tobias Ludvigsson (SUE, Giant-Alpecin) à 3’26 »
Classement par équipes :
1. Astana (KAZ) en 59h03’53 »
2. Etixx-Quick Step (BEL) à 9 sec.
3. Team Katusha (RUS) à 28 sec.
4. Team Sky (GBR) à 34 sec.
5. Cannondale (USA) à 40 sec.
6. Movistar Team (ESP) à 1’03 »
7. Giant-Alpecin (ALL) à 1’09 »
8. Team LottoNL-Jumbo (PBS) à 1’55 »
9. Tinkoff (RUS) à 2’19 »
10. Dimension Data (AFS) à 2’21 »