Il y avait quarante ans que Gand-Wevelgem n’était plus monté par là, par ce versant du Kemmel préféré depuis 1976 à titre de descente, histoire d’entretenir chez les routiers-sprinteurs l’illusion d’une victoire au sprint dans les rues de Wevelgem 34 kilomètres plus loin. Le parti pris par les organisateurs de prendre le Mont Kemmel à rebours aurait pu rester sans signifiance et favoriser, de fait, un sprint au bout duquel Arnaud Démare (FDJ), 5ème ce soir, aurait fortifié la nouvelle dimension prise depuis huit jours et son sacre sur Milan-San Remo. Mais cette révision du mont indissociable de Gand-Wevelgem a eu l’impact escompté et résumé la finale de la classique en une explication entre Flahutes !
Le peloton avait déjà été généreusement rogné par le nouvel enchaînement de la zone des monts quand il s’était présenté une premier fois au pied du Mont Kemmel, emprunté d’abord par son versant traditionnel à 70 kilomètres de l’arrivée. Personne, si loin du but, n’avait franchement osé se découvrir, exception faite de Tiesj Benoot (Lotto-Soudal), qui se demandait sans doute comment il allait pouvoir tirer avantage d’un groupe composé avant tout de seconds couteaux, Pavel Brutt (Tinkoff), Giacomo Nizzolo (Trek-Segafredo), Daniel Oss (BMC Racing Team) et Matteo Trentin (Etixx-Quick Step), tous prédestinés à servir la cause de leur leader. Juste avant de revenir sur le Kemmel pour la fameuse explication sur le versant le plus rude, on avait vu aussi Sep Vanmarcke (Team LottoNL-Jumbo) se dégourdir brièvement les pattes dans le Baneberg. Sans insister.
Pour les sprinteurs qui s’accrochaient encore au paquet de tête, composé d’une quarantaine de coureurs tout au plus, les jeux étaient presque faits au pied du Kemmel, dont les 530 mètres à 6,2 % du versant d’antan prenaient cette fois l’allure d’une montée de 2500 mètres à 4,4 % avec un passage à 23 % ! Un juge de paix dont allaient pouvoir bénéficier Peter Sagan (Tinkoff), Fabian Cancellara (Trek-Segafredo) et Sep Vanmarcke en s’échappant dans cet ordre d’un peloton en souffrance sur les pavés du mont flamand, point culminant de la province de Flandre-Occidentale. A Sagan, qui avait fait le forcing dans la portion ascendante, Cancellara prenait un relais puissant dès l’entame de la descente étroite et sinueuse.
En bas, au moment de reprendre la route nationale qui les mènerait presque en ligne droite à Wevelgem, Fabian Cancelllara dirigeait un regard par-dessus son épaule pour constater les écarts significatifs réalisés. Et estimer le coup tout à fait jouable. Car le peloton, réduit à une vingtaine de coureurs, n’avait plus que les Etixx-Quick Step pour le tracter, et la détermination du trio de tête était telle qu’elle ne permettrait jamais aux coéquipiers de Tom Boonen et Fernando Gaviria d’opérer la jonction dans les 30 derniers kilomètres. En fait de trio, il convenait de parler de quatuor car Viacheslav Kuznetsov (Team Katusha) avait anticipé en s’échappant seul à 50 kilomètres de l’arrivée, et il s’accrochait à l’avant quand il recevait le renfort de Cancellara, Sagan et Vanmarcke sur les larges routes rectilignes et plates comme le dos de la main de la finale.
Ceux qui avaient minoré l’impact du « nouveau » Kemmel sur l’issue de la course n’avaient qu’à s’en mordre les doigts, car ce sont bien les coureurs sortis dans l’ultime difficulté qui allaient se départager dans les rues de Wevelgem. Une nouvelle occasion allait se présenter à Peter Sagan d’étrenner enfin par une victoire le maillot arc-en-ciel dont il est déjà détenteur depuis six mois. A condition de ne pas réitérer les erreurs commises au Nieuwsblad (battu par Greg Van Avermaet) ou à l’E3 (battu par Michal Kwiatkowski).
Et cette fois, le Slovaque allait sortir grandi d’un Gand-Wevelgem qu’il s’était déjà adjugé il y a trois ans. Manœuvrant à la perfection à l’approche d’un sprint digne d’une explication sur piste, et dont Viacheslav Kuznetsov mettait fin à l’intenable séance d’observation dans le dernier kilomètre, le champion du monde bondissait au moment le plus opportun pour imposer enfin sa pointe de vitesse et s’adjuger la classique belge devant Sep Vanmarcke, Viacheslav Kuznetsov et Fabian Cancellara.
Classement :
1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) les 242,8 km en 5h55’12 » (41,0 km/h)
2. Sep Vanmarcke (BEL, Team LottoNL-Jumbo) m.t.
3. Viacheslav Kuznetsov (RUS, Team Katusha) m.t.
4. Fabian Cancellara (SUI, Trek-Segafredo) m.t.
5. Arnaud Démare (FRA, FDJ) à 11 sec.
6. Fernando Gaviria (COL, Etixx-Quick Step) m.t.
7. Jurgen Roelandts (BEL, Lotto-Soudal) m.t.
8. Jacopo Guarnieri (ITA, Team Katusha) m.t.
9. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) m.t.
10. Michael Morkov (DAN, Team Katusha) m.t.