Il n’y a définitivement que le Tour de France pour écrire de nouveaux chapitres au grand livre du vélo, et même en l’occurrence au roman des cols, car la Planche des Belles Filles, si elle n’en a pas le nom, est bien plus rude que la plupart des cols que les coureurs ont ou vont franchir ces prochaines semaines. En plein cœur des Vosges Saônoises, c’est bien simple : 525 mètres au pied, 1040 mètres au sommet de la nouvelle arrivée, celle que nous a inventée Christian Prudhomme, fidèle à ses bonnes habitudes, qui s’en est allé flâner un peu plus haut que le parking proposé par les élus locaux et qui faisait office d’arrivée aux épreuves routières ou cyclosportives jusqu’à présent. Sans ses skis mais à pied, il est allé « plus haut » le long d’une piste verte. Sur 400 mètres très exactement, après une épingle à droite à la sortie du parking, là où il faudra mettre tout à gauche, tout donner sur une pente moyenne à 14 % avec un passage à 20 %. C’est bien simple, la caméra derrière la ligne d’arrivée devra être perchée très haut pour aller chercher les coureurs aux 200 mètres.
Sur la ligne d’arrivée, on ne verra pas les coureurs sur plus de 100 mètres. Ils vont littéralement déboucher d’un vertige bien abrupt où le 39×25 et même 27 (!) seront nécessaires. Quant aux cyclos qui vont se coltiner ce final le 9 juin pour les 3 Ballons, après plus de 200 bornes sur les cols vosgiens, bon courage, il faudra prévoir des cordes pour escalader ces fameux 400 derniers mètres.
La Franche-Comté et sa belle Planche vont être le premier rendez-vous majeur du Tour 2012, c’est certain. Pas possible de se cacher, pas possible de finasser, cette montée fera des dégâts, et le maillot jaune plus le petit lion (ce cousin un peu éloigné du fameux lion de Belfort qui veille sur Paris) devraient changer d’épaule. Le vainqueur pourra même épargner pas mal de secondes bien utiles avant de passer en Suisse vers Porrentruy, là aussi pas une étape simple, et revenir sur Arc-et-Senans vers Besançon pour 41,5 kilomètres d’un contre-la-montre bien placé au pays de l’horlogerie, pas trop éloigné de la Suisse qui plus est !
Comme quoi, les appellations, si elles sont contrôlées, n’en sont pas moins trompeuses. Planche, se mettre à la planche, plancher les mines, le pied de cette fameuse grimpette qui est appelée à devenir très célèbre, ce final, c’est la Montée Jalabert au-dessus de Mende mais en deux fois plus long, près de 6 kilomètres et avec un menu bien gratiné : 1er kilomètre à 9,5 % de moyenne, deuxième à 6,5 % (il y a une légère descente !), 3ème et 4ème à 9,5 %, et 8,5 % sur les deux derniers kilomètres. Vu les 190 kilomètres qui précèdent, pas faciles, nerveux, avec des cols ardus et des descentes sinueuses, le gros plateau ne sera pas trop utilisé. Même si Pierrick Fédrigo, sur une première reco en octobre dernier, a mis la plaque sur le premier kilomètre !
Sur ce parcours historique, le record est détenu par Thibaut Pinot, un adepte des montées sèches comme la Planche ou le Grand Colombier, et qui plus est un Haut-Saônois puisque le Tour passera par son village de Mélisey. Son record est de 17’44 », il laissera donc sa place à une nouvelle marque, celle que vont assurément essayer d’établir de nombreux cyclos venus de tous les recoins d’Europe et même au-delà car l’amplification du Tour va sûrement donner une énorme image de marque à un authentique col de Franche-Comté.
Quatre rendez-vous sont prévus avec les Belles Filles de la Planche ces prochains mois. Le final du Tour de Franche-Comté, le 20 mai, puis le final des 3 Ballons cyclos le samedi 9 juin (effet Tour de France déjà, la participation devrait être battue), le Tour donc le 7 juillet et enfin, de belles filles sur le vélo avec la Route de France en août, comme une revanche des JO de Londres.
D’ici là, des sueurs froides pour les élus et les techniciens, c’est certain, mais le grand livre du Tour et du vélo y gagnera un nouvel épisode. Pour une étape de légende, on attendra quand même le 7 juillet, mais la légende, elle est déjà établie. Eh oui, pourquoi la Planche ? Pourquoi les Belles Filles ? Période de bac oblige, on cherche, on se documente, bref on planche sur le sujet, et on remonte au XVIème siècle, aux envahisseurs suédois, aux belles filles qui sont allées se réfugier auprès d’un étang, aux traces laissées dans la neige, aux envahisseurs qui se font menaçants et toutes ces filles tombent à l’eau et se noient. La légende veut que le chef des envahisseurs ayant eu les yeux doux pour Ines, noyée elle-aussi, il ait décidé de graver une épitaphe sur une planche, le bois étant le matériau qui tombe sous la main forcément, car on est en plein cœur de forêts domaniales. Bref une belle histoire, une belle page de vélo, c’est certain, et un premier très gros rendez-vous de ce Tour 2012, où on va flirter avec le 12 pour cent plutôt que dents !
Belle étape, gros travaux, énorme logistique pour que tout soit « à la hauteur » ce jour-là. Côté spectateurs, carton plein attendu, on est au cœur de l’Europe, de l’Europe géographique, mais aussi cycliste : Allemagne, Benélux, Suisse voire même Italie sont très proches et leurs capitales bien moins éloignées que Paris pour les Franc-Comtois. Peu ou pas de voitures dans la montée (c’est préférable), des navettes de bus (50 bus sont prévus, dans un rituel déjà rôdé sur les Eurockéennes de Belfort), les bus des équipes garés en bas de la Planche, le dispositif d’arrivée (salle de presse, etc.) ramené sur 2,6 hectares au lieu des 7 habituels. Les coureurs redescendront à vélo, la caravane repartira tard, très tard sûrement ! C’est bien simple, la Planche des Belles Filles, c’est le Plateau de Beille mais en plus compliqué, bon courage, et patience pour ceux qui redescendront après la course. Mais c’est sûr, ils auront de quoi refaire l’étape, car c’est certain, la Planche va s’offrir aux attaquants qui vont très certainement défiler à partir de la mi-mai sur ces trois étapes marquantes du Tour 2012.