Des JO records

« Record du monde ! », « Record du monde ! », « Record du monde ! », entendait-on frénétiquement au vélodrome d’Izu, comme une rengaine, voire mieux, comme le refrain de cette semaine d’épreuves de cyclisme sur piste. Tandis que les initiales WR (World Record) accompagnaient régulièrement les performances des athlètes, les marques du passé s’enfouissaient définitivement dans l’Histoire, ouvrant les portes de la légende aux contemporains. En effet, sur les quatre épreuves disputées par équipes (vitesse et poursuite, masculines et féminines), ce ne sont pas moins que trois records qui ont été battus ! De l’impressionnant effort des Chinoises Bao Shanju et Zhong Tianshi à l’exceptionnelle prouesse de Filippo Ganna en passant la fulgurance du TGV allemand de poursuite par équipes, les traces des mondiaux 2020 de Berlin ont été effacées dans leur majorité.

Il faut dire qu’avant même d’élancer leur prototype de bicyclette à pleine balle, les pistards l’aimaient déjà ce vélodrome d’Izu, inauguré en 2011, mais peu foulé jusque-là par l’élite de la discipline. Disposant de conditions climatiques idéales, avec un air sec et une piste à température parfaite, celui-ci présentait également des virages serrés, propices à la vitesse. Et comme si cela ne suffisait pas pour plaire, il constituait également le seul site olympique ouvert au public. Alors, sous la clameur d’une audience japonaise saisissant pleinement sa chance, et transcendés par l’odeur de l’or, les athlètes ont saisi l’occasion pour affoler les chronomètres.

Le vélodrome d'IzuLe vélodrome d’Izu | © UCI

A ce titre, l’un des moments forts de cette semaine restera très certainement l’opposition spectaculaire entre les formations danoise et italienne de poursuite par équipes masculines. Déjà impressionnants en qualifications, les deux collectifs se sont livré une bataille ahurissante mercredi dernier, repoussant à l’extrême les limites physiques de la mécanique. Prenant tour à tour la tête provisoire, s’échangeant des temps de passage titanesques, les trains bleu et rouge ont fait perdurer le suspense. Quand la balance semblait tendre en faveur des Danois, jouissant d’une seconde d’avance à 400m du terme, le monstre Filippo Ganna entra en scène pour la renverser de toute sa force, tant et si bien que les azzurro parvinrent à couper la ligne 1.6 dixième avant leurs adversaires. Champions olympiques, les bolides transalpins pouvaient rugir de plaisir, hauts perchés au temple de la vitesse.

L'équipe de poursuite italienne emmenée par le monstrueux Filippo GannaL’équipe de poursuite italienne emmenée par le monstrueux Filippo Ganna | © UCI

Le Royaume-Uni et les Pays-Bas au sommet

Pour le reste, ces olympiades de piste furent principalement l’apanage des nations britanniques et néerlandaises, remportant toutes deux trois médailles d’or. Surclassant régulièrement la concurrence, ces deux nations furent même parfois directement opposées, à l’instar des finales de vitesse par équipes et individuelles (Harrie Lavreysen), remportées toutes deux par les Oranjes. A ce titre, ces derniers ont pu compter sur la généralisation et l’inclusivité de la Petite Reine au pays des tulipes pour étendre leur suprématie à la sphère féminine, notamment par l’intermédiaire de Shanne Braspennincx, impériale en keirin devant l’australienne Ellesse Andrews et la canadienne Lauriane Genest.

Toutefois, le Royaume-Uni pouvait compter sur sa prodigieuse école de piste pour aller glaner ailleurs la récompense suprême. En effet, impérieux dans leur discipline respective, Matthew Walls et Jason Kenny ont remporté haut la main les médailles d’or de l’omnium et du keirin. Effectivement, arrivé en première position du classement général au départ de la course aux points, le coureur de la Bora-Hansgrohe ne s’est pas gêné pour prendre rapidement un tour à tout son monde, et assommer définitivement l’épreuve, laissant ses concurrents se battre pour l’argent. Dans un style quelque peu différent, le natif de Bolton n’a pas non plus souhaité patienter pour prouver sa supériorité. Le burdin à peine écarté, il accéléra aussitôt pour surprendre ses adversaires, et son public ! Lancé dans un sprint de 750 mètres, il réussit alors le tour de force de résister au retour de la meute pour glaner l’or en solitaire. Au crépuscule de cette quinzaine passée au pays du soleil levant, le quadruple champion olympique fit étinceler une ultime fois l’Union Jack sur la piste du vélodrome d’Izu, concluant ainsi une semaine haute en couleurs, et riche en God Save the Queen.

En keirin, Jason Kenny a surclassé la concurrence pour s'offrir le luxe d'une victoire en solitaireEn keirin, Jason Kenny a surclassé la concurrence pour s’offrir le luxe d’une victoire en solitaire | © Tokyo 2020

Côté français, un peu de joie et beaucoup d’amertume

A l’inverse, la Marseillaise n’aura jamais retenti dans la contrée de Shizuoka, les tricolores ne récoltant que deux médailles de bronze. Un bien maigre butin, à 3 ans de Paris 2024… Pourtant, le début de semaine avant d’abord été encourageant pour les Français. Certes loin du TGV germanique, le train bleu-blanc-rouge emmenée par les toutes jeunes Victoire Berteau, Marie le Net, Valentine Fortin et Marion Borras pulvérisait le record de France en qualifications de la poursuite par équipes, signant là une belle promesse pour l’avenir. Les hommes, eux, se sont arrêtés en série contre l’Australie, finalement médaillée de bronze.

C’est alors du côté de la vitesse que l’étincelle est venue. En battant les wallabies en petite finale, Florian Grengbo, Rayan Helal et Sébastien Vigier ont remporté la première médaille du cyclisme français, anéantissant enfin la peur croissante du tableau vide. Comme chez les filles, leur jeunesse (22 ans d’âge moyen) est vectrice d’espoir pour le grand rendez-vous parisien.

Pourtant, cet heureux sentiment céda bientôt sa place à la déception dans les cœurs tricolores. Après ces qualifications encourageantes eurent lieu les défaites navrantes. Dernière de sa série en quarts de finale du keirin, Mathilde Gros n’a pas été en mesure de se montrer à la hauteur de ses débuts tonitruants dans la discipline. La triple championne du monde juniors 2017 peine désormais à confirmer son immense potentiel, multipliant les échecs ces dernières années et restant à distance du podium. En effet, ses prestations en vitesse ne seront guère meilleures…

Mathilde Gros rentre bredouille de Tokyo, rapidement éliminée des épreuves de keirin et de vitesse individuelleMathilde Gros rentre bredouille de Tokyo, rapidement éliminée des épreuves de keirin et de vitesse individuelle | © FFC

Du côté de l’omnium, Benjamin Thomas n’a pas non plus été capable de confirmer son statut de favori, après son titre mondial à Berlin l’an passé. Bien placé (3e) au départ de la course aux points, le tarnais s’est avoué déstabilisé par la pression, laissant d’abord son rival Matthew Walls lui prendre un tour, puis cédant à la force de sprint d’Elia Viviani, et abandonnant enfin tout espoir de médaille dans les derniers instants lorsque le néozélandais Campbell Stewart parvint à son tour à prendre 250 mètres à tout le monde.

Les désillusions se poursuivirent encore le lendemain avec la contre-performance de Clara Copponi et Marie le Net, s’élançant dans l’épreuve de Madison avec le statut de vice-championnes du monde, et finalement reparties bredouilles de Tokyo. En bronze à quelques encablures de l’arrivées, celles-ci ont vécu le même cauchemar que leur ami Benjamin Thomas, en voyant les Russes et les Danoises obtenir le précieux gain du tour d’avance. Un ultime passage de relais manqué finit d’enterrer leurs chances. En zone mixte, les larmes de Marie le Net en disaient long sur sa frustration.

De l’espoir, il n’y eut même pas en vitesse et keirin masculins. Systématiquement éliminés dès les quarts de finale, Sébastien Vigier et Rayan Helal n’ont jamais été en mesure d’aller chercher une seconde breloque.

Après une telle morosité, l’embellie se fit finalement sentir samedi sur les visages français, lorsque Benjamin Thomas et Donovan Grondin redonnèrent le sourire à tout un clan. Une nouvelle fois, la réaction fut collective. En parallèle de l’exceptionnelle floppée de médailles en basket, handball et volley, la piste tricolore put également sur le cumul de ses forces pour se hisser de nouveau sur le podium. A l’attaque dès l’entame de l’américaine, nos deux français n’ont cessé d’animer l’épreuve, caracolant même devant pendant quarante tours à mi-course, sans jamais parvenir à prendre un tour au peloton. Si cette cavale a logiquement émoussé Donovan Grondin, son compagnon semblait avoir encore de l’énergie à revendre, et le binôme français a ainsi penché du côté du tarnais. A chaque attaque, à chaque prise de relais, le natif de Lavaur bondissait. Epousant sa machine, broyant ses pédales, il bouchait et comblait les trous pour garder contact avec les leaders, et saisir enfin sa chance de médaille. Une happy end dont on avait bien besoin…

Benjamin Thomas et Donovan Grondin médaillés de bronze en américaineBenjamin Thomas et Donovan Grondin médaillés de bronze en américaine | © FFC

 

Les résultats :

Vitesse par équipes, femmes :

1)      CHINE

2)      ALLEMAGNE

3)      COMITE OLYMPIQUE RUSSE

 

Poursuite par équipes, femmes :

1)      ALLEMAGNE

2)      ROYAUME-UNI

3)      ETATS-UNIS

 

Vitesse par équipes, hommes :

1)      PAYS-BAS

2)      ROYAUME-UNI

3)      FRANCE

 

Poursuite par équipes, hommes :

1)      ITALIE

2)      DANEMARK

3)      AUSTRALIE

 

Keirin, femmes :

1)      Shanne BRASPENNINCX (PAYS-BAS)

2)      Ellesse ANDREWS (AUSTRALIE)

3)      Lauriane GENEST (CANADA)

 

Omnium, hommes :

1)      Matthew WALLS (ROYAUME-UNI)

2)      Campbell STEWART (NOUVELLE-ZELANDE)

3)      Elia VIVIANI (ITALIE)

 

Madison, femmes :

1)      ROYAUME-UNI

2)      DANEMARK

3)      COMITE OLYMPIQUE RUSSE

 

Vitesse, hommes :

1)      Harrie LAVREYSEN (PAYS-BAS)

2)      Jeffrey HOOGLAND (PAYS-BAS)

3)      Jack CARLIN (ROYAUME-UNI)

 

Madison, hommes :

1)      DANEMARK

2)      ROYAUME-UNI

3)      FRANCE

 

Vitesse, femmes :

1)      Kelsey MITCHELL (CANADA)

2)      Olena STARIKOVA (UKRAINE)

3)      Wai Sze LEE (HONG-KONG)

 

Keirin, hommes :

1)      Jason KENNY (ROYAUME-UNI)

2)      Mohd Azizulhasni AWANG (MALAISIE)

3)      Harrie LAVREYSEN (PAYS-BAS)

 

Omnium, femmes :

1)      Jennifer VALENTE (ETATS-UNIS)

2)      Yumi KAJIHARA (JAPON)

3)      Kirsten WILD (PAYS-BAS)