Nous étions déjà prêts à titrer « course de côte, course d’attente ». Avec un mistral frôlant les 101 km/h, on aurait eu la même étape qu’en 2009, Montélimar-Mont Ventoux. Malgré les enjeux qui étaient énormes (Frank Schleck et Lance Armstrong devaient se battre pour le podium), le mistral avait freiné les ambitions, et permis la victoire d’un des échappés, Juan-Manuel Garate. Pourtant, on était à la veille des Champs-Elysées.
Dans le nouveau schéma de course, on devrait avoir une vraie, une intense, une totale bagarre sur les 10 kilomètres entre le virage de Saint-Estève et la ligne d’arrivée au Chalet Reynard. Tous les supporters qui y étaient massés, certains depuis une semaine, vont rappliquer, histoire de participer eux-aussi au festin que les cadors du Tour ne vont pas manquer de leur servir.
A Saint-Estève, tout le monde descend ou presque. Les 5 premiers kilomètres vont être avalés le pied au plancher, au rythme fou des équipiers, grand plateau qui auront tout donné, avant de se garer et terminer dans le gruppetto en 1h05, soit 20 minutes après les premiers. Le plateau, lui aussi, tombe. 39 pour tous ceux qui vont désormais se rendre coup pour coup. On sera sur du 9, 10, voire 11% tout le temps, avec des passages bien plus élevés, mais sur 200 ou 300 mètres. On pense à l’enchaînement Saint-Estève, puis les virages à droite et gauche ensuite. Une courte phase de répit, guère plus de 200 mètres tout droit, avant d’attaquer les fameux 7 virages. Des pifs-pafs en descente, mais un traquenard à la montée, on parie que ça va attaquer. On est à 9 kilomètres du final. Endroit idéal pour un Quintana attaquant, mortifié de s’être fait voler 12 secondes hier, comme au coin d’un bois, mais avec son consentement passif.
Tout au long de cette section, on alterne phases de répit et passages très durs, avec comme allié le vent ou plutôt la forêt qui coupe très bien le vent sur le bas et les 7 virages. Un peu moins sur quelques sections, celles qu’on verra de l’hélicoptère.
L’intensité va être encore plus forte et les décibels vont grimper dès Bedoin, sur le coup de 16 heures, mais surtout dès Saint-Estève, avec élévation maximale au fur et à mesure des kilomètres. C’est simple, si on reprend les chiffres du dernier passage du Tour en 2013, les estimations étaient aux alentours de 350 000 personnes réparties sur 21 kilomètres. Le même chiffre devrait être atteint aujourd’hui, mais les spectateurs seront répartis sur 15 kilomètres et donc plutôt après le virage de Saint-Estève. Le Ventoux a été fermé dès hier à 13 heures, à Sainte-Colombe. Les autorités préférant éviter le trop-plein. Vous imaginez l’ambiance ? Le Ventoux va trembler, les coureurs eux ne vont pas trembler de froid, et ce malgré ce mistral.
Quid de l’échappée matinale ? Quelle avance au pied ? Quels noms ? Il est évident qu’un matelas de 10 minutes pourra permettre d’aller au bout pour les profils de grimpeurs, qui auront pu s’abriter derrière un équipier. On attend forcément Thibaut Pinot, le 14 juillet, en maillot à pois, avant d’enfiler le maillot tricolore demain à Bourg-Saint-Andéol. Un équipier, oui, pour éviter au grimpeur de trop s’user avec ce mistral que les coureurs prendront. Il change de nom, tramontane hier, mistral ce jeudi, mais il est le même, froid et intense. Il va piquer tout au long des 165 kilomètres avant le pied du Géant de Provence.
Le géant du jour pourrait prendre, conforter ou se rapprocher du maillot jaune. Il faudra aller le chercher, sans attendre. Ça va être excitant, on a hâte d’être à 16 heures pour ne pas manquer une miette de ce festin royal, un 14 juillet.