Il a suffi d’un virage à droite. Un virage pour condamner les espoirs de titres des Français et des Allemands. Un virage, pour voir tout à coup les chances de titres de Peter Sagan, Greg Van Avermaet ou encore Tom Boonen augmenter. Un virage, pour passer d’un championnat monotone à une course folle, rappelant (les spectateurs en moins) les classiques belges de début de saison.

Mais voilà, nous sommes à Doha, dans le désert qatari, où le vent est peut-être moins fort que pendant l’hiver européen, mais tout aussi ravageur. Car là-bas, il n’y a rien pour s’abriter. Absolument rien pour se protéger des bordures. Bordures qui avaient été annoncées par Toom Boonen et ses compagnons belges, mais aussi prévenues par les Italiens. Bordures qui ont finalement eu lieu, à 176 kilomètres de l’arrivée, lors de ce fameux virage facilement repérable dans tous les road-books. L’armada belge, bien aidée par les Britanniques, passe alors à l’action et accélère. Le peloton se scinde en trois parties. C’est la confusion la plus totale. Ce qu’on espérait secrètement, pour rendre ces championnats enfin attractifs, vient de se produire : alerte, bordures !

Très vite, notre mine réjouie (enfin des bordures sur un championnat du monde) laisse le pas à la déception, l’incompréhension : à part William Bonnet, personne n’a réussi à suivre le premier groupe. Nacer Bouhanni et Christophe Laporte ne sont pas loin, mais dans un deuxième peloton. Arnaud Démare et Marc Sarreau, encore plus éloignés de cette tête de course qui ne cesse d’accélérer pour accroître son avance.

A l’avant, on retrouve donc Tom Boonen et une grande partie de l’équipe belge, avec Van Avermaet, Stuyven… Mais aussi le Néerlandais Niki Terpstra, ou encore les Italiens Giacomo Nizzolo, Elia Viviani, ou encore Daniele Bennati. Le tenant du titre, Peter Sagan, est également dans le groupe, tout comme l’Australien Michael Matthews. Les principaux piégés sont les Français (bien évidemment) mais aussi Marcel Kittel, André Greipel, ou encore Caleb Ewan. Le deuxième groupe arrive à revenir à 48 secondes des hommes de tête. Mais leur mésentente est flagrante, et rapidement l’écart se stabilise autour de la minute.

Il faut dire que les membres de ce second groupe doivent faire face à un dilemme : les sprinteurs se voient obligés de mener la chasse, mais ne souhaitent pas gaspiller leurs chances en cas de regroupement et donc de sprint final. Bouhanni, et même Kittel se placent en tête de groupe, mais ne peuvent pas prendre le risque de s’employer à fond. Alors que devant, les équipiers de Tom Boonen s’acharnent à conserver cette avance, qui dépasse la minute lors de leur entrée sur le circuit, pour les sept derniers tours de cette course longue de 257 kilomètres.

Les 26 hommes de tête se départageront donc la victoire. Parmi eux, le seul Français William Bonnet. Coéquipier modèle, qui connaît seulement sa seconde sélection en équipe de France, le voir à ce niveau est une immense satisfaction, quand on se souvient que le coureur de la FDJ n’est pas passé loin de la tragédie sur le Tour de France 2015, à la suite d’une grave chute dès la troisième étape. Alors qu’Arnaud Démare et les autres membres du troisième groupe se font arrêter par les commissaires de course, ces 26 hommes de tête se joueront donc le titre, l’arc-en-ciel si convoité, au sprint.

Mais cette issue n’est pas du goût de Tom Leezer, qui tente de prendre la poudre d’escampette à deux kilomètres du but. Le Néerlandais se fait rappeler à l’ordre, et rattraper par une horde de sprinteurs en furie. Peter Sagan s’impose finalement, devant Mark Cavendish et Tom Booonen. Un sprint en or pour un podium en or, également.

Difficile de faire mieux pour le podium : tous trois ont déjà connu la joie d’un titre mondial (Sagan en 2015, Cav’endish en 2011, Boonen en 2005), et font partie des coureurs les plus appréciés du public. Derrière, William Bonnet vient sauver l’honneur de la France, en se classant huitième. Après le Tour des Flandres, trois étapes sur le Tour de France, le championnat d’Europe, et de nombreuses courses, ce nouveau titre mondial pour Sagan, qui est le premier à conserver son bien depuis Paolo Bettini en 2006-2007, apparaissait comme une évidence pour celui qui est plus que tout, numéro un mondial.

 

1. Peter Sagan (Slovaquie)

2. Mark Cavendish (Grande-Bretagne)

3. Tom Boonen (Belgique)

4. Michael Matthews (Australie)

5. Giacomo Nizzolo (Italie)

6. Edvald Boassen Hagen (Norvège)

7. Alexander Kristoff (Norvège)

8. William Bonnet (France)

9. Niki Terpstra (Pays-Bas)

10. Greg Van Avermaet (Belgique)