Comment te sens-tu mentalement et physiquement après ces 20 jours de confinement ?
Je pense qu’il faut relativiser notre situation, c’est primordial. Ensuite, comme pour tout compétiteur, d’autant plus que j’étais performant au moment de cette crise avec des objectifs et des ambitions à court terme, il est difficile de traverser cette période car la compétition est ma source de motivation chaque matin lorsque je me lève. Mais il faut s’élever et prendre du recul : il y a plus grave actuellement que ma situation sportive. Physiquement, on s’entretient, même si parfois j’en fais plus que prévu simplement pour me défouler.
Quelle routine as-tu mis en place ? A quoi ressemble une journée type pour toi ?
Nous faisons des plans chaque semaine afin de ne pas nous projeter trop loin. Si on commence à se fixer une date et à un objectif de reprise, c’est le meilleur moyen d’une grosse désillusion et d’une terrible perte de motivation si cela ne se passe pas comme espéré. Car aujourd’hui personne, pas plus nous coureurs cyclistes, que chaque citoyen, n’a la moindre certitude… et les priorités sont ailleurs. Alors je préfère me dicter une routine et me sentir comme une personne lambda qui fait son sport quotidien pour son bien-être.
Cela se résume à une journée de repos complet par semaine. 2 fois par semaine je fais une séance de course à pied sans m’éloigner de chez moi, d’autant plus que j’ai la chance d’habiter un endroit qui s’y prête. Le reste du temps c’est des sorties sur home-trainer et un peu de renforcement/gainage. Je fais entre 1h30 et 2h00 de sport quotidiennement.
Que travailles-tu sur home-trainer ? Comment alimentes-tu les séances ?
J’ai du mal à rouler pour rouler. J’ai besoin d’avoir une thématique car je m’ennuie très vite. Etant donné qu’on est dans une période floue, il ne faut pas créer trop de fatigue en travaillant trop haut en intensité. Alors ça se résume à du travail tempo, et de la force/vélocité. J’aime bien faire du rouleau mais je suis obligé de monter sur l’home-trainer pour travailler plus en force. Je me suis mis aux HT connectés que je n’utilisais pas avant.
Clément Venturini au GP Samyn | © Getty Sport
Zwift fait carton plein en ce moment. Ton équipe organise-t-elle des sorties virtuelles en groupe avec tes coéquipiers ? Quel regard as-tu sur Zwift ?
Il a fallu le confinement pour que j’achète l’abonnement, je ne suis pas fan du home-trainer. L’équipe a mis en place deux sorties par semaine sur Zwift, c’est sympa et motivant. Il faut juste me contrôler car on a vite fait de « se limer la tête ». Nicolas Guillé me programme les séances qualitatives dessus, c’est très bien fait. A vrai dire, j’ai été agréablement surpris. Même si j’ai hâte de retourner sur route, il est possible que je continue de l’utiliser quand j’aurais fait une indigestion du HT…
En cette période compliquée, serais-tu prêt à baisser ton salaire pour que les plus petits salaires de l’équipe soient maintenus à 100% ? Ou pour que la différence aille alimenter « un fond coureurs » pour le personnel soignant par exemple ?
Je comprends tout à fait qu’on puisse se poser ces questions. C’est difficile pour certains coureurs, comme pour de nombreuses personnes quel que soit leur métier, dans tous les pays du monde. J’ai conscience que nous avons la chance d’avoir un partenaire solide et reconnaissant envers notre investissement professionnel. Et nous avons un très bon patron qui continue à nous soutenir et trouve des solutions pour que l’équipe et son personnel ne soient pas trop impactés…
Aujourd’hui même si nous avons un statut privilégié lorsqu’on est un sportif professionnel, nous avons tous des contraintes budgétaires, des familles… et nous apportons notre contribution fiscale chaque année. Je ne suis opposé à rien, à condition que les choses soient équitables et raisonnées.
Dans la situation actuelle la question n’est pas là, c’est l’union et la solidarité qui fera la force de notre pays. Il a fallu cette pandémie pour se rendre vraiment compte du problème hospitalier. Aujourd’hui, nous sommes tous admiratifs de la dévotion du personnel soignant, tout comme de ceux qui travaillent et sont en contact avec la population pour l’approvisionnement, ect… Mon père travaille dans le bâtiment, il pose parfois des vitres à dix étages au-dessus du sol. Il est important de mettre en avant tout ceux qui, tout au long de leurs vies, contribuent au bien-être de la population, anonymement, sans faire de bruit.
Clément Venturini Champion de France de cyclo-cross | © Frédéric Machabert / Ypmedias
Quel est ton avis objectif sur la situation ? Une saison 2020 terminée ? Un TDF reporté ? La Vuelta maintenue aux dates prévues ? Le Giro et les 5 Monuments replacés à l’automne ?
Je n’ai aucune prétention de juger cela. Pour le moment le sport est secondaire. Nous devons nous sortir de cette affaire avant toute chose. Mais j’espère fortement que le Tour soit une fête populaire, au-delà de l’événement sportif planétaire. L’UCI et toutes les parties prenantes de notre sport sauront comment analyser les priorités, les possibilités, bien qu’il y ait des enjeux sportifs et financiers importants.
As-tu des craintes quant à l’avenir de certaines épreuves, les plus petites organisations françaises par exemple ?
A l’heure actuelle c’est un ensemble de choses qui est en péril. Un de mes amis, artisan, est sponsor d’un club, s’il ne bosse pas, il ne pourra plus donner la même somme l’an prochain. C’est pareil pour les subventions. Nous traversons une période inédite… Il est difficile de se projeter mais j’espère que l’ensemble des acteurs feront en sorte que nous pourrons continuer à courir les plus grandes courses comme les plus modestes.
Que fais-tu du « temps libre » ? Tu es plutôt option cuisine, jardinage, bricolage, jeux vidéo, films ?
Je n’ai jamais autant utilisé mon Thermomix. Et nous avons la chance d’avoir une météo clémente afin de profiter de cette cure de vitamine D !
Séance de renforcement | © Clément Venturini
La ligue a fait une demande au ministère afin que les coureurs cyclistes pros puissent s’entraîner sur route, à condition d’être seul, et ce après la deuxième quinzaine de confinement. Quel est ton opinion là-dessus ?
Les avis sont partagés, je comprends les risques de la route, nous n’avons pas à occuper le personnel soignant actuellement. Sans penser à cela, j’aimerais personnellement pouvoir aller exercer mon métier, avec les plus grosses précautions possibles en terme de sécurité mais je me conformerai aux décisions prises par les autorités. Mon beau père est obligé d’aller bosser dans les champs, pourquoi pas nous. Ma plus grosse interrogation reste de savoir comment gérer cela… Si on laisse une possibilité à certains, comment gérer les autres ?
Pour finir, quel est ton exercice de renforcement musculaire préféré ?
Je trouve cela tellement barbant que je préfère mixer et ne jamais faire le même. Autant je prends beaucoup de plaisir à me rendre chez Wellness faire une séance de musculation sous l’œil de Vincent, autant à la maison, j’ai du mal à faire de la PPG.
Par Maëlle Grossetête