Ce sera quoi qu’il arrive une campagne flandrienne d’un genre nouveau. Sans Tom Boonen, qui s’est bêtement mis en vrac il y a trois semaines sur Paris-Nice, sans Fabian Cancellara non plus, qui est allé se fracasser sur le pavé de Haaghoek vendredi à l’E3, le printemps a drôle de mine. Le Ronde dans une semaine, Paris-Roubaix ensuite, seront orphelins des deux figures parmi les plus emblématiques de leur Histoire. Qui ces deux monuments accepteront-ils de voir soulever le trophée dimanche prochain à Audenarde, une semaine plus tard au centre du vélodrome de Roubaix ? Placée en amont des deux classiques, Gand-Wevelgem se porte volontaire aujourd’hui pour donner des éléments de réponse. Quitte à ce que la semi-classique se détourne des sprinteurs qu’elle aime d’ordinaire voir s’affronter au bout de ses 240 bornes.
Le drapeau de la Flandre frappé d’un lion ne sera pas resté en berne bien longtemps. Un vent féroce l’agite à nouveau dans le ciel crasseux qui promet aux coureurs une journée en enfer. La Flandre, en ce dimanche pluvieux et venteux, se cherche de nouveaux Flahutes, ce terme qu’on confère aux spécialistes des classiques du genre. Une course de guerriers se dessine. Course extrême dans laquelle les routiers-sprinteurs n’auront pas leur mot à dire. Combat éperdu contre les éléments dans lequel beaucoup renonceront à hypotéquer leurs chances de mieux s’exprimer les deux dimanches à venir. La tête dans les épaules, la mine basse, le peloton tout entier va rendre sa démission dans la zone des monts et le double enchaînement Baneberg-Kemmel-Monteberg. Il abandonne à 45 kilomètres de l’arrivée le sort de Gand-Wevelgem entre les mains des huit coureurs sortis comme sur un malentendu à 70 kilomètres du but.
A cet instant de la course, Jürgen Roelandts (Lotto-Soudal) s’est lancé, au pied du Mont Kemmel, dans un défi insensé, seul face aux intimidantes bourrasques qui cisaillent derrière lui un peloton chahuté par les intempéries. D’une bordure dans laquelle l’équipe Etixx-Quick Step a réussi à glisser quatre des siens manque à l’appel Zdenek Stybar, retardé sur crevaison. Le groupe est gagné par un instant de flottement que Stijn Vandenbergh (Etixx-Quick Step), à contre-courant, choisit de rompre en accélérant. Il entraîne avec lui Jens Debusschere (Lotto-Soudal), Daniel Oss (BMC Racing Team), Geraint Thomas (Team Sky) et Sep Vanmarcke (Team LottoNL-Jumbo), soit les guerriers requis dans de telles conditions, auxquels vont parvenir à recoller, avant que le peloton n’abdique, Luca Paolini (Team Katusha) puis Niki Terpstra (Etixx-Quick Step) !
Dès lors, ce Gand-Wevelgem se résumera aux huit coureurs qui occupent les avant-postes, en tête desquels Jürgen Roelandts accomplit un prodigieux numéro. Lui qui avait pris la 3ème place du Tour des Flandres il y a deux ans, 7ème à Harelbeke vendredi, ne lâche rien des deux minutes d’avance que ses sept poursuivants mettront longtemps à entamer. Mais l’isolement dans ce vent impitoyable – dont une rafale ira jusqu’à jeter Geraint Thomas dans le décor, sans casse heureusement – pèse dans les jambes du Brabançon. Et si le vent tourne à son avantage à la sortie de la zone des monts, alors qu’il lui reste une liaison de 35 kilomètres à effectuer jusqu’à Wevelgem, c’est plus pour ramener les poursuivants sur lui que pour le pousser vers la ligne d’arrivée. A 18 kilomètres du but le respectable échappé solitaire est saisi par Debusschere, Paolini, Terpstra, Thomas, Vandenbergh et Vanmarcke, Oss ayant lâché prise.
Des coureurs d’une autre trempe qui approchent de Wevelgem, à toute vitesse désormais, Luca Paolini s’apprête à 38 ans à décrocher la plus belle classique de sa carrière, un an après le Het Nieuwsblad. A l’affût d’un démarrage de Niki Terpstra à 15 kilomètres de l’arrivée, c’est lui qui place la bonne attaque à 6 kilomètres du but. Epuisés tant physiquement que nerveusement, ses adversaires ne sont plus en mesure de se liguer pour le reprendre. Auteur d’un travail époustouflant pour Alexander Kristoff dans les lacets du Poggio puis à l’entrée de la Via Roma il y a une semaine, Luca Paolini vient à bout de conditions extrêmes pour inscrire son nom au palmarès de Gand-Wevelgem. Devant Niki Terpstra 2ème, Geraint Thomas 3ème. Des noms qui reviendront sur le devant de la scène dès dimanche prochain.
Classement :
1. Luca Paolini (ITA, Team Katusha) les 239,1 km en 6h20’55 » (37,7 km/h)
2. Niki Terpstra (PBS, Etixx-Quick Step) à 11 sec.
3. Geraint Thomas (GBR, Team Sky) m.t.
4. Stijn Vandenbergh (BEL, Etixx-Quick Step) à 18 sec.
5. Jens Debusschere (BEL, Lotto-Soudal) à 26 sec.
6. Sep Vanmarcke (BEL, Team LottoNL-Jumbo) à 40 sec.
7. Jurgen Roelandts (BEL, Lotto-Soudal) à 1’52 »
8. Daniel Oss (ITA, BMC Racing Team) à 4’15 »
9. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) à 5’12 »
10. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff-Saxo) m.t.