On peut parfois s’étonner de l’obstination des organisateurs de Grands Tours, ceux du Tour de France et du Giro surtout, à vouloir expatrier leurs épreuves loin de leurs racines. Pourtant, au-delà des enjeux économiques considérables et en dépit des complications logistiques, ces Grands Départs à l’étranger ont toujours une exquise saveur. Il faut se lever de bonne heure pour trouver dans les rues de Belfast un semblant de culture italienne. Au pays où le football gaélique est roi et où l’on intègre plus facilement une équipe de rugby ou de hockey sur gazon que l’on prend une licence dans un club cycliste, le Giro n’a toutefois pas eu de mal à s’implanter. Toute la semaine, les rues de Belfast se sont parées de rose et c’est une foule compacte qui va se masser ce soir sur les 21,7 kilomètres inauguraux de la 97ème édition.
C’est un exercice dont le Giro ne s’est plus passé depuis sa réintroduction en 2006 qui ouvre aujourd’hui, et pour un peu plus de trois semaines, le Tour d’Italie 2014. Pour donner aux favoris une première occasion de s’expliquer par équipes interposées, une succession de sections techniques en centre-ville et de portions rectilignes et roulantes va permettre d’établir les toutes premières différences. Et de fixer les enjeux des jours à venir. Si le trèfle à trois feuilles est le symbole de l’Irlande, une feuille de plus n’aurait pas été de trop pour mettre la chance de son côté au moment du tirage au sort de l’ordre de départ des vingt-deux équipes engagées. Grande favorite, la formation Orica-GreenEdge n’a pas eu la main heureuse : elle a écopé de la deuxième place sur la rampe de lancement. Pas idéal pour un groupe chargé d’établir le premier temps de référence, celui auquel s’attaqueront alors successivement les autres groupes sportifs.
Le départ prématuré de l’équipe Orica-GreenEdge aurait pu être une chance si le ciel irlandais avait su retenir ses gouttes quelques minutes de plus. Or il n’en sera rien. Peu après le départ des Australiens, une belle averse baptise cette 97ème édition du Giro. Aucune équipe ne sera épargnée. Que ce soit par la pluie ou par ses conséquences sur l’état de la route, qui en portera les stigmates jusqu’au départ des dernières équipes. Il en aurait fallu plus toutefois pour mettre en déroute une impeccable équipe Orica. Luke Durbridge, Michael Matthews, Cameron Meyer, Ivan Santaromita, Svein Tuft et Pieter Weening (que complètent Mitch Docker, Michael Hepburn et Brett Lancaster, lâchés en route) bouclent les 21,7 kilomètres à 52,712 km/h. Au-dessus du lot en dépit des conditions particulières auxquelles ils auront dû faire face.
Dan Martin perd brusquement le contrôle de sa machine, son Giro s’arrête là.
Certes, il reste vingt équipes à se succéder sur la ligne d’arrivée tracée sur le Donegall Square North, mais la performance réalisée par les Orica-GreenEdge, spécialistes du genre, sera dure à égaler. Deux équipes seulement parviendront à s’approcher du temps canon des Australiens : la Omega Pharma-Quick Step de Rigoberto Uran à 5 secondes, le BMC Racing Team de Cadel Evans à 7 secondes. Si les Tinkoff-Saxo du local Nicolas Roche et de Rafal Majka parviennent encore à tirer leur épingle du jeu, 4èmes à 23 secondes, il faut chercher les autres formations au-delà de la demi-minute. Disons même carrément aux alentours de la minute. Et déjà les sprinteurs qui se voyaient grignoter leur retard ces jours prochains pour ravir le maillot rose sont passés à la trappe, à l’exception notable d’Alessandro Petacchi…
Il n’avait échappé à personne que cette édition irlando-italienne du Giro s’élançait depuis les anciens chantiers Harland et Wolff, où fut construit le tristement célèbre Titanic il y a un siècle. Pour Dan Martin (Garmin-Sharp), ce clin d’oeil à l’Histoire restera le prélude d’un naufrage. Le sien. L’Irlandais avait vu en cette édition particulière l’opportunité de voir vraiment ce qu’il valait sur un Grand Tour. Volontairement, il avait modifié son programme dans l’espoir de se jauger pleinement sur ce Tour d’Italie. Mais ses espoirs vont se briser après une quinzaine de kilomètres seulement et une chute dont il est à l’origine. Auteur d’un faux mouvement, il perd brusquement le contrôle de sa machine et s’affale sous les roues des trois coureurs qui le suivent, les entraînant dans son désastre. Quatre Garmin sont à terre, mais surtout Daniel Martin est blessé, effondré à même la chaussée humide. Le Giro du champion irlandais s’arrête là. Déjà.
Sur la route rendue glissante par l’averse tombée en début de soirée, les favoris à la victoire finale pourront finalement s’estimer heureux de s’être sortis indemnes de ce premier exercice aussi beau que redouté. Qu’importe si d’importants écarts ont déjà été creusés ce soir sur ce terrain-là par Cadel Evans, l’autre Australien sorti vainqueur de la soirée. Il entame son Giro avec 16 secondes d’avance sur Roche et Majka (Tinkoff-Saxo), 31 secondes sur Scarponi (Astana), 46 secondes sur Basso (Cannondale), 48 secondes sur Quintana (Movistar Team), 51 secondes sur Pozzovivo (Ag2r La Mondiale), 1’26 » sur Rodriguez (Team Katusha) et 3’19 » sur Hesjedal (Garmin-Sharp) ! Mais en attendant le premier maillot rose se pose ce soir sur les épaules du Canadien Svein Tuft, premier coureur d’Orica-GreenEdge à en avoir fini avec le chrono.
Demain samedi, la première étape découvrira l’Irlande du Nord sur 219 kilomètres autour de Belfast.
Classement 1ère étape :
1. Orica-GreenEdge (AUS) les 21,7 km en 24’42 » (52,7 km/h)
2. Omega Pharma-Quick Step (BEL) à 5 sec.
3. BMC Racing Team (USA) à 7 sec.
4. Tinkoff-Saxo (DAN) à 23 sec.
5. Team Sky (GBR) à 35 sec.
6. Astana (KAZ) à 38 sec.
7. Cannondale (ITA) à 53 sec.
8. Movistar Team (ESP) à 55 sec.
9. Giant-Shimano (PBS) à 56 sec.
10. Ag2r La Mondiale (FRA) à 58 sec.
Classement général :
1. Svein Tuft (CAN, Orica-GreenEdge) en 24’42 »
2. Luke Durbridge (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
3. Pieter Weening (PBS, Orica-GreenEdge) m.t.
4. Cameron Meyer (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
5. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
6. Ivan Santaromita (ITA, Orica-GreenEdge) m.t.
7. Pieter Serry (BEL, Omega Pharma-Quick Step) à 5 sec.
8. Gianluca Brambilla (ITA, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
9. Rigoberto Uran (COL, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
10. Serge Pauwels (BEL, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
Classement des jeunes :
1. Luke Durbridge (AUS, Orica-GreenEdge) en 24’42 »
2. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
3. Julien Vermote (BEL, Omega Pharma-Quick Step) à 5 sec.
4. Yannick Eijssen (BEL, BMC Racing Team) à 9 sec.
5. Christopher-Juul Jensen (DAN, Tinkoff-Saxo) à 23 sec.
6. Jay McCarthy (AUS, Tinkoff-Saxo) m.t.
7. Pawel Poljanski (POL, Tinkoff-Saxo) m.t.
8. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) m.t.
9. Salvatore Puccio (ITA, Team Sky) à 35 sec.
10. Sebastian Henao (COL, Team Sky) m.t.
Classement par équipes :
1. Orica-GreenEdge (AUS)
2. Omega Pharma-Quick Step (BEL) à 5 sec.
3. BMC Racing Team (USA) à 7 sec.
4. Tinkoff-Saxo (DAN) à 23 sec.
5. Team Sky (GBR) à 35 sec.
6. Astana (KAZ) à 38 sec.
7. Cannondale (ITA) à 53 sec.
8. Movistar Team (ESP) à 55 sec.
9. Giant-Shimano (PBS) à 56 sec.
10. Ag2r La Mondiale (FRA) à 58 sec.