En partant d’Auschwitz, la sixième étape du Tour de Pologne rappelait aux 180 coureurs du peloton que la compétition sportive restait du sport, c’est-à-dire une pratique anecdotique et anodine face au poids de l’Histoire qui se présentait devant eux. Quand le sport a rendez-vous avec l’Histoire…Et pourtant le sport peut toutefois représenter bien plus qu’une simple pratique. Les exemples sont nombreux pour montrer que le sport a joué un rôle immense dans bien des événements historiques. Pour le meilleur ou pour le pire. Le pire, en 1936 par exemple. Quand Hitler justement s’est servi des Jeux Olympiques de Berlin pour prouver la suprématie de la « race aryenne ». Un certain Jesse Owens s’est chargé à sa façon de le démentir. L’athlète noir américain a remporté quatre médailles lors de ces J-O. Mais le sport est aussi vecteur d’union et de paix. La création de la course de la Paix en 1948 –donc en pleine Guerre Froide- par des partis communistes polonais et tchécoslovaques en est la preuve. Cette course cycliste par étapes, dont la dernière édition remonte à 2006, définissait dans son règlement l’objectif premier de l’épreuve : » La Course de la Paix exprime la volonté de tous les participants de défendre une paix durable, la sécurité et la coopération entre les peuples de tous les continents de notre planète. (…) Elle approfondit la solidarité internationale entre les sportifs tout en popularisant le cyclisme amateur ». Alors si de nos jours, le sport a pris une importance monumentale et que la guerre entre athlètes fait rage sur les terrains lors des compétitions, il en va peut-être mieux comme ça. L’anthropologue Marcel Mauss disait que l’échange est la forme culturelle du conflit. Le sport l’est peut-être aussi…
Toutefois, malgré l’émotion qui submergeait les coureurs qui se sont recueillis devant les grilles de l’insupportable camp d’extermination d’Auschwitz – symbole de l’Holocauste – il y a bien eu la course, et même la bagarre sur cette sixième étape. Une longue étape de 228,5 kilomètres qui amenait le peloton à Terma Bukowina. Une étape difficile puisque dans les 80 derniers km le parcours présentait un profil en dent de scie. Une étape longue, sans répit. Ajoutez à cela cinq jours de course dans les jambes, et la sélection s’est faite toute naturellement. Les hommes forts de ce Tour de Pologne se sont retrouvés à l’avant. Même si une échappée a évidemment marqué le début d’étape avec Mikhaylo Khalilov (Katusha), Javier Lorente Aramandia et Gorka Izagirre (Euskaltel – Euskadi), Mathew Hayman (Team Sky) et Johnny Hoogerland (Vacansoleil).
Mais à 80 bornes de l’arrivée, soit à l’entame des six tours de circuit qui comportait une belle bosse, l’écart entre les fuyards et le peloton n’était plus que de 4 minutes. Pas assez pour aller au bout, d’autant plus que derrière, le peloton est très nerveux. Les attaques se succèdent mais la plus dangereuse est à mettre sur le compte de Marek Rutkiewicz (Poland BGZ), sixième du Tour de Pologne l’an passé et septième actuellement au classement général. Un temps avec Oscar Pereiro (Astana) puis très vite tout seul, le Polonais a compté jusqu’à 35 secondes d’avance à onze kilomètres de l’arrivée. Mais le dernier tour lui a été fatal et c’est Bauke Mollema (Rabobank) qui lance une fantastique attaque à 4 km du but. Sans buter dans la bosse, le Néerlandais s’arrache pour venir s’imposer avec sept secondes d’avance sur Albasini (HTC-Columbia) et Bole (Lampre-Farnese Vini). Daniel Martin (Garmin-Transitions) arrive deux secondes plus tard et garde son paletot de leader malgré le rapproché de Mollema. Sauf accident, l’Irlandais devrait donc remporter le Tour de Pologne demain soir. Mais tout cela n’est que du sport.
Léos Maere
Classement 6ème étape :
1. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) les 228,5 km en 5h54’30 »
2. Michael Albasini (SUI, HTC-Columbia) à 7 sec.
3. Grega Bole (SLO, Lampre-Farnese Vini) m.t.
4. Mauro Santambrogio (ITA, BMC Racing Team) m.t.
5. Tiago Machado (POR, Radioshack) à 9 sec.
6. Alessandro Ballan (ITA, BMC Racing Team) m.t.
7. Daniel Martin (IRL, Garmin-Transitions) m.t.
8. Lars Petter Nordhaug (NOR, Team Sky) m.t.
9. Sylvester Szmyd (POL, Liquigas-Doimo) m.t.
10. Marek Rutkiewicz (POL, Poland BGZ) m.t.
Classement complet
Classement général :
1. Daniel Martin (IRL, Garmin-Transitions) en 26h46’50 »
2. Grega Bole (SLO, Lampre-Farnese Vini) à 8 sec.
3. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) à 10 sec.
4. Michael Albasini (SUI, HTC-Columbia) à 20 sec.
5. Alessandro Ballan (ITA, BMC Racing Team) à 21 sec.
6. Sylvester Szmyd (POL, Liquigas-Doimo) à 26 sec.
7. Mauro Santambrogio (ITA, BMC Racing Team) à 28 sec.
8. Marek Rutkiewicz (POL, Poland BGZ) à 30 sec.
9. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Farnese Vini) m.t.
10. Thomas Danielson (USA, Garmin-Transitions) à 33 sec.