Il y a ceux à qui tout réussit, et ceux après lesquels le sort semble s’acharner avec une furieuse bestialité. D’une façon ou d’une autre, la roue finit toujours par tourner, mais en ces premiers jours du Giro les astres restent alignés au-dessus des mêmes petits hommes verts d’Orica-GreenEdge quand l’abominable sorcière aux dents vertes use et abuse du mauvais œil contre la formation Ag2r La Mondiale et son leader Domenico Pozzovivo. L’équipe française classée n°1 au terme du Giro l’an passé avait commencé par signer une performance tout juste passable samedi dans le contre-la-montre de San Remo (16ème à 48 secondes). Puis son leader Domenico Pozzovivo s’était retrouvé les quatre fers en l’air hier soir dans les rues de Gênes, repoussé de 1’09 » de plus 13 kilomètres plus tard tandis qu’il franchissait la ligne d’arrivée…
Ce n’était rien que du temps, soulignait alors le petit grimpeur d’Ag2r La Mondiale avec un relativisme remarquable. Mieux valait avoir perdu un peu de temps que de s’être amoché plus sérieusement dans ces inévitables accrochages des premiers jours qui ont envoyé rien qu’hier une trentaine de coureurs à l’infirmerie. Domenico Pozzovivo s’imaginait déjà plus libre de ses mouvements, se voyant bien tenter un premier coup samedi dans l’étape de Campitello Matese. Il n’en sera malheureusement rien. Si sa chute hier était une banderille, celle qui l’attendait dans la descente de Barbagelata aura porté le coup de grâce. On venait d’en finir avec les difficultés ininterrompues d’une troisième étape bien plus exigeante que ne le laissaient paraître ses quelques 136 kilomètres entre Rapallo et Sestri Levante. 110 bornes d’une succession de virages, de montées, de descentes jusqu’à atteindre Barbagelata pour plonger vers la côte.
Il restait encore du monde devant : les rescapés d’une très large échappée bâtie initialement autour d’une grosse vingtaine de coureurs dès les premières ascensions de la journée. Boem, Chirico et Zardini (Bardiani-CSF), Burghardt, Dillier et Gilbert (BMC Racing Team), Chaves et Clarke (Orica-GreenEdge), Fernandez et Herrada (Movistar Team), Fischer et Pineau (FDJ), Paterski et Samoilau (CCC Sprandi Polkowice), Boaro (Tinkoff-Saxo), Gavazzi (Southeast), Hansen (Lotto-Soudal), Kochetkov (Team Katusha), Puccio (Team Sky), Villella (Cannondale-Garmin) et Zilioli (Androni-Sidermec). Une vingtaine de gars que Pavel Kochetkov choisissait d’abandonner sur les hauteurs de Barbagelata, à 1115 mètres d’altitude, pour s’engager à 43 kilomètres de l’arrivée dans un numéro solitaire aussi délirant que culotté.
Comme il l’avait fait au Mont Cassin, Michael Matthews conquiert son étape en rose.
A cet instant, au moment où le peloton réduit pour moitié – les purs sprinteurs ont déjà sauté – bascule à son tour dans une descente rapide et technique, la tête de course ne dispose plus que d’une demi-minute d’avance. Quand soudain, Domenico Pozzovivo part à la faute. Une large courbe à droite, une roue avant qui fuit sur la chaussée, et voilà l’Italien qui s’en va frapper le sol du visage. Cette fois le temps qui s’écoule n’a plus la moindre importance. Pour le grimpeur de 32 ans qui ambitionnait un podium, il s’est arrêté. Semi-conscient et sévèrement touché, le leader d’Ag2r La Mondiale est pris en charge par les services médicaux du Tour d’Italie, évacué sans caractère d’urgence vers l’hôpital le plus proche. Loin de cette maudite course qui lui en aura fait voir de toutes les couleurs en trois jours. Sauf du rose…
A l’autre extrémité de la chaîne, il y a Michael Matthews (Orica-GreenEdge), en rose pour le coup, comme il l’avait été durant six jours l’an passé, avec une victoire d’étape au Mont Cassin en prime. C’est le même résultat qu’ambitionne l’Australien dans cette étape qu’il a cochée de longue date. Rentrer sur les derniers échappés ne sera qu’une formalité. En tête, le numéro solitaire de Pavel Kochetkov, d’abord dans la longue descente vers le rivage ligurien, puis sur les seuls 25 derniers kilomètres de plat de cette étape, prend fin à 10 kilomètres de Sestri Levante, quand rentrent sur lui Simon Clarke, Adam Hansen et Maciej Paterski. Le tout sous l’œil du peloton, qui se rapproche désormais à grande vitesse, tracté au bord de la mer par les équipes Tinkoff-Saxo d’Alberto Contador et Astana de Fabio Aru. Les quatre derniers échappés ne résisteront plus longtemps au peloton. Ils sont rejoints à 4 kilomètres de l’arrivée à Sestri Levante.
Au terme de cette courte étape explosive, il n’y a plus un pur sprinteur pour se mettre en travers de la route de Michael Matthews. Viviani, Hofland, Greipel, Mezgec, Petacchi, Nizzolo, soit les six coureurs qui avaient précédé l’Australien hier dans le rush de Gênes, font déjà la causette depuis belle lurette dans le gruppetto. La voie est libre ou presque pour le Maillot Rose, qui prend subtilement la roue de Fabio Felline (Trek Factory Racing) avant de s’en extraire dans les derniers mètres pour venir conquérir son étape, en rose, exactement comme il l’avait fait il y a un an au Mont Cassin. Décidément tout va pour le mieux dans cette équipe Orica-GreenEdge qui avait fait d’un excellent contre-la-montre par équipes la condition d’un Giro grandement réussi. Après trois jours de course, la formation australienne a déjà rempli tous ses objectifs.
Demain mardi, les puncheurs auront l’occasion de s’expliquer entre Chiavari et La Spezia (150 km).
Classement 3ème étape :
1. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) les 136 km en 3h33’53 » (38,1 km/h)
2. Fabio Felline (ITA, Trek Factory Racing) m.t.
3. Philippe Gilbert (BEL, BMC Racing Team) m.t.
4. Sergey Lagutin (OUZ, Team Katusha) m.t.
5. Paolo Tiralongo (ITA, Astana) m.t.
6. Luca Paolini (ITA, Team Katusha) m.t.
7. Francesco Gavazzi (ITA, Southeast) m.t.
8. Enrico Battaglin (ITA, Bardiani-CSF) m.t.
9. Luis-Leon Sanchez (ESP, Astana) m.t.
10. Jonathan Monsalve (VEN, Southeast) m.t.
Classement général :
1. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) en 8h06’27 »
2. Simon Clarke (AUS, Orica-GreenEdge) à 6 sec.
3. Simon Gerrans (AUS, Orica-GreenEdge) à 10 sec.
4. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) m.t.
5. Roman Kreuziger (TCH, Tinkoff-Saxo) à 17 sec.
6. Alberto Contador (ESP, Tinkoff-Saxo) m.t.
7. Michael Rogers (AUS, Tinkoff-Saxo) m.t.
8. Paolo Tiralongo (ITA, Astana) à 23 sec.
9. Fabio Aru (ITA, Astana) m.t.
10. Diego Rosa (ITA, Astana) m.t.
Classement par points :
1. Elia Viviani (ITA, Team Sky) 53 pt
2. Marco Frapporti (ITA, Androni-Sidermec) 40 pt
3. Moreno Hofland (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 35 pt
4. Philippe Gilbert (BEL, BMC Racing Team) 26 pt
5. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) 25 pt
6. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 25 pt
7. Eugert Zhupa (ALB, Southeast) 20 pt
8. Bert-Jan Lindeman (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 20 pt
9. Luka Mezgec (SLO, Giant-Alpecin) 18 pt
10. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek Factory Racing) 17 pt
Classement de la montagne :
1. Pavel Kochetkov (RUS, Team Katusha) 15 pt
2. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) 12 pt
3. Edoardo Zardini (ITA, Bardiani-CSF) 7 pt
4. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge)6 pt
5. Jesus Herrada (ESP, Movistar Team) 6 pt
6. Bert-Jan Lindeman (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 3 pt
7. Philippe Gilbert (BEL, BMC Racing Team) 2 pt
8. Lukasz Owsian (POL, CCC Sprandi Polkowice) 2 pt
9. Francesco Gavazzi (ITA, Southeast) 1 pt
10. Adam Hansen (AUS, Lotto-Soudal) 1 pt
Classement des jeunes :
1. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) en 8h06’27 »
2. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) à 10 sec.
3. Fabio Aru (ITA, Astana) à 23 sec.
4. Fabio Felline (ITA, Trek Factory Racing) à 33 sec.
5. Kenny Elissonde (FRA, FDJ) à 36 sec.
6. Francesco-Manuel Bongiorno (ITA, Bardiani-CSF) à 47 sec.
7. Davide Formolo (ITA, Cannondale-Garmin) à 1’03 »
8. Jesus Herrada (ESP, Movistar Team) à 1’40 »
9. Silvan Dillier (SUI, BMC Racing Team) à 1’54 »
10. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida)
Classement par équipes :
1. Orica-GreenEdge (AUS) en 23h40’59 »
2. Tinkoff-Saxo (RUS) à 7 sec.
3. Astana (KAZ) à 13 sec.
4. Etixx-Quick Step (BEL) à 19 sec.
5. Movistar Team (ESP) à 21 sec.
6. BMC Racing Team (USA) à 25 sec.
7. FDJ (FRA) à 26 sec.
8. Team Sky (GBR) à 27 sec.
9. Team Katusha (RUS) m.t.
10. Lotto-Soudal (BEL) à 29 sec.