Monsieur Bartolone, quel est votre premier souvenir de Tour de France ?
J’étais tout gamin, en colonie de vacances. Et l’on attendait que la feuille jaune soit collée sur les fenêtres des bistrots pour savoir quel était le résultat de l’étape. La télévision ne couvrait pas l’événement tel qu’elle le fait aujourd’hui. Je me souviens qu’on attendait avec impatience ce petit billet jaune collé sur la fenêtre.
Gardez-vous une image d’enfance d’un passage du Tour ?
Je me souviens d’une étape à côté de Serre-Chevalier. J’y étais avec mes parents. C’était la course après les différentes estafettes publicitaires pour revenir avec des bonbons, des casquettes, des tee-shirts, différents documents papiers… C’était une journée sportive car on courait derrière les estafettes pour revenir vers nos parents les bras chargés de cadeaux publicitaires.
Avez-vous pratiqué le vélo ?
Oui. Au Pré-Saint-Gervais, l’un de mes meilleurs amis était le fils du dirigeant d’un club mythique, l’Entente Sportive Gervaisienne et Lilasienne. Un beau jour, il m’a dit qu’il fallait qu’on se mette au vélo. Je me souviens, nous avions été acheté notre vélo ensemble un vendredi. Il a failli m’en dégoûter à tout jamais. Le samedi, mon ami m’a dit : « j’ai une tante en Seine-et-Marne, il n’y a que 80 kilomètres et c’est tout plat. » Après ce périple, j’ai mis quinze jours à en finir avec mes mollets de bois et mes crampes de partout. Je n’arrivais plus à monter le moindre escalier.
Ça ne vous a finalement pas rebuté, vous en faites toujours ?
Oui, régulièrement. Je fais du vélo dès que je suis à la campagne. J’aime bien. Le vélo, c’est quelque chose qui vous permet d’avoir un contact tout à fait particulier avec les autres, avec l’environnement. Et en termes d’entraînement cardiovasculaire, c’est pas mal.
Malgré toutes vos activités, suivez-vous le cyclisme à longueur d’année ?
A longueur d’année, je ne peux pas dire. En revanche il y a la magie du Tour de France, et là je le suis. C’est la cinquième ou sixième fois que j’y viens depuis que je suis élu à des titres différents. Dès que le Tour commence, c’est évident que j’essaie de regarder le résumé de l’étape le soir. Si j’ai du travail, que je dois écrire notamment, il m’arrive de laisser les images de France Télévisions en coupant le son. Rien que ça, c’est un véritable miracle. Avoir ces images incroyables dans votre bureau, cette ferveur populaire, ces paysages fantastiques et ces efforts des coureurs… On se passe du son avec la magie de l’image.
Quels coureurs suivez-vous en particulier ?
En vérité je suis un peu chauvin. J’ai vécu un très beau Tour l’année dernière grâce à Thomas Voeckler. Vraiment, on y a cru jusqu’au bout. Ce qui m’intéresse, c’est qu’on est au seuil d’une nouvelle génération de sportifs. Alors je ne les connais pas encore par cœur mais je pense qu’on a une belle génération en train de pointer. Cette année, on voit qu’il y a quand même une équipe qui domine le Tour, mais on sent un renouveau du cyclisme.
Vous êtes élu du 93, la Seine-Saint-Denis. Le cyclisme, à votre sens, peut-il être facteur d’intégration pour les jeunes de banlieue à l’instar du football ?
Il y a deux éléments qui pèchent pour que ce soit vraiment le cas. D’abord le coût, parce que le vélo c’est cher. Ensuite la difficulté à organiser des courses en milieu urbain. Tout de suite, il faut mettre de la surveillance à tous les carrefours. La police, compte tenu de la situation de ses effectifs, ne peut plus le faire. Trouver des bénévoles reste une préoccupation. Mais je crois néanmoins que le cyclisme peut parler aux jeunes des quartiers populaires. Le cyclisme, c’est à la fois la dimension individuelle et le besoin de tenir compte des autres.
Pour faire rêver les jeunes du 93, pensez-vous que l’équipe Auber 93 doive un jour retrouver sa place sur le Tour de France ?
Je l’espère. Aujourd’hui, bon nombre de clubs ont compris qu’ils ne pouvaient pas atteindre l’élite. Les responsables sportifs ont compris qu’ils peuvent avoir des pépites chez les jeunes, dans de petits clubs, mais qu’il faut ensuite leur donner la possibilité d’être dans un groupe qui leur offre l’encadrement et les conditions pour pouvoir atteindre l’excellence. Un club comme Auber, qui est un club fanion de la Seine-Saint-Denis, mais aussi de l’Ile de France, pourrait se retrouver sur le Tour.
Quand on apprend le vélo, on nous apprend à rouler à droite, mais sur le Tour de France on a le droit de rouler au centre et même à gauche…
Raymond Poulidor m’a dit : « vous savez, vous êtes de gauche, pour vous ça doit être compliqué le vélo parce que quand on attaque, on envoie sur la droite pour ce qui est des vitesses. » Je dirais qu’il faut envoyer sur la droite mais réussir sur la gauche !
Propos recueillis à Limoux le 15 juillet 2012.