Un jour sur deux, Daniel Mangeas, l’inimitable voix du Tour, nous confie ses mémoires de speaker, lui qui fut témoin pendant quarante ans de toutes les arrivées d’étapes du Tour de France. Il tirera sa révérence au terme de la 101ème édition le 27 juillet.
« L’un de mes regrets, sur le Tour, est de n’avoir jamais fait de photos. Les souvenirs, je les ai dans la tête, mais c’est un peu égoïste. Beaucoup de gens aiment se mettre en photo sur Twitter ou Facebook avec telle ou telle personnalité, je n’ai jamais eu envie de le faire. Et je ne me voyais surtout pas le faire. Je regrette pourtant de ne pas l’avoir fait pour moi car j’ai eu, durant ma carrière, l’opportunité de rencontrer de nombreuses personnalités. Parmi celles qui m’ont marqué, le prince Albert de Monaco, qu’on a presque envie d’appeler par son prénom tellement il est sympa. Les présidents de la République, que l’on approche un peu moins du fait du protocole et du cordon de sécurité qui les entoure.
Je retiens aussi la rencontre de Lino Ventura, un grand monsieur du cinéma qui venait nous voir aux départs du Tour à Luchon. J’ai eu l’occasion de partager quelques soirées avec Jean Carmet, avec René Fallet, avec Antoine Blondin, également Maurice Biraud et Michel Drucker. J’ai passé trois soirées dans le même hôtel que Robin Williams, qui suivait Lance Armstrong et que je n’ai pas osé aller déranger pour faire une photo.
Ma femme travaille dans le spectacle chez VB Productions. J’ai toujours aimé le sport et le spectacle, les humoristes en particulier. Les rares photos que j’ai ont été prises avec Thierry Le Luron et Laurent Gerra, celle-ci plus récente à un moment où j’ai pris conscience qu’il me fallait quand même faire quelques photos.
Ma philosophie, c’est que nous sommes tous de passage sur Terre. Demain, ça peut être fini. Evidemment je suis content de rencontrer des gens connus, mais pour moi chacun a une forme d’intelligence en lui, différente de son voisin. Plutôt que l’individu, j’aime l’être humain dans sa totalité. J’aime les gens, tout simplement.
Si du jour au lendemain je ne rencontrais plus de public, le sourire des gens, leur bonheur lorsqu’ils sont sur une ligne d’arrivée, c’est quelque chose qui me manquerait. C’est aussi pourquoi, après le Tour de France, je continuerai à animer certaines épreuves du calendrier français. J’en ferai moins pour être plus longtemps chez moi, et parce qu’il y a un âge où il faut savoir se retirer pour profiter d’autres choses.
J’aime les gens et pourtant j’ai toujours été intimidé par eux car je suis de nature très timide, quelqu’un de très angoissé. Je me suis fait violence toute ma vie – je peux le dire aujourd’hui alors que ma carrière est bien entamée – je suis un timide qui se donnait des coups de pied dans les fesses pour monter sur les podiums. Même si je suis en apparence décontracté lorsque je suis sur le podium, je suis quelqu’un de perfectionniste et d’anxieux. On ne me l’enlèvera pas.
Mais il y a une rencontre qui a été plus surprenante que les autres. C’était aux Six Jours de Grenoble, j’étais accompagné de l’ancien pistard Frédéric Magné. Nous appuyons sur le bouton de l’ascenseur, et soudain qui apparaît devant nous : le Dalaï-Lama. Nous ignorions qu’il était dans l’hôtel et nous nous sommes demandés si nous avions bu ou fumé quelque chose ! Frédéric comme moi avons retenu de cette courte rencontre la sérénité qui émanait de l’homme, le calme qui l’accompagnait. C’est quelque chose qui m’a impressionné et dont je me rappellerai longtemps encore. »
Daniel Mangeas