Il « n’est plus acceptable que les femmes restent encore associées à des rôles de potiches », selon les propos tenus par Mme Hélène Bidardadjointe PCF en charge de la lutte contre les discriminations auprès de la maire PS de Paris Anne Hidalgo. Potiche, un qualificatif dont se seraient bien passées les hôtesses qui œuvrent chaque jour sur le podium et contribuent de près à l’image des différentes marques lors de la cérémonie protocolaire diffusée sur les écrans de télévision dans de très nombreux pays.

Bien qu’étant les premières concernées par ces propos, le débat s’est fait sans elles, même si un élan de solidarité sur les différents réseaux sociaux a pu être constaté au cours des derniers mois. Elles ont la parole, enfin …

CHLOE LHERMITTE, Hôtesse protocolaire Krys pour le Maillot Blanc du Meilleur Jeune

J’ai 31 ans et j’ai été hôtesse protocolaire deux années de suite. En 2014 pour Vittel je tenais le bar à eau la journée et faisais le podium le soir pour le vainqueur d’étape. En 2015 je suis passée au bleu avec la marque Krys pour le meilleur jeune avec son maillot blanc.

En ce qui concerne mon parcours scolaire, j’ai un bac littéraire, une licence langues étrangères appliquées et un Master communication organisationnelle.

Je ne suis pas d’accord avec ces propos. Nous ne sommes pas des potiches, il faut savoir que ces 5 minutes où nous passons à la télé ne sont pas représentatives. Cela représente 5% à peine de nos missions… si nous sommes des potiches nous sommes des potiches capables d’accomplir bien des tâches avec réactivité, dynamisme. Chargement de la voiture, préparation des cadeaux invités, accueil des invités et discussions sur de nombreux sujets (ce qui nous impose une belle culture générale), conduite (car nous n’avons pas de chauffeur), relations presse… Nous sommes recrutées bien souvent pour notre polyvalence et notre patience.

Jamais je ne me suis sentie femme objet sur le tour, j’ai toujours été respectée aussi bien par les différents partenaires que les coureurs cyclistes. Pour moi cette problématique mérite d’être débattue, les propos à notre égard sont déplacés, nous devons dire le fond de notre pensée car nous sommes les principales concernées et avons vécu cette merveilleuse expérience et aventure qu’est le Tour de France.

 

ARIANE VILLEROUGE, Hôtesse protocolaire Skoda pour le Maillot Vert du Meilleur Sprinteur

A 31 ans, j’ai été hôtesse protocolaire pour Skoda en 2015, ma première et unique fois, la 1ère année aussi de Skoda en tant que partenaire du maillot vert. Auparavant je fus hôtesse pour l’organisateur ASO pendant 3 ans au village départ et parfois à l’arrivée.

Je faisais ce travail d’été en parallèle de mes études. Diplômée d’un master MEEFA « prof des écoles » puis d’un Master en Communication et Management d’événements sportifs, mon premier Tour de France en 2011, m’a valu une réorientation professionnelle ! Le déclic. Je parle aussi l’anglais, langue devenue indispensable dans cet univers. Beaucoup d’hôtesses parlent 2, 3 langues, voire plus.

Ces propos m’ont un peu agacé car si une personne comme elle qui a du « pouvoir » se met à l’utiliser en ce sens, j’avais peur que cela mette la pression à l’organisation. Bien que je ne sois plus Hôtesse, je me sentais concernée et visée. Je l’ai donc interpelé directement sur Twitter pour lui demander si « nos avis » l’intéressaient concernant la mention « potiche ».

D’ailleurs elle ne semble préoccupée que par paris en s’offusquant de voir des images de la capitale associée aux hôtesses. Je ne comprends pas qu’on puisse réduire le TDF à Paris, Ce n’est pas Le Tour De Paris ! De Là, elle m’a répondu qu’elle ne remettait pas en cause notre travail mais qu’elle trouvait plus légitimes que des sportifs de haut niveau remettent un prix. « Légitime ? » Une journaliste a d’ailleurs rebondi sur ce propos, mais sans retour. D’ailleurs, j’ai été agréablement surprise de voir que beaucoup de personnes soutenaient les hôtesses sur Twitter.

Pense-t-elle sérieusement qu’il soit simple de déplacer des athlètes chaque jour sur chaque étape ? Et les sponsors de ces derniers pourraient poser problème à la remise d’un maillot partenaire…

L’image de paris est malheureusement ternie par les actualités dramatiques, les Grèves, les manifs, les transports, je pense que le Tour De France, comme de nombreux événements sportifs et culturels fait du bien à l’image de la capitale et du pays. En quelque sorte, nous y participons un peu. N’ont-ils pas de sujet plus important à traiter ?

Femme objet ? Pas vraiment, c’est vrai qu’on est sur le podium pour remettre une peluche, un bouquet et un maillot en représentant de façon élégante la marque pour laquelle on travaille, mais à ce rythme, remettons aussi en question publicité « dénudée », miss météo, miss France, etc.

Jamais je n’ai reçu de propos déplacés d’un coureur, ils sont dans leur course, poliment, ils nous saluent tout comme ils saluent les autres personnes qui travaillent en coulisse ou sur le protocole.

Alors selon moi, je ne vois pas pourquoi dans un pays comme la France où la femme fait ce qu’elle souhaite, nous avons ce débat… Je n’ai été qu’une fois Hôtesse protocolaire mais j’aime ce trvail et j’aime l’image du Tour de France avec la remise des maillots par les hôtesses. Mon seul regret, qu’il n’y ait plus Bernard Hinault sur le protocole !

 

MARIE RACHEL CASTEL, Hôtesse protocolaire Carrefour pour le Maillot à pois du Meilleur Grimpeur

A 26 ans, je fais le Tour de France depuis 6 ans et c’est mon 4ème en tant qu’hôtesse protocolaire. J’ai commencé à travailler pour ASO, puis pour BIC dans les espaces VIP et enfin, pour le maillot à pois Carrefour. Je termine ma 8ème année d’études de droit dans le but de devenir notaire et je travaille dans une étude de notaires. Je parle anglais, j’ai des notions d’espagnol et d’italien.

Je pense que Madame MEHAL s’exprime sur un sujet qu’elle ne connait pas, d’un point de vue totalement extérieur et par conséquent déconnecté de la réalité. Elle s’appuie sur la tendance du mouvement féministe pour dénoncer le statut de « potiche » de l’hôtesse, ce qui est loin d’être le cas. Avant de traiter d’un tel sujet, il faut bien avoir en tête que c’est par choix qu’une hôtesse se retrouve sur le podium du Tour de France. Nous avons toutes voulu ces places. Etre hôtesse n’est pas mon unique job, je fais ça un mois par an et je ne me sens en rien potiche lorsque je monte sur le podium. Ce qu’on me demande est de me mettre en valeur et de récompenser un coureur mais pas seulement, la journée est remplie de tout un tas d’autres tâches qui ne sont pas visibles à la télé. Si les hôtesses devaient être supprimées, qu’adviendrait-il de la remise de trophée ? Qui les remettrait ? Dans l’hypothèse d’un homme, cela mettrait-il tout le monde d’accord ? Si c’était à nouveau une femme, peut-être se retrouverait-elle confrontée au risque d’être à nouveau qualifiée de potiche ?

Dans tous les cas, nous enlever le poste d’hôtesse procéderait là d’une réelle discrimination puisque nous serions privées de notre droit à exercer ce poste, or c’est ce que nous avons toutes voulu. Je ne me suis jamais vue comme une femme objet et n’ai jamais été l’objet d’un harcèlement par aucun coureur. Si ça avait été le cas, croyez bien que les hôtesses ne se bousculeraient pas au portillon pour repartir. Cette problématique mérite amplement d’être débattue mais avant tout débat, il faudrait que les personnes nous présentant comme des potiches viennent sur le terrain pour se rendre compte de la réalité.

 

MATHILDE DURIEZ, Hôtesse protocolaire Skoda pour le Maillot Vert du Meilleur Sprinteur

Agée de 27 ans, je repars cette année pour un 5ème Tour de France. J’ai débuté comme hôtesse protocolaire en 2013 pour le Prix de la Combativité parrainé à l’époque par Brandt. J’ai ensuite fait une saison comme hôtesse pour le Team Europcar et cela fait désormais 4 ans que je suis hôtesse protocolaire pour le Maillot Vert parrainé par Skoda.

Je suis titulaire d’un Master en Littérature et Civilisation ainsi que d’un Master en Sciences de l’éducation. Je parle anglais, italien et espagnol. Les propos tenus me semblent particulièrement déplacés au regard du profil de chacune d’entre nous et de la difficulté du recrutement pour devenir hôtesse protocolaire. Si cette politicienne qui tente d’attirer l’attention s’était renseignée, elle aurait su que notre rôle ne se cantonne pas à la remise du maillot, seul aspect de notre emploi qui est visible car médiatisé.

Nos fonctions sont bien plus complexes et les compétences demandées sont très variées, notamment en termes de communication, de relationnel, d’expression orale et de culture générale. Chaque jour, nous prenons en charge des dizaines d’invités Skoda, parfois à des postes clés ou très hauts placés au sein de l’entreprise, ce qui nécessite d’avoir un niveau de langue parfois très élevé. J’invite cordialement Mme Bidard à se déplacer et à prendre de son temps pour venir constater par elle-même cet été… Cependant, quand je l’ai apostrophée dans un tweet en avril dernier, celle-ci n’a même pas pris la peine de répondre. Jouer le débat sans nous, c’est un peu facile et pas très courageux.

De plus, j’estime sincèrement qu’à Paris, les problématiques à traiter sont nombreuses et bien plus urgentes que cette question de podium. Intéressez-vous aux VRAIES problématiques comme la pollution, les sans-abris ou le problème des transports. La problématique des hôtesses est une problématique annexe qui ne mérite pas d’attirer autant d’attention. Pendant le Tour de France, seuls l’effort sportif et l’engouement du public suscités grâce à cet événement international et populaire comptent.

D’autre part, en ce qui me concerne, bien que je sois actuellement CPE au sein du Lycée Professionnel Pierre et Marie Curie de Bolbec, côtoyer ce milieu m’a beaucoup apporté et, tout comme Ariane, a créé une vocation et me pousse à changer de voie professionnelle. Je me suis mise au vélo. J’ai participé à la Santini Gran Fondo sur le Ventoux le 17 juin dernier. Le cyclisme, c’est bien plus qu’un job saisonnier, c’est en train de devenir une passion.

 

JESSICA MOLLE, Hôtesse protocolaire du Maillot Jaune de Leader du classement général

Je m’appelle Jessica, j’ai 22 ans et cette année je participe à mon 2ème Tour De France en tant qu’hôtesse protocolaire chez LCL, sponsor du Maillot Jaune.

J’ai terminé mes études en mai dernier et dès la rentrée de septembre, j’exercerai le métier de professeur d’histoire-géographie. D’origine espagnole, je pratique régulièrement l’espagnol et j’ai quelques notions en anglais également.

Pour rebondir sur les propos de Mme Bidard concernant les hôtesses protocolaires qu’elle juge de « potiches », il est important de souligner que le travail d’une hôtesse protocolaire sur le TDF ne se résume pas seulement à la remise d’un maillot distinctif et d’un bouquet de fleurs. Nos journées sont très chargées, le rythme est intense : réveil à l’aube en direction du Village Départ, préparation du stand LCL, accueil des invités VIP de la marque… Une fois la matinée achevée, nous prenons le parcours de la course pour nous rendre à l’arrivée ; une hôtesse est alors en charge des invités VIP pendant que les deux autres remettent le Maillot Jaune sur le podium protocolaire. Parfois, il arrive même qu’il y ait des animations dans des agences LCL. Ainsi, sur certaines étapes, de montage notamment, nous finissons notre journée vers 22h!

Le Tour De France est une opportunité professionnelle et une expérience humaine très enrichissante… Ce n’est pas un hasard si nous retrouvons les mêmes hôtesses d’une année à l’autre! Nous aimons ce travail que nous considérons comme un véritable métier. Alors, quand certaines personnes évoquent les hôtesses comme des « potiches », nous sentons notre travail rabaissé.

Loin des clichés que peut susciter le métier d’hôtesse protocolaire, je pense qu’il fait partie des droits qu’ont les femmes. Dans le passé, certaines se sont battues pour supprimer ce genre de stéréotypes… Il est alors malheureux qu’un tel sujet fasse l’actualité en 2018…

Il n’y a rien de sexiste dans ce métier, bien au contraire…  Dans des courses féminines, ce sont des hommes qui remettent le bouquet.

En somme, plus que de simples bises, les tâches confiées à ces hôtesses sont diverses et variées et font appel à un bon nombre de compétences et d’aptitudes. De quoi faire réfléchir avant de juger trop vite. Nous les retrouverons donc dès samedi prochain sur le podium du Tour de France comme l’a confirmé Monsieur Christian Prudhomme lors d’une interview le 17 mai 2018.