Tous les mois de l’année 2010, Vélo 101 vous fait découvrir une femme œuvrant dans l’univers du cyclisme. Nombreuses sont celles qui gravitent autour d’une discipline qui n’est plus, depuis longtemps, réservée qu’à la seule gente masculine. Cette rubrique, notre saga de l’année, permet ainsi de mettre en lumière ces femmes impliquées dans le vélo. Elles sont championnes ou assistantes, elles sont épouses de coureur ou bien hôtesses, elles sont mamans de champions ou bien élues… Ce mois-ci, rencontre avec Céline Mazard, 27 ans et attachée de presse de l’équipe Ag2r La Mondiale, la formation française la plus communicative auprès des médias. Réactions, compositions d’équipes, bulletins médicaux, ses communiqués de presse alimentent les chroniques des médias, à commencer par celles de Vélo 101.
Céline, quel a été votre parcours avant d’intégrer l’équipe Ag2r La Mondiale ?
J’ai une formation de journaliste. J’ai pratiqué le journalisme pendant trois ans après avoir suivi une formation dans cette branche. Je ne suis pas du tout issue du milieu sportif. J’ai un papa qui fait du vélo mais simplement pour le plaisir. Moi, en toute franchise, je ne suis pas non plus une sportive accomplie. J’ai joué au hand, de manière totalement amateur. Par contre j’ai toujours été passionnée de sport. Depuis l’âge de 10 ans, je rêvais de devenir journaliste sportif. J’ai donc un peu dévié mais je suis toujours dans les milieux du sport et de la communication, donc c’est l’essentiel.
Comment êtes-vous arrivée au poste d’attachée de presse de l’équipe Ag2r La Mondiale ?
Les postes de journaliste sont rares. Quand je me suis retrouvée au chômage, j’ai donc élargi mon champ d’action. J’ai cherché d’autres postes dans la communication et il se trouve que j’ai ouï dire qu’Ag2r La Mondiale cherchait une attachée de presse. J’ai fait passer CV et lettre de motivation. Ils m’ont dit pourquoi pas et je me suis dit la même chose.
Pour faire ce métier, considérez-vous qu’il faut auparavant avoir été journaliste, sportif de haut niveau ?
Je pense que la chose essentielle, avant toute formation professionnelle, c’est quand même d’avoir la passion du sport. Aimer ça, aimer les sportifs et respecter ce qu’ils font. Après, je ne pense pas qu’il soit essentiel non plus d’avoir été journaliste. Moi, ça m’a permis d’avoir un autre regard, en ayant été à la place des journalistes. Ca me crédibilise à leurs yeux et ça me permet de penser comme eux, d’anticiper leurs demandes, savoir ce dont ils ont besoin. Mais tout cela n’est pas indispensable. Ce qui me paraît primordial, c’est la passion du sport pour être au plus proche des coureurs et de l’encadrement.
Comment se sont passés vos débuts à ce poste ?
On apprend sur le tas. J’ai fait des études de journalisme mais je n’ai pas de formation d’attachée de presse. C’est un métier, et j’ai été beaucoup aidée par Magalie Dumoulin, la fille de Vincent Lavenu et désormais épouse de Samuel Dumoulin, qui était à ce poste auparavant et qui l’a d’ailleurs inauguré. Pendant une saison, elle a été à mes côtés pour m’orienter, pour me présenter les gens, les journalistes, ce qui représente énormément de monde. On ne travaille pas de la même façon mais elle m’a bien guidée pour m’intégrer au milieu et comprendre les us et coutumes du cyclisme.
Le monde du vélo est principalement masculin, comment le gérez-vous en tant que femme ?
J’étais prévenue dès le départ donc je savais à quoi m’attendre. Au début, il faut se fondre dans le moule, prendre sa place, s’intégrer. Il y a certainement eu une époque où c’était plus compliqué mais maintenant tout se passe bien. Je suis souvent la seule femme sur beaucoup de courses, même si on voit arriver beaucoup de kinés et d’assistantes. C’est sympa de pouvoir se retrouver à deux femmes. Maintenant, ça présente aussi des avantages. Ma relation avec les coureurs est basée sur la confiance et je pense qu’en tant que femme on a aussi un autre regard. Je peux parler avec eux de leur famille, de leurs enfants. On a une autre vision des choses et c’est bien.
L’équipe Ag2r La Mondiale est l’équipe française qui communique le mieux auprès de la presse, quel est votre sentiment à ce sujet ?
Ca fait plaisir car on travaille souvent dans l’ombre et on ne se rend pas compte de l’importance que ça a. Après, c’est aussi la volonté de toute l’équipe. Je peux communiquer, c’est une chose, mais si derrière je n’avais pas de quoi le faire, je serais limitée. Vincent Lavenu est quelqu’un d’ouvert aux médias, les directeurs sportifs jouent le jeu aussi. On ne déballe pas tout sur la place publique mais on sait que c’est important. Je peux ainsi faire mon travail facilement parce que je sais que je suis aidée derrière et que je travaille avec des gens qui sont prêts à communiquer.
De nouveaux modes de communication communautaires comme Facebook ou Twitter sont apparus, permettant aux coureurs de communiquer des informations eux-mêmes avant vos communiqués de presse. Comment l’appréhendez-vous ?
La société évolue donc il faut faire avec. Maintenant, je n’ai jamais été confrontée à ce problème-là parce que les coureurs jouent bien le jeu. On ne leur dit pas ce qu’il faut dire mais ils savent très bien que je suis là pour ça donc ils évitent de le faire. Maintenant c’est sûr qu’on n’est pas à l’abri d’une petite phrase qui sort, mais si ça ne porte pas préjudice à l’équipe, il n’y aura pas de problème. Et puis quelque part c’est bien aussi car plus les gens s’intéressent au vélo et aux coureurs, plus c’est intéressant pour nous. Je suis donc contente de voir les coureurs communiquer, je leur donne un coup de main en leur envoyant des photos pour mettre leurs sites à jour au mieux. Et puis je peux déjà vous annoncer en avant-première que l’équipe Ag2r La Mondiale va lancer un blog, une page Facebook et un compte Twitter juste avant le Tour de France. Nous nous mettons à la page !
Certains de vos collègues travaillent pour des agences de relations presse qui ont des contrats avec les équipes, enviez-vous cette situation ?
Les moyens, c’est important, mais j’aime beaucoup ma situation. Quelque part, il y a cette proximité, je vis avec les coureurs. Une agence de communication a plus de contacts mais j’aime bien le côté familial, direct. Certes, j’aimerais pouvoir développer des choses, avoir l’occasion de faire plus de vidéos, mais nous proposons d’autres choses. Le problème d’une agence, c’est que je n’ai pas envie de faire un communiqué standard, qu’on envoie à la poubelle parce qu’il est bateau. Je veux donner du communiqué utile et humain. C’est mon côté journaliste !
Y a-t-il en revanche des moyens que vous aimeriez prendre des autres sports ?
Justement, ce qui me plaît dans le cyclisme c’est que ce n’est pas comme dans les autres sports. En tant que journaliste, j’ai côtoyé des attachés de presse dans le football et le rugby. Ce sont des sports très fermés où tout est contrôlé, où les sportifs sont difficiles d’accès. On le voit avec les footballeurs en ce moment… Ce qui me plaît dans le vélo c’est donc cette ouverture. Même si les bus font parfois un peu polémique, les coureurs sont tout de même accessibles, disponibles, ils répondent aux sollicitations. Les relations avec les journalistes sont cordiales, jamais conflictuelles. Pour ces raisons, je suis contente d’être attachée de presse dans le cyclisme.
Votre métier est de communiquer autour de l’équipe, mais un excellent résultat, comme le port du Maillot Jaune par Rinaldo Nocentini l’an passé, peut-il vous prendre de court ?
Non, au contraire. Aux coureurs, je ne demande qu’une chose, c’est de me donner beaucoup de travail. Parce que ça veut dire que les résultats sont là. Après, on essaie d’optimiser tout ça. J’apprécie quand l’équipe marche, je suis fière, c’est une récompense. Le Maillot Jaune de Rinaldo Nocentini a été un moment extraordinaire à vivre de l’intérieur. C’est lui qui pédale mais c’est une récompense pour toute l’équipe. Le téléphone sonne un peu plus mais je suis contente de décrocher dans des moments pareils !
Propos recueillis à Monteux le 9 juin 2010.