Romain Grégoire (18 ans, AC Bisontine – AG2R – Citroën U19)Romain Grégoire avec la tunique de champion de France Juniors | © AG2R-Citroën U19 Team
Il ne faut surtout pas s’enflammer, mais s’intéresser au parcours de cette jeune pépite. S’il lui reste encore plein d’embûches à surmonter, d’obstacles à déjouer et de pièges à désamorcer, ses premiers pas sur le chemin de croix du cyclisme méritent qu’on s’y attarde, tant il les a effectués avec brio. Clairement, Romain Grégoire est le meilleur coureur junior que le cyclisme français ait eu depuis bien longtemps. Pour sa seconde année dans la catégorie, ses résultats sont ahurissants. C’est simple, le franc-comtois gagne tout, ou presque. Encore petit poucet par rapport aux élites, il apparait comme un véritable ogre au sein de sa cohorte. Champion de France en contre-la-montre comme en ligne, vainqueur de l’Ain Bugey Valromey Tour, lauréat de deux classiques italiennes du mois de juin, et récemment titré champion d’Europe, Romain Grégoire est inarrêtable dans sa quête de succès. Etonnant et détonnant, il les collectionne et les privatise, ne laissant que des miettes à ses adversaires.
Même le prodige belge, Cian Uijtdebroeks, futur pensionnaire de la BORA-Hansgrohe, s’y casse les dents. Cet été, il ne s’est avoué vaincu pas moins de quatre fois face au français, se contenant ainsi de la seconde place. Sur le Tour de l’Ain, il n’a rien pu faire pour contrer l’envolée du Bisontin dans l’ultime étape. Remontant au général aussi vite qu’il grimpe un col, ce dernier a donné à cette occasion une leçon de panache à ses adversaires, triomphant aux Plans d’Hotonnes avec près de trois minutes d’avance sur le belge. De même, à Trente, Romain Grégoire a de nouveau fait parler fougue et force pour s’extirper de la meute des grosses cuisses dans l’ultime ascension du Povo, en compagnie de son compatriote Lenny Martinez et du Norvégien Per Strand Hagenes, avant de régler intelligemment au sprint ce dernier, pourtant réputé plus rapide.
Son avenir devrait s’écrire du côté de Chambéry, non pas au centre de formation, mais bien au sein de la WorldTeam. En effet, si Vincent Lavenu aurait préféré que le franc-comtois fasse d’abord ses preuves dans les rangs Espoirs, il aurait finalement accédé aux souhaits de ce dernier, avant tout désireux de ne pas le voir s’en aller ailleurs, alors que la Conti Groupama-FDJ avait formulé une proposition. Cette information doit être prise au conditionnel dans l’attente d’une officialisation du transfert. Pour éviter un destin à la Nicolas Malle, étoile filante du cyclisme tricolore, le manager haut-alpin devra particulièrement veiller à ce que son poulain ne se brûle pas les ailes parmi les élites. N’est pas Remco Evenepoel qui veut.
Lenny Martinez (18 ans, CC Varennes-Vauzelles)Lenny Martinez avec le maillot de la Conti Groupama-FDJ | © Compte Twitter de Lenny Martinez
Tel père, tel fils. Escaladeur infatigable, pilote casse-cou, Miguel a marqué de son talent le circuit élite de VTT cross-country, réalisant notamment le doublé Championnat du Monde – Jeux Olympiques en 2000. Encore proche de l’équipe continentale ukrainienne Amore & Vita-Prodir, le quadragénaire est au crépuscule d’une riche carrière. Tout l’inverse de Lenny, qui se satisfait déjà du plaisir de rouler à longueur d’année. Le gamin vient d’ailleurs de signer son premier contrat professionnel avec la Conti Groupama-FDJ, à seulement 18 ans.
Il faut dire qu’avec une telle génétique, il est pétri de qualités, notamment lorsque la route s’élève. Grimpeur d’exception, il a développé un style d’une splendide pureté dans l’exercice, tutoyant ainsi les sommets dans les épreuves accidentées. Demandez aux concurrents du Giro Della Lunigiana qu’il a écœuré au début du mois de septembre, ils ne vous diront pas le contraire. En remportant la course italienne, le nivernais s’est d’ailleurs inscrit dans les pas de Remco Evenepoel et Tadej Pogacar, eux-aussi lauréats en leurs temps. Surtout, il est le premier tricolore à accéder au palmarès de l’épreuve depuis sa création en 1975.
Pas même Cian Uijtdebroeks n’est parvenu à le devancer au terme de la troisième étape de l’Ain Bugey Valromey Tour, qui empruntait les sévères et âpres rampes du Grand Colombier, contrairement à la veille, où les deux hommes s’étaient déjà joué la gagne au sprint à Morestel. Leader du classement général au départ de l’ultime étape, le fils prodige avait finalement cédé face à la cavale de son compatriote Romain Grégoire. Troisième, c’est souvent sa place d’ailleurs, lorsqu’il concourt au plus haut niveau de la catégorie, à l’instar des championnats d’Europe, lors desquels il a accompagné Romain Grégoire dans son offensive avant de le lancer au sprint. Troisième, c’est aussi son résultat à la Classique des Alpes, justement réputée pour son dénivelé effrayant.
Dès lors, on peut clairement espérer que sa route reprendra celle de la réussite paternelle, et lui permettra de revêtir de nouveau le maillot de l’équipe de France, mais chez les élites. Son potentiel, associé à celui de Romain Grégoire, a en effet de quoi faire rêver pour des championnats tout en bleu-blanc-rouge. En tout cas, la Groupama-FDJ y croit, puisqu’elle lui a proposé un contrat pro à la Conti pour l’an prochain.
Eddy le Huitouze (18 ans, EC Pluvignoise)Eddy le Huitouze avec le maillot du club de l’EC Pluvignoise | © France TV
Il a fait du sacre une habitude. Avec 10 titres de champion national et 8 régionaux au compteur, Eddy le Huitouze a paré sa chambre de bleu-blanc-rouge, ses étagères croulant sous les médailles et trophées. Il faut dire que le garçon est un phénomène. Véritable cannibale sur le territoire français, il a préféré faire des records ses objectifs, tant il survole la concurrence. Et il fait ce qu’il dit. L’hiver dernier, il annonçait à nos confrères de France 3 Bretagne sa volonté de battre la marque nationale en poursuite individuelle. En août, il l’explosait de 3 secondes sur le vélodrome de Bourges, et ce malgré une fracture de la clavicule mi-juillet. Non content de son exploit, il a réitéré sa performance sur l’épreuve par équipes, histoire de garnir encore un peu plus son palmarès. Dès lors, il est difficile de ne pas faire le lien avec le grand Eddy Merckx, dont il porte le prénom, du fait de l’admiration que voue son père à la légende belge.
Puissant pistard, Eddy le Huitouze s’est ainsi construit un solide profil de rouleur sur route, faisant du contre-la-montre sa spécialité. Sa récente troisième place aux championnats d’Europe en atteste, seulement battu par les Belges Alec Segaert et Cian Uijtdebroeks. Son potentiel n’a d’ailleurs pas manqué d’attiser les convoitises de la Groupama-FDJ, qui lui a proposé dès l’an passé un contrat professionnel à la Conti pour la saison 2022, gage de sérénité dans un univers incertain. Cette future collaboration lui a même offert des livraisons matérielles et un suivi assidu par Benoît Vaugrenard, devenu son entraîneur. A peine le bac en poche, le Morbihannais est déjà en voiture pour l’élite.
Pierre Gautherat (18 ans, VC Dole)Pierre Gautherat avec le maillot d’AG2R Citroën U19 Team | © AG2R-Citroën U19 Team
A l’occasion de la nocturne d’Is-sur-Tille, le 4 septembre dernier, Pierre Gautherat a célébré sa 500e victoire, selon le registre que son père tient soigneusement. 500 victoires à 18 ans, en un peu plus de 10 années de vélo… Nul doute, le gamin a du talent ! Les seniors aux côtés de qui il concoure sur certaines courses amateures ne pourront pas vous dire le contraire, puisqu’ils doivent régulièrement s’incliner face à la fougue du jeune alsacien, comme ce fut le cas sur le Prix d’Onjon.
Touche à tout, le colmarien multiplie les décorations sur tous les terrains. Piste (2 fois vice-champion de France), route ou cyclo-cross (1 fois vice-champion de France), tout est bon pour développer son punch et sa pointe de vitesse, qui commencent à faire parler d’eux dans les pelotons internationaux. Deux fois troisième d’étape sur la mythique Course de la Paix Juniors, il s’est également permis de remporter le sprint du peloton sur la dernière édition de l’Ain Bugey Valromey Tour, échouant à 11 secondes du duo de tête.
Actuel pensionnaire de la formation U19 d’AG2R-la-Mondiale et futur licencié au SCO Dijon, Pierre Gautherat ne se presse pas, en grimpe les marches les unes après les autres, se préparant ainsi à découvrir les rangs espoirs l’an prochain, contrairement à ses partenaires en équipe de France Juniors. Il pourra ainsi poursuivre sa progression face à des coureurs de son âge, pour continuer de nourrir le compteur de bouquets.
Noa Isidore (17 ans, UV-Aube Club Champagne Charlott’)Noa Isidore avec le maillot d’AG2R Citroën U19 Team | © AG2R-Citroën U19 Team
Attention. Le gamin n’est que Junior 1 et il rivalise déjà avec ses aînés. A un âge où les différences de développement physique comptent énormément, Noa Isidore semble avoir les qualités pour sauter une classe. Vainqueur du Gran Premio Eccellenze Valli del Soligo, contre-la-montre par équipes couru à Soligo (Italie), avec l’AG2R Citroën U19 Team, devançant notamment le Team Auto-Eder de Cian Uijtdebroeks, il a ensuite multiplié les places d’honneur, là où on ne l’attendait pas encore. Second de la 4e étape de l’Ain Bugey Valromey Tour, troisième à Aubel sur l’Aubel-Thimister-Stavelot puis second au terme de la dernière journée du Giro Della Lunigiana, il parvient avec brio à se mêler à la lutte pour la victoire sur des épreuves d’une envergure internationale. Cela lui a d’ailleurs valu une sélection en équipe de France pour les championnats d’Europe à Trente, lors desquels il a participé à l’écrémage du peloton dans le Povo pour faciliter la victoire de Romain Grégoire.
Vainqueur du trophée Madiot l’an passé et actuellement 1er Junior 1 au Challenge DirectVélo, le Troyen s’affirme comme le meilleur coureur français de sa génération. D’ailleurs, le staff de Chambéry ne s’y est pas trompé, en le recrutant dès cette année au sein du collectif U19 d’AG2R-la-Mondiale, avec qui il s’apprête à parcourir un bon bout de chemin sur la route du professionnalisme. Excellent sprinteur avec des qualités non négligeables en montée, comme en témoigne sa 18e place sur la Classique des Alpes, Noa Isidore offre pour l’instant un intéressant profil de coureur polyvalent, capable de briller sur à peu près tous les terrains. Et il ne devrait pas manquer d’étinceler aux Championnats de France de l’Avenir, l’été prochain.
Par Jean-Guillaume Langrognet