Alexandre Léauté
Alexandre Léauté, champion paralympique de poursuite, catégorie C2 | © Délégation Paralympique Française
Beaucoup de pays envient le simple bilan du breton. Quadruple médaillé paralympique, auréolé des lauriers sur la poursuite individuelle, le jeune homme a logiquement été désigné porte-drapeau français de la cérémonie de clôture, tant il avait éclaboussé ces jeux de son talent. Victime d’un AVC à la naissance, le natif de Saint-Caradec y a perdu 95% de la puissance musculaire de sa jambe droite, ne pouvant donc compter que sur son membre gauche pour pédaler. Formé au cyclisme aux côtés de valides, c’est d’autant plus fort qu’il se jette dans le monde paralympique, y récoltant immédiatement le succès. Multiple champion du monde, sur la piste comme sur la route, la moisson de Tokyo consacre une progression époustouflante, notamment poussée par une année sabbatique au service de sa carrière sportive.
Profitant de la disqualification de l’épouvantail belge Ewoud Vromant, pour infraction au règlement concernant les réglages de son vélo, Alexandre Léauté a dominé l’australien Darren Hicks avec autorité en finale de la poursuite individuelle pour s’offrir ainsi la première médaille d’or de sa jeune carrière. Si la plus haute marche du podium l’a ensuite fuit, le français a tout de même profité de cette dynamique pour ravir l’argent sur le kilomètre contre-la-montre, puis décrocher deux breloques de bronze sur la route, en ligne et en chrono.
Dorian Foulon
Dorian Foulon, sacré en poursuite, catégorie C5 | © Délégation Paralympique Française
Héros d’Alexandre Léauté il y a encore quelques années, Dorian Foulon a imité son cadet dans l’excellence, pour glaner la seconde médaille d’or tricolore en piste. Une nouvelle fois, sa victoire ne doit rien au hasard. Sur la piste du vélodrome d’Izu, le crack, c’était lui. Dès les qualifications, le morbihannais affolait les compteurs en signant le record du monde de sa catégorie, se plaçant ainsi autoritairement dans le fauteuil du favori. Loin de céder à la pression de ce prestige, il s’est à l’inverse empressé de le légitimer, en écrasant la finale dès les premiers tours de piste. Avec deux secondes et demie d’avance à la mi-course sur son adversaire australien, Alistair Donohoe, il a remporté le premier match mental et ainsi posé les solides fondations de son sacre.
Né avec un pied bot, et souffrant toujours d’une atrophie de la jambe gauche, le privant de 50% de sa puissance musculaire, le natif de la Chapelle-Caro s’offre ainsi une belle revanche sur son handicap, dans un sport avant tout dessiné pour les valides. Après avoir inspiré Alexandre Léauté il y a quelques années, tout porte à croire que ce titre ne sera pas seulement sien, mais aussi la victoire d’une cohorte de jeunes connaissant la même situation. Dans ce sens, sa breloque est sûrement l’embryon d’une nouvelle génération de talents, prêts à éclore pour la grande échéance de Paris 2024.
Alexandre Lloveras
Alexandre Lloveras et Corentin Ermenault, duo en or en contre-la-montre, catégorie B | © Délégation Paralympique Française
De même, Alexandre Lloveras n’a jamais fait de sa déficience visuel un obstacle à l’effort. Passionné d’athlétisme, il s’est engagé dans le club handisport de Béziers dès l’adolescence, prêt à faire parler la poudre sur les pistes. Pourtant, c’est finalement en paracyclisme qu’il rayonnera de succès. Rapidement détecté comme une véritable force de la nature, explosant les records de puissance des valides, le natif de Lyon s’est ainsi construit une carrière dans la discipline, en parallèle de ses études de kiné. Dans son ascension vers le haut-niveau, sa rencontre en 2020 avec Corentin Ermenault a agi en catalyseur. Ancien professionnel chez Vital-Concept, ce dernier connaît alors une forme de « burn-out », et trouve dans cette association une nouvelle source de motivation. Le feeling est bon et une complicité naît rapidement entre les deux hommes, pour les propulser en moins d’un an aux avants postes des Jeux Paralympiques. Corentin le pilote et Alexandre le stroker y échouent d’abord au pied du podium en poursuite, avant de rebondir de la meilleure des manières autour du Mont Fuji, où ils sont couronnés d’or en contre-la-montre sur route en catégorie B, avec près de sept secondes d’avance sur leurs dauphins. Les deux compères connaissent ainsi un plaisir rare en cyclisme sur route, celui du partage, tous deux perchés sur la plus haute marche du podium. On espère revoir le prodigieux binôme à Paris 2024 !
Florian Jouanny
Florian Jouanny, médaillé d’or à la course en ligne de la catégorie H2 | © Délégation Paralympique Française
Pour qu’un accident ne brise pas ses rêves, pour qu’un handicap ne soit pas un obstacle, pour qu’une vie en fauteuil vaille la peine d’être vécue, Florian Jouanny a su se réinventer. Victime d’une chute à ski en 2011, touché aux cervicales, le verdict est formel pour l’isérois : il est tétraplégique. Privé du total usage de ses deux jambes et de la pleine amplitude de mouvement de ses bras et ses mains, il refuse d’abandonner toute idée de sport et en vient à se lancer le défi complètement fou de devenir le premier tétraplégique à terminer un ironman (triathlon longue-distance). Avec un matériel pourtant inadapté à son handicap, le natif d’Echirolles va au bout du projet et accomplit l’exploit.
Non rassasié d’adrénaline, il entame dès lors une carrière en handbike, vélo à pédalier manuel, grâce au concours d’une start-up, lui offrant des poignées sur-mesure, réglant ainsi le problème de préhension dont il souffre. Triple champion de France de la discipline entre 2018 et 2020, il ne cesse de viser plus haut, à commencer par son niveau personnel. Désireux de battre perpétuellement ses records et ses temps, il poursuit ainsi l’ascension vers les sommets de sa catégorie, lui, le féru de cols. La consécration suprême est ainsi intervenue à Tokyo sur l’épreuve en ligne, au terme d’un sensationnel raid solitaire de 50 kilomètres, mettant hors de portée de nuire l’Italien Luca Mazzone et l’Espagnol Sergio Garrote Muñoz, pourtant ultrafavoris de l’épreuve. Un bel uppercut au handicap, administré par un sacré combattant.
Kevin Le Cunff
Kevin Le Cunff, médaillé d’or sur l’épreuve de route de la catégorie C4-5 | © Délégation Paralympique Française
C’est avec surprise que certains ont retrouvé ce nom sur un podium des Jeux Paralympiques. Effectivement, Kevin Le Cunff a réussi la prouesse de faire oublier son handicap dans le monde du sport. Né avec deux pieds bots et encore gêné dans son geste de pédalage, peinant à livrer toute sa puissance, le parisien s’est pourtant imposé parmi l’élite des valides, si bien qu’il s’est hissé jusqu’aux rangs professionnels, au sein de la formation Saint-Michel Auber 93. En 2018, sur les Boucles de l’Aulne, il s’est même payé le luxe de battre le double champion de France, Arthur Vichot, et le grimpeur normand, Guillaume Martin.
Victime des soucis financiers de son équipe, il est retourné dans les rangs amateurs au crépuscule de la saison 2019, découvrant alors le paracyclisme. Forcément, il n’a pas tardé à s’y imposer. Médaillé de bronze aux derniers championnats du monde, il se présentait au pied du Mont Fuji avec une féroce envie de sacre. Malchanceux jusqu’alors (4e de la poursuite individuelle et 8e du kilomètre), le francilien s’est parfaitement rattrapé à l’occasion de l’épreuve sur route. Survivant du grand essorage des monts japonais, Kevin Le Cunff s’est retrouvé opposé à l’ukrainien Egor Dementyev en duel, pour le gain de la médaille d’or. Plus frais et plus costaud, il s’est logiquement détaché et envolé vers le Graal, remportant ainsi le cinquième et dernier titre du vélo bleu, cerise sur un gâteau déjà bien fourni.
Par Jean-Guillaume Langrognet