Le Tour d’Espagne a rendez-vous aujourd’hui avec un monument, un symbole de son histoire. A l’instar du Mont Ventoux sur le Tour de France ou du Monte Zoncolan sur le Tour d’Italie, la Sierra Nevada fait partie de ces ascensions qui, en quelques passages sur un Grand Tour, ont forgé la légende du sport cycliste. Si la Sierra Nevada n’a pas toujours sacré de grands noms du cyclisme mondial, son mythe vient davantage des caractéristiques de cette ascension, si peu communes sur les routes d’Espagne. La Vuelta est plus connue pour ses cols courts, qui dépassent rarement les 1500 mètres d’altitude, aux pourcentages à deux chiffres. Alors, avec ses 22 kilomètres d’ascension, ses 2500 mètres d’altitude –même si aujourd’hui les coureurs s’arrêteront à 2112 mètres– et sa pente irrégulière, la Sierra Nevada détonne. De même que l’envergure imposante de ce massif montagneux, dont le point culminant trône à 3478 mètres, au milieu de l’aride région andalouse nous rappelle les incohérences de sa majesté la nature.
En plaçant la Sierra Nevada comme l’arrivée de la quatrième étape de cette Vuelta 2011, les organisateurs du Tour d’Espagne ont justement misé sur l’incohérence et l’insensé. Proposer deux ascensions à plus de 2000 mètres d’altitude dès le quatrième jour de course d’un Grand Tour, la chose est originale. Surtout, elle peut être fatale aux coureurs qui attendent la troisième semaine de course pour atteindre leur pic de forme, ou encore aux coureurs vivant mal la brutale transition entre trois jours de gros braquets et le passage sur le petit plateau. D’autant plus que le premier col de la journée, l’Alto de Filabres, intervient dès les premiers kilomètres ! On s’en doutait, les 170,2 kilomètres entre Baza et la Sierra Nevada allaient faire des dégâts. C’était inévitable. Peut-être même que des favoris perdraient tout espoir de victoire finale sur la Vuelta dès ce soir.
La première victime de la journée est une demi-surprise. Elle se nomme Mark Cavendish (HTC-Highroad). Au pied de l’ascension finale, le Britannique s’arrête et rend son dossard. Il quitte les routes de la Vuelta sans la moindre victoire d’étape, chose assez peu courante pour être soulignée. Les raisons de son abandon sont pour le moment encore inconnues. Si ça bouge du côté de la voiture-balai, l’avant de la course est aussi mouvementé. Sept coureurs sont en tête depuis le kilomètre dix : Yohan Bagot (Cofidis), Koen De Koert (Skil-Shimano), Matthew Busche (RadioShack), Eduard Vorganov (Team Katusha), José Vicente Toribio (Andalucia-Caja Granada), Guillaume Bonnafond (Ag2r La Mondiale) et Thomas Rohregger (Team Leopard-Trek). Mais contrairement à hier, l’échappée ne bénéficie pas de la faveur du peloton. L’écart baisse considérablement passant de7’20 » à 55 kilomètres de l’arrivée, à moins de quatre minutes à 25 kilomètres de l’arrivée. Autant dire une broutille en vue de l’ascension finale : 22 kilomètres à 5,6% de moyenne pour arriver à la Sierre Nevada.
A huit kilomètres de l’arrivée, un maillot orange lâche prise : Igor Anton ne peut plus suivre les meilleurs.
C’est l’équipe Rabobank de Steven Kruijswijk et Bauke Mollema qui mène le peloton dans les premières rampes de l’ascension. Les pourcentages sont doux, réguliers, le tout sur un goudron de qualité et une route large. Autant dire que la sélection dans le peloton est loin d’être fracassante. En revanche, dans le groupe de tête, Yohan Bagot, Koen De Koert sont lâchés suite à l’accélération de Rohregger. Puis c’est au tour de José Vicente Toribio de craquer, complètement à la dérive. A 15 bornes de l’arrivée, ils ne sont donc plus que quatre en tête, Rohregger, Bonnafond, Busche et Vorganov. Mais sous l’impulsion de l’équipe Vacansoleil-DCM, leur avance fond comme la neige de la Sierra Nevada sous le soleil andalous. Et surtout, le travail de sape commence à porter ses fruits.
Le peloton n’est plus constitué que d’une quarantaine de coureurs. Le Maillot Rouge Pablo Lastras (Movistar Team) est déjà lâché depuis plusieurs kilomètres que c’est un maillot orange qui retient notre attention. Igor Anton (Euskaltel-Euskadi) traîne en queue de peloton. Son coup de pédale est haché, on le sent proche de la rupture. Mais il ne cède pas et s’accroche dans son style caractéristique peu esthétique, il faut bien l’avouer. Le Basque serait-il en train de bluffer ? Une attaque de Vicenzo Nibali (Liquigas-Cannondale) à huit kilomètres du sommet nous apporte la preuve qu’Igor Anton est loin de son meilleur niveau. Il lâche, irrémédiablement. Nibali repris, c’est Chris-Anker Sörensen (Saxo Bank-SunGard) qui place une banderille, sèche, efficace. Daniel Moreno (Team Katusha) fait l’effort pour prendre sa roue et les deux rattrapent les échappés matinaux.
A deux kilomètres de l’arrivée, le duo compte une petite quinzaine de secondes d’avance. Et ce n’est pas le tempo donné par Chris Froome (Team Sky) qui va ramener la vingtaine de coureurs encore présente dans le peloton. Ainsi, le Danois et l’Espagnol se disputent la victoire au sprint. Un sprint qui n’a pas vraiment eu lieu puisque Moreno, longtemps resté dans le sillage de Sorensen, n’a eu besoin que de trois coups de pédales pour aller chercher la victoire. Sa première sur la Vuelta. Le peloton des favoris arrive onze secondes après, mené par Daniel Martin (Garmin-Cervélo). Igor Anton, termine avec 1’38 » de retard. Un retard conséquent mais loin d’être irréversible. Pablo Lastras lâché, c’est Sylvain Chavanel (Quick Step) qui récupère le maillot Rouge de leader ! Le Français n’a lâché le groupe des favoris qu’à deux kilomètres du sommet ce qui lui permet d’endosser pour la deuxième fois de sa carrière le maillot de leader de la Vuelta.
Demain mercredi, la cinquième étape mène les coureurs de la Sierra Nevada à Valdepenas de Jaen pour un final spectaculaire.
Classement 4ème étape :
1. Daniel Moreno (ESP, Katusha Team) les 170,2 km en 4h51’53 »
2. Chris Anker Sørensen (DAN, Saxo Bank-SunGard) à 3 sec.
3. Daniel Martin (IRL, Garmin-Cervélo) à 11 sec.
4. Joaquím Rodríguez (ESP, Katusha Team) m.t.
5. Przemyslaw Niemiec (POL, Lampre-ISD) m.t.
6. Sergey Lagutin (OUZ, Vacansoleil-DCM) m.t.
7. Jurgen Van Den Broeck (BEL, Omega Pharma-Lotto) m.t.
8. Wout Poels (PBS, Vacansoleil-DCM) m.t.
9. Michele Scarponi (ITA, Lampre-ISD) m.t.
10. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) m.t.
Classement général :
1. Sylvain Chavanel (FRA, Quick Step) en 13h19’09 »
2. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) à 43 sec.
3. Jakob Fuglsang (DAN, Team Leopard-Trek) à 49 sec.
4. Maxime Monfort (BEL, Team Leopard-Trek) m.t.
5. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 53 sec.
6. Kanstantsin Siutsou (BLR, HTC-Highroad) à 58 sec.
7. Fredrik Kessiakoff (SUE, Astana) à 59 sec.
8. Sergio Pardilla (ESP, Movistar Team) à 1’03 »
9. Marzio Bruseghin (ITA, Movistar Team) m.t.
10. Kevin Seeldrayers (BEL, Quick Step) à 1’04 »