« J’avoue qu’un canton de moi-même s’insurge quand le champion n’est pas le premier. Le champion, par essence, doit être incontestable, même si par ailleurs cette essence veut que sa suprématie soit sans cesse contestée par les autres », écrivait il y quarante-cinq ans Antoine Blondin, l’écrivain passager de la voiture 101 du Tour de France, dont on se réjouit de citer ici quelques lignes à une semaine pile de la 101ème édition du Tour (on vous dira tout lundi sur notre dispositif spécial). Des pensées qui traversent le temps et les générations sans s’altérer car il est en effet toujours un peu malheureux de ne pas voir le champion d’un pays ne pas être celui qui revêt le maillot-étendard. A une semaine du Grand Départ d’un Tour qu’il veut conquérir, Vincenzo Nibali (Astana) voulait prouver sur ses terres qu’il est bel et bien sur orbite.
C’est la deuxième fois que le Championnat d’Italie se dispute entre Malè et Fondo, dans le Trentin-Haut-Adige, en fait sur les routes du Trophée Melinda avec lequel il ne fait désormais plus qu’un. Le parcours est ardu, comme en avait attesté la victoire d’Ivan Santaromita l’an dernier, dans une édition que Vincenzo Nibali n’avait pas pris soin de disputer un mois après son triomphe dans le Tour d’Italie. Cette fois le Sicilien est au départ. Et il a la ferme intention de conquérir le maillot tricolore, lui qui a absolument misé toute sa saison sur le Tour de France, et dont les performances cette saison (5ème du Tour de Romandie, 7ème du Critérium du Dauphiné), pour nombre d’observateurs, restent insuffisantes pour donner tout le crédit nécessaire à son ambition. Dans ses propos, Vincenzo Nibali a toujours assuré qu’il était sur la bonne voie. Il doit le valider sur le circuit de Fondo alors qu’il n’a plus gagné depuis le Giro il y a un an…
Pour ce faire, le Sicilien va pouvoir compter sur un fabuleux gregario : Michele Scarponi. Avec l’aide du grimpeur des Marches, Nibali rentre avant la dernière boucle sur une échappée formée sur le circuit d’arrivée, trois tours de 28,7 kilomètres incluant une belle descente technique et une longue et rude ascension finale. De là, il réalise une descente acrobatique dont lui seul a le secret et à laquelle osent seulement subsiter dans sa roue Davide Formolo (Cannondale) et le tenant du titre Ivan Santaromita (Orica-GreenEdge). Mais les trois hommes ne font pas suffisamment l’écart dans la descente et, lorsque la route remonte à 14 kilomètres de l’arrivée, la douzaine de poursuivants qu’ils ont aux trousses revient. Michele Scarponi reprend alors sa position de lieutenant pour imprimer le tempo devant un Vincenzo Nibali attentif.
Quand Scarponi s’écarte enfin à 2 kilomètres du but, il laisse son leader aux prises avec Matteo Rabottini (Neri Sottoli-Yellow Fluo) et Ivan Santaromita, qui l’attaquent coup sur coup. Mais Nibali veille et renchérit. Cette fois les dents du Requin de Messine sont sorties… ce qui n’empêche pas l’épatant Davide Formolo de rentrer sur lui ! Et de répondre à une nouvelle accélération de son illustre adversaire sous la flamme rouge. L’ancien vainqueur du Giro pourra-t-il encore griller une cartouche ? La réponse est oui. Au sprint, Vincenzo Nibali lâche ses dernières forces dans la bataille pour le maillot vert-blanc-rouge, qu’il conquiert devant le prometteur Davide Formolo, le néo-pro de 21 ans qui vient de finir 7ème du Tour de Suisse, et Matteo Rabottini. A Fondo, le champion est bien le premier. C’est dans le maillot tricolore de champion d’Italie que Vincenzo Nibali rejoindra dans une semaine les routes du Tour.
Classement :
1. Vincenzo Nibali (Astana) les 220,5 km en 5h40’54 » (38,8 km/h)
2. Davide Formolo (Cannondale) m.t.
3. Matteo Rabottini (Neri Sottoli-Yellow Fluo) à 6 sec.
4. Giovanni Visconti (Movistar Team) à 7 sec.
5. Damiano Caruso (Cannondale) à 12 sec.
6. Daniel Oss (BMC Racing Team) m.t.
7. Domenico Pozzovivo (Ag2r La Mondiale) à 23 sec.
8. Salvatore Puccio (Team Sky) à 25 sec.
9. Mauro Finetto (Neri Sottoli-Yellow Fluo) à 29 sec.
10. Ivan Santaromita (Orica-GreenEdge) à 41 sec.