Le Valaisan Steve Morabito (FDJ) nous ouvre son journal de bord à l’occasion de sa cinquième participation au Tour de France. Le lieutenant de Thibaut Pinot nous fait découvrir son univers.
Steve, nous voilà à l’aube de la trilogie pyrénéenne. Comment s’est déroulée la semaine jusqu’alors pour Thibaut Pinot et l’équipe FDJ ?
Les six premières étapes se sont passées aussi bien que nous l’espérions. Nous avons pris le risque de courir derrière dans le final des premières étapes, qui étaient très nerveuses. Beaucoup d’équipes débordaient d’énergie pour rester devant, nous avons choisi de notre côté de rester derrière, groupés, pour essayer de nous économiser tout en restant attentifs. Ça a bien payé.
On sait Thibaut Pinot peu enclin à aller frotter sur ce type d’étape, comment parvenez-vous à le tenir à l’abri des dangers ?
D’abord, il faut préciser que rouler derrière, sur le Tour de France, coûte autant d’énergie. Les routes sont d’une largeur limitée, le peloton comprend toujours 198 coureurs, et si tu veux être devant il faut être prêt à tuer père et mère. Thibaut, ce n’est pas son truc de frotter comme un animal pour garder une place devant, d’où notre tactique de rester groupés à l’arrière, sur un côté de la route. Et de remonter avant une montée, avant une descente, ou dans les derniers kilomètres quand les gars de devant, fatigués, commencent à s’écarter. Nous avons adopté une tactique différente des autres formations mais nous espérons qu’elle nous aura permis d’éviter du stress et d’économiser de l’énergie en vue des prochaines étapes.
On a vu moins de chutes massives qu’à l’accoutumée, comment avez-vous jugé la nervosité du peloton sur ces premières étapes ?
Je pense que le Tour est toujours aussi nerveux que d’habitude. Cette saison, nous avons été très marqués par de nombreuses chutes. Les coureurs sont de plus en plus attentifs. Et si on regarde les noms du peloton, on constate qu’il n’y a pas trop de néo-pros ou de néophytes du Tour. Ce sont surtout des coureurs expérimentés. La différence tient aussi peut-être du site du Grand Départ. En Normandie, sur des routes larges, il y avait sans doute un peu moins de spectateurs que lorsque nous partions de Rotterdam, d’Angleterre ou d’Utrecht. Ça a également favorisé des courses plus sécuritaires.
Dans cette longue descente sur les Pyrénées, les monts du Cantal mercredi vous ont permis de tester les jambes sur un profil plus accidenté. Qu’en est-il ressorti ?
Ça a été une étape compliquée, et pour beaucoup de coureurs plus dure qu’ils ne le pensaient. Nous savions pour l’avoir préparée que nous aurions affaire à une étape vraiment usante, avec une sélection par l’arrière en première partie. Sur la fin, les vingt-cinq meilleurs se sont détachés et Thibaut Pinot pouvait encore compter sur Sébastien Reichenbach. De mon côté je me situais juste derrière, dans un petit groupe, et Jérémy Roy n’était pas trop loin non plus. Ça a été une bonne entrée en matière avant les Pyrénées.
A ce changement de rythme a répondu un brusque changement climatique. Comment parvenez-vous à l’encaisser ?
Au contraire de Thibaut qui souffre toujours un peu quand il fait chaud, pour ma part j’adore ça. Plus il faut chaud, mieux je me sens. En Normandie, j’avais presque froid, ce n’était pas une météo que j’affectionne. Ces deux derniers jours j’ai vu beaucoup de coureurs s’arroser et souffrir de la chaleur. Moi ça me convient bien. J’espère qu’on va profiter de l’anticyclone pour un moment. Sur des étapes comme ça, on boit entre huit et douze bidons, tout dépend de la quantité de l’effort et du moment de la journée.
Quel est précisément le rôle qui vous a été confié auprès de Thibaut Pinot ?
J’essaie d’être un bon capitaine d’équipe, un rôle que joue aussi très bien William Bonnet en plaine. Nous essayons d’être un groupe très uni autour de Thibaut. Dans le Massif central, la route ne rendait pas très bien, le vent soufflait de côté, c’était long et Thibaut en avait un peu marre. C’est dans ce genre de moment qu’il faut se serrer les coudes. On voyait des coureurs en difficulté et j’ai essayé de toujours garder le cap et d’être toujours aux aguets pour Thibaut.
Place à présent aux Pyrénées, que l’on attaquera par le col d’Aspin ce vendredi après une longue mise en route en plaine. Comment appréhendez-vous ce brusque changement de coup de pédale ?
Nous avons tout de même eu mercredi 4000 mètres de dénivellation, ce qui n’est pas courant sur le Tour. C’était déjà une vraie petite étape de montagne. Certes, l’étape du Lac de Payolle est assimilée à la première arrivée en altitude puisque la descente est très courte. C’est pourquoi ça va être dur. On va être toute la journée sur de grandes routes, puis on va bifurquer à droite à moins de 20 kilomètres de l’arrivée pour aller chercher le col d’Aspin et ses 12 kilomètres d’ascension. C’est surtout ça qui va être dur à gérer, d’être à bonne vitesse sur une grande route puis de soudain tourner à droite, et en avant la musique !
Propos recueillis le 7 juillet 2016.