Loin des excentricités qui ont modifié le visage de la classique à la fin des années 2000 et au début des années 2010, Milan-San Remo semble s’être résolue à s’inscrire dans la tradition. Plus rien ne semble maintenant distinguer la classique telle qu’elle sera proposée ce samedi de ce qu’elle était avant 2008. De retour sur la Via Roma depuis l’an dernier, la Primavera retrouve également cette année sa place au calendrier, elle qui sera courue le samedi et non le dimanche comme c’était le cas depuis 2013. Le courroux des commerçants de San Remo, responsables du changement de date, s’est dissipé pour que la classique la plus longue de l’année retrouve définitivement ce visage qui nous était familier. Coïncidence du calendrier, elle se déroulera le 19 mars, soit le jour de la Saint-Joseph, et renouera ainsi avec une coutume centenaire.
Pour le reste, aucun changement ne sera à signaler en comparaison de la précédente édition. Les coureurs se rendront en terrain connu, même s’il est bien difficile de mémoriser chaque recoin des 291 bornes du premier monument de l’année. Une longue procession de près de 130 kilomètres depuis Milan permettra de rejoindre la première vraie difficulté de la journée, le Passo del Turchino. Un exploit à la Fausto Coppi qui y avait posé les bases de son premier succès sur la Classicissima il y a soixante-dix ans au sortir de la guerre semble aujourd’hui inimaginable. Plus raisonnablement, la course commencera vraiment au moment de se présenter sur la côte ligure en bas de la descente du Turchino.
Dès lors, plus aucun moment de répit ne sera accordé. Au contraire, l’allure ira crescendo avec d’abord la zone des capi. Les difficultés relatives que représentent les Capo Mele, Capo Cervo et Capo Berta serviront avant tout à faire le tri par l’arrière avant que le rythme ne s’emballe pour de bon à San Lorenzo Al Mare où avait débuté la dernière édition du Tour d’Italie. En soi, la Cipressa, introduite sur le parcours en 1982, et le Poggio, grimpé pour la première fois en 1961, n’ont rien d’insurmontable avec leur 5,6 km à 4,1% et 3,7 km à 3,7 %. Mais placées après plus de 260 kilomètres, les deux difficultés peuvent faire leur effet. A la bascule à la fameuse cabine téléphonique, à 5500 mètres de la Via Roma, le bras de fer entre les sprinteurs et les puncheurs dans la plongée rapide et technique vers San Remo donne souvent lieu à un final haletant.
Ces deux dernières années, celui-ci a tourné à l’avantage des finisseurs, souvent couronnés sur la Via Roma. En l’absence du vainqueur sortant John Degenkolb, les regards seront tournés vers Alexander Kristoff (Team Katusha), discret sur Paris-Nice, ou Michael Matthews (Orica-GreenEdge), Nacer Bouhanni (Cofidis) et Arnaud Démare (FDJ), vus à leur avantage sur la course au soleil. À moins que Fernando Gaviria (Etixx-Quick Step), très à son aise sur Tirreno-Adriatico où il a remporté une étape, ne vienne jouer les troubles-fête. Du côté des Italiens, les espoirs reposeront au sprint sur Sacha Modolo (Lampre-Merida), Elia Viviani (Team Sky) ou Niccolo Bonnifazio et Giacomo Nizzolo (Trek-Segafredo) pour succéder à Filippo Pozzato, dernier Italien sacré il y a dix ans.
Pour mettre fin à ce qui constitue leur deuxième plus longue période de disette (les Italiens étaient restés sans victoire entre 1954 et 1970), nos voisins compteront plus sûrement sur Vincenzo Nibali (Astana) qui s’est décidé à poursuivre l’histoire tourmentée qu’il mène avec la Primavera. Le Sicilien a confié avoir un plan. Mais il sera sans doute surveillé dans la Cipressa et le Poggio par d’autres hommes en forme comme Fabian Cancellara (Trek-Segafredo), Greg Van Avermaet (BMC Racing Team), Peter Sagan (Tinkoff), Zdenek Stybar (Etixx-Quick Step), Michal Kwiatkowski et Geraint Thomas (Team Sky), Edvald Boasson-Hagen (Dimension Data), Sep Vanmarcke (Team LottoNL-Jumbo), Tony Gallopin et Tim Wellens (Lotto-Soudal).
Les 10 derniers vainqueurs :
2015 : John Degenkolb (ALL, Giant-Alpecin)
2014 : Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha)
2013 : Gerald Ciolek (ALL, MTN-Qhubeka)
2012 : Simon Gerrans (AUS, Orica-GrennEdge)
2011 : Matthew Goss (AUS, HTC-Highroad)
2010 : Oscar Freire (ESP, Rabobank)
2009 : Mark Cavendish (GBR, Team Columbia-HTC)
2008 : Fabian Cancellara (SUI, Team CSC)
2007 : Oscar Freire (ESP, Rabobank)
2006 : Filippo Pozzato (ITA, Quick Step-Innergetic)