Il y a des images qui donnent des frissons. Celle d’un Igor Anton (Euskaltel-Euskadi) écorché, sonné, désillusionné, assis là sur le siège passager du véhicule de son directeur sportif, suffit à donner la chair de poule. Le Basque avait laissé une superbe impression en s’imposant mercredi à Andorre, reprenant ainsi possession du Maillot Rouge de leader et s’apprêtant à combattre ses adversaires ce week-end dans l’optique de remporter le Tour d’Espagne. C’eut été presque insensé, lui qui n’avait jamais eu le loisir de mener à bon port un maillot de leader dans une course par étapes. Ca semblait pourtant tellement à portée de sa main cette fois-ci que l’Espagne entière commençait à croire en son nouveau petit champion, un coureur simple, discret, mais à la joie de vivre communicative. Son rêve s’est brisé net au pied d’un col.
La Vuelta entame son troisième week-end de compétition et cela coïncide avec le retour des étapes susceptibles de faire la différence entre les favoris. La pression va monter crescendo : ce sera dur aujourd’hui, difficile demain, redoutable après-demain. 178 kilomètres sont à parcourir entre Burgos et Peña Cabarga ce samedi. La route qui mène vers la côte cantabrique est truffée d’obstacles mais c’est surtout la dernière difficulté qui permettra vraiment aux favoris d’entrer en action. Il s’agit d’un bref col de 5,9 kilomètres aux pourcentages élevés (9,2 % avec des rampes à 18 %). Tout ce qui se passera avant n’aura d’intérêt que pour ceux qui viseront éventuellement la victoire d’étape, à l’image du champion des Pays-Bas Niki Terpstra (Team Milram), qui s’isole au 36ème kilomètre après plusieurs tentatives.
Le coureur néerlandais, déjà passé à l’attaque plusieurs fois depuis le début de cette Vuelta, ne serait-ce qu’hier encore vers Burgos, s’évade après un départ rythmé par les attaques des uns et des autres. Il creuse aussitôt une belle différence qui encourage deux autres coureurs à se lancer à sa poursuite. Les Garmin-Transitions David Millar et David Zabriskie sortent du peloton pour rejoindre l’homme de tête au 64ème kilomètre. A trois bons rouleurs qu’ils sont, les échappés peuvent aller loin dans cette étape escarpée qui ne les désavantage pas tant que cela. D’autant qu’avec treize minutes d’avance au mieux, le trio a de quoi voir venir. Mais une réaction du peloton se fait sentir et l’avance des hommes de tête se réduit soudain. Zabriskie est distancé à 20 km de l’arrivée, Millar et Terpstra vont insister jusque dans la dernière bosse.
Blessé et résigné, Igor Anton abandonne la Vuelta au pied du col final.
Le peloton s’avance donc en masse vers la montée finale vers Peña Cabarga. Déjà, les favoris ont pris leurs positions à l’avant du groupe, prêts à en découdre sur les 6 derniers kilomètres en pente. Quand soudain, un accrochage à l’avant du paquet envoie au tapis plusieurs concurrents. Egoi Martinez (Euskaltel-Euskadi) est touché assez lourdement. Et dans sa chute il a entraîné avec lui son leader Igor Anton mais aussi l’Italien Marzio Bruseghin (Caisse d’Epargne), 6ème du classement général et candidat au podium ! Aussitôt, on s’empresse de connaître la gravité des blessures de chacun. Igor Anton ne tarde pas à se relever, laissant apparaître un Maillot Rouge lacéré et un cuissard en lambeaux, déchiqueté par la violence de l’impact, qui dévoile une fesse ensanglantée. Le Basque est lourdement amoché.
Pourtant, mécaniquement, presque serein, il se dirige vers son véhicule. Le sang coulant le long de son coude, il prend le temps de concerter son entourage, d’évaluer les dommages. Les secondes, les minutes même, se sont déjà grandement écoulées. Le peloton est loin, le Tour d’Espagne d’Igor Anton est en train de s’achever ainsi, au pied d’un col. Blessé et résigné, le Basque monte en voiture, c’en est fini pour lui. Le drame qui se joue à l’arrière de la course n’émeut pas les coureurs entrés dans le vif du sujet. Privée de son leader au classement général, la course est chamboulée. Roman Kreuziger (Liqiuigas-Doimo) imprime le train devant Vincenzo Nibali (Liqiuigas-Doimo), Maillot Rouge par intérim, mais c’est encore Ezequiel Mosquera (Xacobeo-Galicia) qui va déclencher la grande offensive en attaquant à 1,7 km du but.
Le grimpeur galicien démarre en trombe, comme à Andorre, mais cette fois personne ne prend le risque de le suivre. Bien leur en prend car Mosquera plafonne vite et c’est Vincenzo Nibali qui passe à l’attaque à 1400 mètres du sommet, très vite imité par Joaquin Rodriguez (Team Katusha), qui le rejoint tandis qu’ils fendent une foule des très grands jours. Les deux hommes se maintiennent roue dans roue jusqu’à 800 mètres de l’arrivée, le moment choisi par le Catalan pour repartir de plus belle. Vincenzo Nibali est au maximum de ses possibilités et reste scotché. En excellent puncheur qu’il est, Joaquin Rodriguez s’en va conclure victorieusement une étape à sa convenance. Au sommet, il précède Nibali de 20 secondes et Mosquera de 22 secondes. Vincenzo Nibali s’empare du Maillot Rouge pour 4 petites secondes mais, avec quatre coureurs en 50 secondes, la course est plus que jamais relancée à huit jours de l’arrivée à Madrid !
Demain dimanche, la quinzième étape se disputera entre Solares et les Lacs de Covadonga (187,3 km).
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Classement 14ème étape :
1. Joaquin Rodriguez (ESP, Team Katusha) les 178 km en 4h26’43 »
2. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Doimo) à 20 sec.
3. Ezequiel Mosquera (ESP, Xacobeo-Galicia) à 22 sec.
4. David Moncoutié (FRA, Cofidis) à 33 sec.
5. Nicolas Roche (IRL, Ag2r La Mondiale) à 34 sec.
6. Frank Schleck (LUX, Team Saxo Bank) à 35 sec.
7. Xavier Tondo (ESP, Cervélo TestTeam) à 39 sec.
8. David Garcia-Dapena (ESP, Xacobeo-Galicia) à 43 sec.
9. Peter Velits (SVQ, Team HTC-Columbia) à 45 sec.
10. Tom Danielson (USA, Garmin-Transitions) à 1’29 »
Classement complet
Classement général :
1. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Doimo) en 65h05’39 »
2. Joaquin Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 4 sec.
3. Ezequiel Mosquera (ESP, Xacobeo-Galicia) à 50 sec.
4. Xavier Tondo (ESP, Cervélo TestTeam) m.t.
5. Nicolas Roche (IRL, Ag2r La Mondiale) à 2’11 »
6. Frank Schleck (LUX, Team Saxo Bank) à 2’12 »
7. Peter Velits (SVQ, Team HTC-Columbia) à 2’29 »
8. Tom Danielson (USA, Garmin-Transitions) à 3’29 »
9. Ruben Plaza (ESP, Caisse d’Epargne) à 3’41 »
10. Carlos Sastre (ESP, Cervélo TestTeam) à 3’52 »
Classement complet
Classement par points :
1. Mark Cavendish (GBR, Team HTC-Columbia) 111 pt
2. Tyler Farrar (USA, Garmin-Transitions) 90 pt
3. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Doimo) 74 pt
4. Joaquin Rodriguez (ESP, Team Katusha) 73 pt
5. Philippe Gilbert (BEL, Omega Pharma-Lotto) 67 pt
6. David Moncoutié (FRA, Cofidis) 67 pt
7. Thor Hushovd (NOR, Cervélo TestTeam) 57 pt
8. Ezequiel Mosquera (ESP, Xacobeo-Galicia) 53 pt
9. Daniele Bennati (ITA, Liquigas-Doimo) 53 pt
10. Yauheni Hutarovich (BLR, FDJ) 47 pt
Classement de la montagne :
1. David Moncoutié (FRA, Cofidis) 45 pt
2. Serafin Martinez (ESP, Xacobeo-Galicia) 36 pt
3. Gonzalo Rabuñal (ESP, Xacobeo-Galicia) 25 pt
4. Ezequiel Mosquera (ESP, Xacobeo-Galicia) 16 pt
5. Joaquin Rodriguez (ESP, Team Katusha) 15 pt
6. Niki Terpstra (PBS, Team Milram) 14 pt
7. Xavier Tondo (ESP, Cervélo TestTeam) 11 pt
8. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Doimo) 11 pt
9. Christophe Le Mével (FRA, FDJ) 10 pt
10. Oscar Pujol (ESP, Cervélo TestTeam) 10 pt
Classement par équipes :
1. Caisse d’Epargne (ESP) en 182h19’55 »
2. Team Katusha (RUS) à 2’28 »
3. Cervélo TestTeam (SUI) à 7’50 »
4. Xacobeo-Galicia (ESP) à 11’05 »
5. Omega Pharma-Lotto (BEL) à 12’34 »
6. Ag2r La Mondiale (FRA) à 12’41 »
7. Euskaltel-Euskadi (ESP) à 28’22 »
8. Liquigas-Doimo (ITA) à 28’43 »
9. Astana (KAZ) à 40’26 »
10. Team HTC-Columbia (USA) à 41’35 »