Tic, tac, tic, tac. Le chronomètre géant pendu au portique d’arrivée de la treizième étape du Giro vient de se déclencher avec le franchissement d’un premier groupe de coureurs, détournant quasi instantanément l’attention des observateurs de la joie du vainqueur de l’étape pour se porter sur les chiffres jaunes qui défilent. 3 kilomètres plus tôt, c’est un peloton massif qui frottait encore sur les artères de Jesolo, progressant nerveusement vers un troisième rush digne de ce nom après ceux réglés en première semaine par Elia Viviani (Team Sky) à Gênes puis André Greipel (Lotto-Soudal) à Castiglione della Pescaia. Deux premiers sprints massifs qui avaient été marqués, déjà, par des accrochages ayant suscité la polémique. L’étape Montecchio Maggiore-Jesolo (147 km) promise aux purs sprinteurs n’aura pas échappé à son carnage.
Deux boyaux qui frottent, un coureur qui s’écarte, en accroche un autre, et c’est le strike sur cette chaussée ruisselante entretenue par le sale temps qui n’a plus lâché la course rose depuis mercredi. Une quinzaine de coureurs rejoint l’asphalte humide, bouchonnant la queue du peloton. Et de ceux qui se relèvent étourdis de ce nouveau champ de bataille figurent Alberto Contador, maillot rose enfoui sous une veste thermique de l’équipe Tinkoff-Saxo, comme un présage de son abandon prochain à son dauphin, et Richie Porte (Team Sky), plus affecté par la gamelle, certainement davantage moralement que physiquement, trois jours après la double pénalité – 47 secondes sur le terrain, deux minutes pour utilisation du matériel d’autrui – que lui a valu sa crevaison de Forli. On est à 3 kilomètres de l’arrivée, 3,4 kilomètres exactement car en la matière il convient d’être extrêmement précis au regard de l’article 2.6.027 du règlement.
Cet article, c’est celui qui permet de faire bénéficier les coureurs victimes de chute (ou d’incident mécanique) dans les 3 derniers kilomètres d’une étape du temps de ceux en compagnie desquels ils se trouvaient au moment de l’accident. A Jesolo, il manque quelques 400 mètres pour déclencher la neutralisation des temps. Tous les coureurs impliqués directement ou non dans la chute survenue sur cette longue artère entrecoupée de larges ronds-points seront crédités de leur temps réel. Si c’est bien un sprint qu’on attendait dans les rues de Jesolo, le long de la lagune vénitienne arrosée par le ciel toute la journée, il faudra pluraliser cette attente car ce sont des coureurs en rangs épars qui se pressent d’en finir avec cette étape toute plate qui aura fait à elle seule plus d’écarts entre les favoris que les deux premières semaines !
36 secondes perdues pour Contador, un retard irréparable pour Porte.
Au moment où défilent les malheureux battus du jour sur la ligne d’arrivée, le chronomètre rend sa sentence. Sadique. Cruel. Tellement plus pervers que celui vers lequel chacun avait déjà l’esprit orienté, demain, sur les 59 bornes chronométrées séparant Trévise de Valdobbiadene. 59,4 précisément, on sait aujourd’hui à quoi tiennent 400 mètres ! Ce contre-la-montre marathon qui marque l’entame d’une troisième semaine de course décisive, Richie Porte en avait fait son entrée en matière dans la conquête du Giro. Mais ce soir l’Australien est dépité. Après avoir rebondi au sol, emporté par la vague, il rejoint Jesolo abasourdi, avec 2’08 » de retard… et désormais 5’05 » de débours au classement général (17ème). Impensable quand avait repris le Tour d’Italie mardi matin. Irréparable plus que tout.
Alberto Contador s’en sort mieux. S’il est allé au sol une nouvelle fois sur ce Giro, y laissant son vélo, le Maillot Rose repart vite à la lutte. Dents serrées, il conclut la course au sprint, 40 secondes après le vainqueur de l’étape, 36 secondes après le peloton réduit à une trentaine d’unités et au sein duquel se sont maintenus les seuls Fabio Aru (Astana) et Rigoberto Uran (Etixx-Quick Step) pour le compte des favoris. Et voilà comment Fabio Aru, à 24 ans, s’empare pour la toute première fois du maillot rose, devenant le tout premier coureur en huit Grands Tours à confisquer un maillot de leader à Alberto Contador. Oublié le léger coup de fringale dont il a été victime hier sur les rampes du Monte Berico, le grimpeur sarde prend pour la première fois l’avantage. Il sera demain le dernier à s’arracher de la rampe de lancement du chrono, avec pour mission de préserver les 19 secondes d’avance qu’il possède dorénavant sur Alberto Contador.
Toutes ces considérations encore insoupçonnables alors que le peloton se ruait sur Jesolo au terme d’une brève étape pluvieuse marquée par l’échappée de Marco Frapporti (Androni-Sidermec), Jérôme Pineau (IAM Cycling) et Rick Zabel (BMC Racing Team), annihilée à 17 kilomètres du but, éclipseraient presque le premier succès sur un Grand Tour du sprinteur local Sacha Modolo (Lampre-Merida). Lancé à la perfection par Roberto Ferrari puis Maximiliano Richeze sur la chaussée mouillée, le Vénitien conclut cette journée plus marquante qu’elle ne le laissait paraître en tête de gondole devant ses compatriotes Giacomo Nizzolo (Trek Factory Racing) et Elia Viviani. André Greipel (Lotto-Soudal), lui, termine en retrait, 13ème avant son départ programmé pour se concentrer désormais sur le prochain Tour de France.
Demain samedi, place au contre-la-montre individuel entre Trévise et Valdobbiadene (59,4 km).
Classement 13ème étape :
1. Sacha Modolo (ITA, Lampre-Merida) les 147 km en 3h03’08 » (48,1 km/h)
2. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek Factory Racing) m.t.
3. Elia Viviani (ITA, Team Sky) m.t.
4. Alexander Porsev (RUS, Team Katusha) m.t.
5. Eduard Grosu (ROU, Nippo-Vini Fantini) m.t.
6. Maximiliano Richeze (ARG, Lampre-Merida) m.t.
7. Moreno Hofland (PBS, Team LottoNL-Jumbo) m.t.
8. Niccola Ruffoni (ITA, Bardiani-CSF) m.t.
9. Luka Mezgec (SLO, Giant-Alpecin) m.t.
10. Heinrich Haussier (AUS, IAM Cycling) m.t.
Classement général :
1. Fabio Aru (ITA, Astana) en 54h20’35 »
2. Alberto Contador (ESP, Tinkoff-Saxo) à 19 sec.
3. Mikel Landa (ESP, Astana) à 1’14 »
4. Roman Kreuziger (TCH, Tinkoff-Saxo) à 1’38 »
5. Dario Cataldo (ITA, Astana) à 1’49 »
6. Rigoberto Uran (COL, Etixx-Quick Step) à 2’02 »
7. Damiano Caruso (ITA, BMC Racing Team) à 2’12 »
8. Andrey Amador (CRC, Movistar Team) à 2’21 »
9. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) à 2’40 »
10. Yury Trofimov (RUS, Team Katusha) à 3’15 »
Classement par points :
1. Elia Viviani (ITA, Team Sky) 119 pt
2. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek Factory Racing) 119 pt
3. Nicola Boem (ITA, Bardiani-CSF) 109 pt
4. Sacha Modolo (ITA, Lampre-Merida) 91 pt
5. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 88 pt
6. Philippe Gilbert (BEL, BMC Racing Team) 83 pt
7. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) 75 pt
8. Marco Frapporti (ITA, Androni-Sidermec) 72 pt
9. Marco Bandiera (ITA, Androni-Sidermec) 60 pt
10. Eduard Grosu (ROU, Nippo-Vini Fantini) 55 pt
Classement de la montagne :
1. Beñat Intxausti (ESP, Movistar Team) 61 pt
2. Simon Geschke (ALL, Giant-Alpecin) 53 pt
3. Carlos Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) 46 pt
4. Steven Kruijswijk (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 43 pt
5. Paolo Tiralongo (ITA, Astana) 23 pt
6. Mikel Landa (ESP, Astana) 19 pt
7. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) 15 pt
8. Pavel Kochetkov (RUS, Team Katusha) 15 pt
9. Tom-Jelte Slagter (PBS, Cannondale-Garmin) 15 pt
10. Fabio Aru (ITA, Astana) 15 pt
Classement des jeunes :
1. Fabio Aru (ITA, Astana) en 54h20’35 »
2. Davide Formolo (ITA, Cannondale-Garmin) à 3’59 »
3. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) à 43’35 »
4. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) à 49’31 »
5. Francesco-Manuel Bongiorno (ITA, Bardiani-CSF) à 1h00’50 »
6. Fabio Felline (ITA, Trek Factory Racing) à 1h01’40 »
7. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) à 1h03’58 »
8. Silvan Dillier (SUI, BMC Racing Team) à 1h09’08 »
9. Kenny Elissonde (FRA, FDJ) à 1h09’14 »
10. Sebastian Henao (COL, Team Sky) à 1h14’47 »
Classement par équipes :
1. Astana (KAZ) en 162h23’40 »
2. BMC Racing Team (USA) à 6’14 »
3. Movistar Team (ESP) à 7’14 »
4. Team Sky (GBR) à 7’56 »
5. Cannondale-Garmin (USA) à 30’32 »
6. Tinkoff-Saxo (RUS) à 30’33 »
7. Team Katusha (RUS) à 1h05’33 »
8. Lotto-Soudal (BEL) à 1h08’15 »
9. FDJ (FRA) à 1h47’06 »
10. Lampre-Merida (ITA) à 1h48’52 »