L’exercice de la conférence de presse parfois insipide n’est jamais ennuyant quand c’est Peter Sagan (Tinkoff) qui s’y prête. Loin de manier la langue de bois, le Slovaque a toujours le bon mot ou la formule qui fait mouche, souvent empreinte d’humour. Mais hier, à son entrée dans le camion d’interview à Angers, le ton du champion du monde s’est voulu plus grave, son visage d’ordinaire souriant s’est fermé. Peter Sagan avait un message à passer. Une réponse brève à la première question d’un de nos confrères et le Maillot Jaune a embrayé : « si vous le permettez j’aimerais poser une question à mon tour. J’aimerais demander à l’UCI s’il ne serait pas possible de modifier la règle des trois kilomètres ? Ce serait mieux pour le cyclisme et pour notre sécurité. »
La veille à Cherbourg, le Maillot Jaune s’était déjà plaint de l’attitude de certains coureurs qui « ont perdu la tête » et qui « ne freinent pas même sur route mouillée. » Cette fois ce sont les coureurs du classement général qui sont dans le viseur du champion du monde qui se mue en véritable porte-parole des coureurs. « Si je ne voulais pas de ces responsabilités, je ne les prendrais pas, nuance Sagan. Nous discutons entre coureurs et je relate simplement ce que j’entends dire dans le peloton. Je suis assis devant la presse, pas les autres. Je me dois de prendre la parole. »
« Il y a beaucoup de coureurs de classement général qui sont obligés de se mêler aux trains des sprinteurs pour ne pas prendre de cassure et cela rend la course très dangereuse, précise le coureur de l’équipe Tinkoff. Alors que les étapes de montagne diront quels sont les coureurs qui ont les jambes pour gagner. Nous aimerions pouvoir lutter entre sprinteurs sur les étapes de plat puisque nous sommes prioritairement concernés. Les coureurs de classement général peuvent très bien rester en retrait sur ce genre d’étapes. Je me préoccupe de la sécurité des coureurs. Si on part à la faute durant un sprint, on ne peut s’en prendre qu’à nous-mêmes, mais si l’erreur vient d’un coureur d’une équipe qui joue le général, c’est un autre problème. »
Quelles mesures concrètes à adopter ? Peter Sagan s’est montré évasif sur le sujet, affirmant qu’il n’avait de toute façon aucun pouvoir décisionnel. Son successeur dans le camion d’interview, Mark Cavendish (Dimension Data), lui aussi interrogé sur la question, ne propose pas davantage de mesure, estimant qu’il s’agit avant tout d’un problème de mentalité. « La manière dont s’est comporté le Team Sky en dit long, juge le Britannique. Avant les coureurs voulaient éviter les cassures pour ne pas perdre de temps. Désormais ces mêmes coureurs restent à l’avant en espérant glaner quelques petites secondes sur ces cassures. Le problème c’est que les enjeux financiers sont tellement élevés que les coureurs prennent plus de risques… » Moteurs, gestion des véhicules suiveurs et désormais problèmes de sécurité au sein du peloton : l’UCI a décidément du pain sur la planche.