Le camion-studio de France Télévisions était parqué dans la poussière de la Place des Quinconces à quelques encablures de la ligne d’arrivée. Nous étions à Bordeaux, à deux jours du terme du Tour de France et Vélo 101 avait rendez-vous sur France 2 afin d’y présenter en direct le projet des Jeunes Reporters du Tour. Laurent Fignon était là, aux côtés de Thierry Adam, auprès duquel il apportait son regard sur une course dont il avait par deux fois ramené le Maillot Jaune à Paris, en 1983 et 1984. La voix était fatiguée, le verbe acéré mais le personnage encore fier et toujours debout. Ses observations étaient pourtant devenues acides, ses conseils moralisateurs. « Profitez de chaque instant que la vie et le métier que vous aurez choisi d’exercer vous offriront », avait-il glissé pour unique recommandation aux jeunes que nous encadrions. C’était il y a un mois.
Voilà la dernière image qui nous restera de Laurent Fignon, un champion de caractère qui s’est battu jusqu’à son dernier souffle mais s’est éteint ce matin, vaincu par une maladie contre laquelle il aura tout donné pour résister, pour retarder l’inévitable. En médecine on appelle ça l’incurable. En juin 2009, le Parisien avait révélé publiquement le mal qui le rongeait depuis deux mois déjà : un cancer avancé des voies digestives. « On ne sait pas ce qui me reste à vivre, on ne sait pas ce qui va se passer, mais on va se battre et tenter de gagner ce combat », déclarait alors Laurent Fignon aux médias, auprès desquels il avait choisi de parler ouvertement de sa maladie. Le combat était entamé, la guerre au crabe déclarée. Et c’est avec un grand courage qu’il avait tenu son rôle de consultant sur le Tour de France en 2009 et 2010. Car même diminué, Laurent ne voulait pas s’incliner. Y croire encore et toujours, malgré un pronostic défavorable.
Laurent Fignon est mort ce matin, quelques jours après avoir célébré son 50ème anniversaire. Il laisse derrière lui un cyclisme en émoi. Le champion aura laissé son empreinte dans le vélo. Ses douze années dans les pelotons, entre 1982 et 1993, auront été marquées par son doublé sur le Tour de France (1983-1984), un succès final dans le Giro 1989, un titre de champion de France en 1984 et des victoires d’anthologie dans Milan-San Remo en 1988 et 1989. Laurent Fignon, ce coureur aux petites lunettes et à la queue de cheval blonde, aura aussi laissé son nom dans l’Histoire pour avoir perdu le Tour de France pour 8 petites secondes à l’arrivée de l’édition 1989 sur les Champs-Elysées. Ses duels avec Hinault et LeMond resteront dans la légende du cyclisme. Son courage face à la maladie qui l’a emporté aussi. Bon vent, champion.