C’est l’histoire de trois Américains originaires du Colorado, venus dans le Ventoux honorer leur père décédé il y a cinq ans pour ce qui est de B. et C., les frangins. A, lui, outre le fait d’être le cuisinier (excellent au passage), a été le copain des années scolaires, des années Collège.
C. est le leader du groupe. C comme Colorado, C comme color, C tout, on en restera là pour les présentations. L’autre raison de leur venue dans le Ventoux, c’est Cheeky Wheel. Le C et le W se combinent pour former un des pois du polka dot jersey, un des thèmes qu’avait traité C. entre la stèle Tom Simpson et le final. Cheeky Wheel, c’est simple comme un coup gagnant. Pour gagner, il faut prendre la bonne roue. C’est simple, mais jamais facile, ça se saurait.
L’amputation des 6 derniers kilomètres du Mont Ventoux a tourneboulé C. Son projet s’envole, au rythme du mistral au sommet. 100 km/h, pas bien loin, et ne parlons pas du froid. Son projet ? Etre vu, reconnu comme ce qu’il est. De l’art painting. Pas de peinture, de la bombe uniquement. C. vit au Japon, est product designer. L’art, il y touche tous les jours, ses interlocuteurs sont chez Adidas, Oakley, Reebok… Design, lumières, effets, etc., il maîtrise de jour comme de nuit, quand tous les chats sont gris et qu’il est temps d’y aller car le Tour c’est demain et qu’il s’arrêtera au Chalet Reynard.
Il faut trouver un bon spot, capable dêtre visible des coureurs, des spectateurs, et pourquoi pas des médias, curieux, qui pourront s’arrêter et prendre des nouvelles. Autre option : les caméras moto, voire les vues d’hélicoptère. L’endroit est très dur, peu boisé, on est à 4,5 kilomètres de la ligne, et ça peut se jouer là. Chris Froome avait bien attaqué juste un peu plus haut en 2013.
Les marquages sont très réussis, vous verrez, on l’espère pour eux. Deux thèmes ont été mis à l’honneur en cette nuit ventée et froide qu’on qualifiera de dangereuse, au vu des voitures qui montent et qui descendent « comme des fous ». Le dos a suffisamment froid déjà mais ça y fait encore plus froid. D’un côté, Spartacus, pour honorer le dernier passage de Fabian Cancellara ici dans le Ventoux, qui n’est pas son jardin, loin, très loin des pavés. De l’autre, Marco Pantani dont les anneaux sont symbolisés par le logo Cheeky Wheel. Pantani surtout, dont le visage évoque la souffrance, les traumatismes aussi. Souffrance intense pour aller chercher la victoire, en 2000, devant l’Américain, disons Armstrong. Cette souffrance est contrebalancée par des « allez, allez », ceux des supporters, des fans, qui font oublier la douleur et transcendent le champion qui entre là dans une autre dimension.
Cheeky Wheel, c’est ça. De l’art sur la route, mais avec modération. Pas plus de 60 m², bien moins ce coup-ci, et pour cause : pas question de couvrir d’autres marquages de supporters, comme eux, en particulier les moustaches violettes qui, elles, ont inondé le Ventoux.
Ce sont celles de la Peña Cultura Ciclista, un club de Barcelone, celui d’un prénommé Mayo dont on voit le nom associé quelquefois, décédé il y a deux ans. C. et ses copains sont des supporters, eux aussi. Ils ont traversé l’Atlantique pour apporter leur touche artistique en ce 14 juillet, « Bastille Day » aux Etats-Unis. Avec notre autorisation, et avec les o et 0 symbolisés par leur logo, ils nous ont fait le plaisir de traduire notre « nouveau » logo sur le macadam du Ventoux. On trouve que c’est réussi, et vous ? Téléspectateurs, coureurs, vous nous direz ! Votre avis nous intéresse vraiment.