« Lance Armstrong n’a aucune place dans le cyclisme. » C’est par ces mots acerbes que le président de l’Union Cycliste Internationale Pat McQuaid, élu deux mois après le septième et dernier sacre de l’Américain dans le Tour de France en 2005, a illustré ce midi la position qui est désormais celle de l’UCI vis-à-vis du coureur cycliste le plus emblématique de l’Histoire. Le monde du sport tout entier avait ce midi les yeux rivés sur cette annexe d’un hôtel de Genève, sur cette table blanche jonchée de micros derrière laquelle avait prévu de s’installer le président de l’UCI, douze jours après les conclusions du rapport de l’USADA. Le 10 octobre, l’agence antidopage américaine avait publié un rapport de 202 pages et quelques 1000 pages de témoignages. Un rapport « écœurant », aux dires de Pat McQuaid, qui s’est donc prononcé ce midi.
Et c’est pour aller dans le sens des autorités américaines que le président de l’UCI s’est exprimé. Quand la fédération internationale, elle-même mise en cause dans certaines pages du dossier, avait la possibilité de botter en touche en transmettant le dossier chaud brûlant au Tribunal Arbitral du Sport, elle a choisi de prendre ses responsabilités. Face aux preuves réunies quant à l’établissement d’un dopage organisé autour de Lance Armstrong, l’USADA avait réclamé l’annulation du palmarès du Texan après août 1998. Ce midi, Pat McQuaid a donc annoncé que l’UCI reconnaissait les preuves fournies par l’USADA et validait les sanctions proposées. Ce midi, le nom de Lance Armstrong vient d’être effacé de toutes les tablettes, ses résultats annulés, à commencer par les sept Tours de France victorieux (1999 à 2005) qui avaient fait sa renommée. En outre, le Texan est suspendu à vie et interdit à tout jamais de compétition.
« Ce n’est pas la première fois que le cyclisme est confronté à une telle situation, mais les fans doivent être rassurés, notre sport va prendre un nouveau tournant, a tâché d’expliquer Pat McQuaid alors que le vélo se retrouve confronté à l’une des situations les plus graves de son Histoire. Des mesures significatives pour combattre le dopage et nettoyer le cyclisme ont été prises. Le cyclisme a été un pionnier dans la lutte contre le dopage et aujourd’hui les coureurs sont sujets aux mesures antidopage les plus innovatrices et les plus efficaces du monde du sport. »
Devant la presse, Pat McQuaid a rejeté la responsabilité de l’Union Cycliste Internationale, estimant que si Lance Armstrong avait réussi à battre le système à 218 reprises (le nombre de tests antidopage diligentés par l’UCI dont il a fait l’objet), la responsabilité n’incombait pas seulement à la fédération cycliste mais aussi à l’Agence Mondiale Antidopage et aux agences antidopage, incapables de démasquer un tricheur si bien organisé.
D’ailleurs, si ce ne sont des soupçons de dopage ou des contrôles déclarés positifs a posteriori, jamais Lance Armstrong n’a officiellement été déclaré positif. Ce sont finalement les dénonciations de ses ex coéquipiers, contraints de collaborer sous l’injonction de la législation américaine, qui ont fini par faire chuter celui qui, longtemps, sembla inébranlable. La confrontation des témoignages, qui se sont alors multipliés, a mis au jour un vaste système de dopage organisé durant l’ère Armstrong. Sentant l’étau se resserrer et, las de se battre, Lance Armstrong avait fini par renoncer, cet été, à se défendre. Aujourd’hui, c’est donc l’intégralité de son palmarès post-1998 (l’année où il avait repris la compétition une fois avoir vaincu le cancer) qui est rayé de la carte et sept Tours qui se retrouvent privés de vainqueur.
Reste que si Lance Armstrong n’existe plus officiellement sur les palmarès, l’Union Cycliste Internationale n’a pas encore statué sur les titres laissés vacants. Faut-il réattribuer les Tours de France 1999 à 2005 ? Le peut-on seulement, quand les dauphins de Lance Armstrong ont tous, de près ou de loin, été impliqués dans des affaires de dopage ? L’UCI devra trancher, et elle le fera vendredi.
Pour Lance Armstrong, réduit à l’état de fantôme, l’inquiétude est déjà ailleurs. Ce sont les barreaux de la prison qui le guettent à présent, si la justice américaine décide de rouvrir une procédure à son encontre. En 2004, le Texan avait déclaré sous serment ne s’être jamais dopé. Un parjure avec lequel la justice américaine n’a certainement pas envie de plaisanter et qui est passible d’une peine de prison semblable à celle dont avait écopé Marion Jones, l’athlète condamnée à six mois d’incarcération pour avoir nié son implication dans une affaire de dopage.