Le nombre de cyclistes diplômés n’a cessé d’augmenter ces vingt dernières années. Rendez-vous au départ d’une course cycliste pro, vous y rencontrerez des bacheliers à chaque coin de bus ! Finie l’époque où ils se comptaient sur les doigts de la main ! En témoigne le début de saison avec des épreuves remportées par des coureurs tels Jérémy Roy, Thomas Voeckler et autres David Moncoutié. « C’est indéniable, désormais les trois quarts des cyclistes professionnels sont bacheliers, mais chez nous pratiquement tous les gars ont un diplôme ou une formation à leur actif », dixit le directeur sportif de FDJ Yvon Madiot.
Il faut dire que l’époque bénie du plein emploi est loin derrière nous, qui permettait aux sportifs de retrouver du travail sans difficulté. Et malgré les hausses de salaire depuis lors, les coureurs sont bien conscients qu’un niveau d’études convenable facilitera une reconversion pour le moins satisfaisante. Du reste, cette prise de conscience ne se limite pas aux seuls intéressés, les responsables d’équipes françaises telles Ag2r La Mondiale, Europcar et FDJ proposent aujourd’hui différents projets afin de concrétiser cela. Le coureur n’est pas un objet que l’on utilise et que l’on jette sans se soucier de son avenir. On ne le considère plus seulement à travers le prisme de son potentiel physique cycliste.
Désormais, le long terme est au goût du jour (une sorte de développement durable), en témoigne le projet de l’équipe FDJ. Yvon Madiot : « concrètement, on a mis en place un système de bourse sur deux ans, avec l’obligation de poursuivre ses études de façon sérieuse, et on conseille le jeune sur sa carrière sportive, mais on essaye de mener les deux projets de front. Cette bourse leur permet, entre autres, de rattraper les cours par le biais de cours particuliers. L’objectif premier de notre projet est d’amener nos garçons à poursuivre leurs études et obtenir un diplôme quel qu’il soit, avant même de les faire passer pros. » Jérémy Roy a bénéficié de ce programme pour boucler ses études : « je suis diplômé en Master, un diplôme d’ingénieur, bac+5. J’ai choisi de poursuivre mes études car avec le seul bac aujourd’hui, on ne peut pas faire grand-chose ».
Cela n’en demeure pas moins qu’il n’est pas permis à tous de poursuivre ses études parallèlement au projet sportif. Le nombre de place dans ces structures est limité, la situation géographique des candidats n’est pas toujours en adéquation. A l’instar des structures sport-études : « il en existe très peu dans notre discipline, regrette Rémi Pauriol (FDJ), titulaire d’une licence STAPS mention éducation. Ensuite il faut tomber exactement dans le sport-études qui va coller avec le diplôme convoité, et ce n’est pas évident. C’est souvent éloigné du domicile des parents et cela va entraîner une perturbation chez l’élève. »
« Un esprit sain dans un corps sain », cette citation s’impose aujourd’hui comme une évidence aux yeux de la plupart des coureurs : « le fait de mener études et cyclisme de front était un bon compromis, cela m’apportait un équilibre », nous livre Matthieu Sprick (Skil-Shimano), détenteur d’un DUT et ayant validé une première année d’école d’ingénieur. Christophe Le Mével (Garmin-Cervélo), brevet d’Etat en poche, abonde également dans ce sens : « au niveau amateur, il faut foncer, faire des études, ça tombe sous le sens. »
Et à l’étranger ? A notre grand étonnement, il semblerait qu’aux Etats-Unis, concilier cyclisme de haut niveau et études ne soit pas chose aisée : « actuellement, les structures type sport-études existent seulement en faveur de disciplines telles le football, le basketball, le baseball, et chaque université possède ses équipes, mentionne l’Américain Peter Stetina (Garmin-Cervélo), niveau bac+1. Mais rien n’est fait pour le cyclisme, à l’exception de l’université Lees-McRae en Caroline du Nord. » Il en est de même en Lettonie où une seule structure scolaire accueille des étudiants cyclistes, comme nous le confie Toms Skujins (La Pomme Marseille), niveau bac+1 également, qui s’entraînait le soir après avoir étudié.
Les efforts consentis par les différentes instances commencent à porter leurs fruits et vont dans le bon sens. Il devenait indispensable de se soucier de la reconversion de nos champions cyclistes étant donné le caractère éphémère de leur carrière. Il n’en demeure pas moins qu’il faut poursuivre et intensifier cette mobilisation dans le but de faciliter leur parcours et de rendre ce vœu accessible à tous. – Kim Caritoux