Ce n’était donc qu’un avertissement, semblable à ceux vécus par Chris Froome (Team Sky) aux premiers jours du Tour de France. Un premier séisme dont la réplique aujourd’hui serait autrement plus violente. D’une magnitude à ne plus pouvoir contrôler ni sa machine ni sa chute. Nairo Quintana (Movistar Team), puisque c’est de lui dont il est question, a fait les frais de la sorcière aux dents vertes qui s’est acharnée Tour à Tour sur les spécialistes des courses par étapes de trois semaines. S’il avait réchappé hier dans le chrono au gadin ramassé après s’être laissé déconcentré par une chaussure droite un peu lâche, le Colombien vainqueur du Giro et cité parmi les grands favoris de cette Vuelta a été sommé de se rendre, terrassé par une nouvelle chute en début de journée. Celle-ci a achevé de l’amocher : fracture de l’omoplate.
Et voilà que la terre tremble encore en Espagne au moment où la course s’engage dans sa phase, si ce n’est décisive, au moins déterminante. Vingt-quatre heures après un contre-la-montre individuel qui a laissé sa trace au classement général et propulsé à sa tête l’inouï Alberto Contador (Tinkoff-Saxo), voilà que la montagne refait son apparition. Au départ de Pampelune, il faut aller chercher le sanctuaire de San Miguel d’Aralar (153,4 km), une ascension encore inexplorée par le Tour d’Espagne. Et ce sera donc sans Nairo Quintana, dont le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle s’est mué en véritable calvaire depuis vingt-quatre heures. Ce sera également sans Thibaut Pinot (FDJ.fr), qui avait pris le départ de la Vuelta avec pour seule ambition de prendre du plaisir, mais qu’un état fébrile que la canicule n’a guère apaisé a lui aussi transformé en galère. Le n°3 du Tour de France jette l’éponge.
Elia Favilli (Lampre-Merida), Vasil Kiryienka (Team Sky), Johan Le Bon (FDJ.fr) et Pim Lightart (Lotto-Belisol) sont eux toujours en course, et ils ont bien l’intention de le faire savoir. Ce sont ces quatre-là qui parviennent à s’échapper d’un peloton très nerveux en début d’étape – 50 kilomètres couverts dans la première heure – pour tenter d’atteindre le pied de la montée finale avec le plus d’avance possible. Peine perdue. Vasil Kiryienka se retrouve seul dès le Puerto de Lizarraga (18,3 km à 2,6 %) à une quarantaine de kilomètres de l’arrivée, et le mince avantage qu’il possède encore avant de basculer est réduit à néant dans la descente puis la vallée pour être complètement annihilé à 9 kilomètres de l’arrivée, soit au pied de la montée vers San Miguel d’Aralar et ses 9,9 kilomètres de routes cimentées à 7,5 %.
Chris Froome offre une allure déconcertante mais ne lâche absolument rien !
Un Sky en chasse un autre. Vasil Kiryienka ramené dans le rang, c’est l’équipe britannique qui prend la course en main. Philip Deignan puis Dario Cataldo durcissent tellement la course que le peloton Maillot Rouge se résume bientôt à une poignée de leaders. Chris Froome en fait partie, or le vainqueur du Tour de France offre une allure bien déconcertante. Quand il se retrouve à fermer la marche à 6,5 kilomètres du sommet, le dos voûté et les yeux fixant ses chaussettes, on l’imagine mal embarqué. Plusieurs fois il va sembler sur le point de rompre… mais toujours il va reprendre sa place derrière les favoris. Au train. Il va même crânement se présenter en tête de groupe à 2 kilomètres du but pour accélérer debout sur ses pédales ! Mais on est loin du numéro de moulinette du Mont Ventoux 2013…
Peu sont en fait les favoris à apprécier les à-coups dans cette Vuelta. Personne ne bronche lorsque Warren Barguil (Giant-Shimano) tente brièvement sa chance à 6 kilomètres du but, servant finalement de point d’appui à Robert Gesink (Belkin), qui se maintiendra devant jusque sous la flamme rouge. Derrière, il faut quelques accélérations de Daniel Martin (Garmin-Sharp) et Daniel Navarro (Cofidis) pour secouer le maigre groupe Maillot Rouge au sein duquel Alberto Contador surveille ses plus dangereux adversaires. Fabio Aru (Astana) n’est pas sa priorité. Aussi ne réagira-t-il pas à l’attaque déchaînée du grimpeur italien lorsqu’intervient le dernier kilomètre d’ascension. Le coureur sarde, révélation du dernier Giro (3ème final et vainqueur à Plan di Montecampione), conclut son escalade au sprint jusque sur la ligne où il s’en va rafler une nouvelle victoire de prestige, 6 secondes devant les premiers favoris.
Et des favoris qui s’expliquent au sprint pour les places d’honneur et les bonifications qui vont avec, c’est Alejandro Valverde (Movistar Team) qui s’avère le plus rapide devant Joaquim Rodriguez (Team Katusha). Alberto Contador laisse échapper quelques secondes de bonification, 7 au Murcian déjà passé préalablement en tête d’un sprint intermédiaire et qui revient à 20 secondes ce soir du maillot rouge, 4 au Catalan. Autant dire que rien n’est encore vraiment fait entre ces hommes-là dans la perspective des nombreuses étapes de montagne à se succéder jusqu’au 14 septembre. Et le très étonnant Chris Froome n’est pas à exclure de la liste. Le Britannique ne lâche absolument rien à ses adversaires dans le rush vers la ligne. Impensable au regard de la difficulté qui semblait être la sienne à suivre l’allure !
Demain jeudi, un peu de répit avec une occasion de victoire pour les sprinteurs à Logroño (166,4 km).
Classement 11ème étape :
1. Fabio Aru (ITA, Astana) les 153,4 km en 3h41’03 » (41,6 km/h)
2. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 6 sec.
3. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) m.t.
4. Alberto Contador (ESP, Tinkoff-Saxo) m.t.
5. Chris Froome (GBR, Team Sky) m.t.
6. Rigoberto Uran (COL, Omega Pharma-Quick Step) à 14 sec.
7. Samuel Sanchez (ESP, BMC Racing Team) à 15 sec.
8. Daniel Martin (IRL, Garmin-Sharp) m.t.
9. Daniel Navarro (ESP, Cofidis) à 18 sec.
10. Robert Gesink (PBS, Belkin) à 21 sec.
Classement général :
1. Alberto Contador (ESP, Tinkoff-Saxo) en 40h26’56 »
2. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 20 sec.
3. Rigoberto Uran (COL, Omega Pharma-Quick Step) à 1’08 »
4. Chris Froome (GBR, Team Sky) à 1’20 »
5. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 1’35 »
6. Samuel Sanchez (ESP, BMC Racing Team) à 1’52 »
7. Fabio Aru (ITA, Astana) à 2’13 »
8. Winner Anacona (COL, Lampre-Merida) à 2’22 »
9. Robert Gesink (PBS, Belkin) à 2’55 »
10. Damiano Caruso (ITA, Cannondale) à 3’51 »
Classement par points :
1. John Degenkolb (ALL, Giant-Shimano) 87 pt
2. Nacer Bouhanni (FRA, FDJ.fr) 74 pt
3. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) 71 pt
4. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 64 pt
5. Alberto Contador (ESP, Tinkoff-Saxo) 56 pt
6. Chris Froome (GBR, Team Sky) 56 pt
7. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 51 pt
8. Daniel Martin (IRL, Garmin-Sharp) 50 pt
9. Fabio Aru (ITA, Astana) 41 pt
10. Rigoberto Uran (COL, Omega Pharma-Quick Step) 35 pt
Classement de la montagne :
1. Luis Mas (ESP, Caja Rural-Seguros RGA) 20 pt
2. Winner Anacona (COL, Lampre-Merida) 18 pt
3. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 18 pt
4. Jérôme Cousin (FRA, Team Europcar) 13 pt
5. Fabio Aru (ITA, Astana) 10 pt
6. Alberto Contador (ESP, Tinkoff-Saxo) 9 pt
7. Johann Tschopp (SUI, IAM Cycling) 8 pt
8. Javier Moreno (ESP, Movistar Team) 7 pt
9. Amets Txurruka (ESP, Caja Rural-Seguros RGA) 7 pt
10. Chris Froome (GBR, Team Sky) 7 pt
Classement du combiné :
1. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 9 pt
2. Alberto Contador (ESP, Tinkoff-Saxo) 12 pt
3. Chris Froome (GBR, Team Sky) 20 pt
4. Fabio Aru (ITA, Astana) 21 pt
5. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 23 pt
6. Winner Anacona (COL, Lampre-Merida) 24 pt
7. Samuel Sanchez (ESP, BMC Racing Team) 49 pt
8. Ryder Hesjedal (PBS, Garmin-Sharp) 65 pt
9. Sergio Pardilla (ESP, MTN-Qhubeka) 97 pt
10. Hubert Dupont (FRA, Ag2r La Mondiale) 104 pt
Classement par équipes :
1. Movistar Team (ESP) en 121h03’40 »
2. Team Katusha (RUS) à 3’35 »
3. Omega Pharma-Quick Step (BEL) à 5’03 »
4. Cofidis (FRA) à 9’54 »
5. Astana (KAZ) à 10’09 »
6. BMC Racing Team (USA) à 10’33 »
7. Belkin (PBS) à 10’49 »
8. Tinkoff-Saxo (RUS) à 15’00 »
9. Garmin-Sharp (PBS) à 18’31 »
10. Lampre-Merida (ITA) à 22’07 »