A qui le titre pour cette dernière épreuve des championnats du Monde ? Pour la course élite messieurs, les scénarios envisageables étaient multiples. L’arrivée se ferait-elle au sprint massif ? Au sprint au sein d’un petit groupe ? En solitaire ? Et quels acteurs pour ce final à Valkenburg ? Si les cadors du peloton est pratiquement tous là, avec Peter Sagan (Slovaquie), Edvald Boassen-Hagen (Norvège), Simon Gerrans (Australie), Bradley Wiggins (Grande-Bretagne) ou encore Vincenzo Nibali (Italie), deux équipes semblaient favorites : la Belgique et l’Espagne. La Belgique, menée par Tom Boonen et Philippe Gilbert, devait donc faire face à une équipe espagnole composée notamment d’Oscar Freire, triple champion du Monde, et du podium de la Vuelta au complet : Alberto Contador, Alejandro Valverde et Joaquim Rodriguez.
Ils étaient 207 coureurs, représentants 48 nations, à prendre le départ, à Maastricht, de ces championnats du Monde. Sur une partie du tracé de l’Amstel Gold Race, ils s’élancent pour une course longue de 269 kilomètres : 108 kilomètres d’un parcours en ligne ponctué de sept difficultés, puis 10 tours du circuit de 16,1 kilomètres autour de Valkenburg. L’épreuve part très vite, et les attaques se multiplient. Jérémy Roy, le Français, est un des premiers attaquants de la journée. Oscar Freire, qui dispute ses derniers championnats du Monde, 14 ans après ses premiers Mondiaux élites, eux aussi disputés à Valkenburg, chute alors à l’arrière du peloton, mais se relève.
Rapidement, un duo se dessine en tête, formé de Gatis Smukulis (Lettonie) et Vitaliy Buts (Ukraine). Derrière, un groupe de contre de neuf coureurs se forme, avec Jérôme Coppel (France), Pablo Lastras (Espagne), Dario Cataldo (Italie), Timothy Duggan et Alex Howes (Etats-Unis), Winner Anacona (Colombie), Luca Mezgec (Slovénie), Vladimir Isaichev (Russie) et Fabricio Ferrari (Uruguay). Ils vont alors rattraper les hommes de tête et creuser l’écart, qui atteint rapidement 1’30 ». A l’arrière, ce sont les Néerlandais qui mènent la chasse, n’ayant aucun représentant en tête de la course.
Sur les routes piégeuses, tantôt étroites, tantôt jonchées d’îlots directionnels, le peloton cherche tant bien que mal à éviter les chutes. C’est l’équipe de Grande-Bretagne dans sa totalité qui se porte à l’avant du peloton et qui prend les choses en main quand l’écart atteint les cinq minutes. Juste derrière, on retrouve les Français. Vers 12h30, le soleil finit par faire son apparition, alors que le départ avait été donné sous un ciel gris et dans le froid. A une dizaine de kilomètres de l’entrée sur le circuit de Valkenburg, les britanniques sont remplacés en tête de peloton par les neuf coureurs des Pays-Bas. L’accélération portée par les hommes orange est telle que le peloton se coupe en deux pendant un temps, provoquant une grosse frayeur à ceux piégés par cette tentative de bordure. Quand le peloton se regroupe, les Britanniques en reprennent la tête.
Alors qu’il reste environ 175 kilomètres à parcourir, Philippe Gilbert est victime d’une crevaison, mais est rapidement dépanné. En tête de peloton, Mark Cavendish est heurté par une pancarte publicitaire tenue par un spectateur. S’il ne chute pas, le Britannique est sonné par la collision, mais poursuit son travail. Il semble donc que Cavendish n’ait pas l’ambition de conserver son titre mondial, et se sacrifie pour ses leaders. Il est relayé régulièrement par le Belge Dries Devenyns. L’avance des hommes de tête, qui a été proche des six minutes pendant un temps, commence à diminuer.
A 126 kilomètres de l’arrivée, l’Espagnol Juan Antonio Flecha place une attaque fulgurante, remontantle peloton. Il est suivi de huit autres coureurs, dont Maxime Bouet, le Français, et Gianni Meersman, le Belge. Ce sont les Belges qui décident de mener la chasse. L’écart des échappés se réduit alors, atteignant les 3’30, à tel point que le peloton se délite. Au même moment, à l’arrière, Nairo-Alexander Quintana (Colombie) et Yukyia Arashiro (Japon) sont victimes d’une chute. La contre-attaque se rapproche des hommes de tête : à près de 100 kilomètres de l’arrivée, les onze n’ont plus que 1’49 d’avance sur les neuf, et 2’16 sur le peloton. Peu après, Cavendish, entamé par son important travail en tête de peloton, abandonne. Il ne remportera donc pas un deuxième titre mondial.
Le Cauberg, témoin des multiples attaques d’Alberto Contador, sacre finalement le Belge Philippe Gilbert.
C’est dans la montée du Cauberg, alors qu’il reste un peu plus de six tours à effectuer, qu’Alberto Contador secoue le peloton, suivi de Sylvain Chavanel et Arthur Vichot, parfaitement placés. Plus qu’une attaque, c’est un test afin d’accélérer le rythme et de faire la sélection. Par conséquent, l’avance du contre, au sein duquel les coureurs s’observent beaucoup, chute à 32 secondes. Tout revient vite à la normale au sein du peloton, mené par les Néerlandais et les Belges, qui roulent malgré la présence de Meersman dans le contre.
Dans la montée du Cauberg, alors qu’il reste un peu plus de cinq tours, Contador remet ça, suivit de Robert Gesink (Pays-Bas) et Valverde. Thomas Voeckler réussit également à suivre, alors que Wiggins craque. Ils rejoignent le contre et l’échappée pour un regroupement en tête, et c’est un groupe de 29 coureurs, mené par trois français, qui passe la ligne d’arrivée avec 30 secondes d’avance sur le peloton. Alors qu’il reste cinq tours, la physionomie de la course est totalement chamboulée par cette accélération de Contador. Celui-ci annonce clairement ses ambitions, alors que les Français jouent la carte Voeckler, qui est encadré de Coppel et Bouet. Les Belges, comme Boonen et Gilbert, sont absents de la tête de course. L’écart augmente rapidement, puisque les 29 hommes de tête ont 1’16 d’avance à 70 kilomètres de l’arrivée.
Dans le sixième tour de circuit, c’est de nouveau dans le Cauberg que le peloton est secoué d’attaques, toutes vaines. En tête, Contador montre de nouveau sa forme dans la montée, sans réellement accélérer. Sur la ligne d’arrivée, l’écart des hommes de tête, qui ne sont plus que 24, est descendu sous la minute, avant de se stabiliser autour des 45 secondes. Alors qu’il reste 40 kilomètres, en haut du Cauberg, le peloton, amené par les Allemands, est secoué par une chute qui le désorganise complètement. Jérôme, Gallopin, Delage et surtout Vichot sont ralentis, Vichot ayant lui été victime de cette chute. Le peloton est totalement éparpillé, ils ne sont qu’une petite soixantaine dans le groupe principal. En tête, ils ne sont plus que 17, Maxime Bouet ayant notamment été décroché, avec seulement 20 seconde d’avance. Jérôme Coppel ne se ménage pas, menant le groupe de 17 coureurs avec détermination.
Dans la huitième ascension du Cauberg, Coppel lâche, et est repris presque immédiatement par le peloton, qui se rapproche dangereusement du groupe de tête où Voeckler est désormais le seul Français. C’est le moment que Contador choisi pour attaquer de nouveau, avec dans sa roue Voeckler, qui semble en pleine forme. Le groupe se désorganise alors complètement, ne prenant plus de relais. A deux tours de l’arrivée, on assiste au regroupement en tête, avec 71 coureurs, dont Voeckler, Chavanel, Valverde, Boasson-Hagen et Contador. Tout est à refaire pour les favoris. Dans l’ascension du Bemelerberg, l’autre difficulté du circuit, Andrew Talansky (Etats-Unis) attaque, suivi d’Ian Stannard, le Britannique. Derrière, le peloton ne réagit pas, mais tous les favoris cherchent à se placer à l’avant du groupe.
Dans l’avant-dernière ascension du Cauberg, Stannard lâche Talansky, mais le peloton revient à toute allure sur l’homme de tête. Il y a de nouveau regroupement. Nibali tente immédiatement de forcer l’allure, ce qui provoque des dégâts dans le groupe. Chavanel, notamment, est distancé. Voeckler se retrouve seul, mais ne se laisse pas impressionné pour autant. Il tient parfaitement son statut de leader de l’équipe de France. Dans le dernier tour, c’est l’Australien Simon Clarke qui mène le peloton. Les Belges sont très bien représentés également, assumant leur rôle de formation favorite. Tout va donc se jouer dans la dernière ascension du Cauberg.
C’est Nibali qui attaque le premier. Suivi par les Belges, il est alors débordé par Philippe Gilbert, qui exerce une accélération fulgurante. Grimaçant sous l’effort, il creuse progressivement l’écart, sans que personne ne soit capable de le suivre. Lui qui s’est imposé à plusieurs reprises sur l’Amstel Gold Race connaît donc bien le Cauberg. Derrière, ce sont Boassen-Hagen, Valverde et Alexandr Kolobnev (Russie) qui se battent pour le podium. Dans un scénario similaire à la course féminine, Philippe Gilbert s’impose en solitaire, savourant les derniers mètres de l’épreuve. Boasson-Hagen prend la deuxième place, alors que Valverde fait troisième. Pour Gilbert, c’est la consécration ultime, au terme d’une saison difficile qui s’est décantée sur la Vuelta, où le Belge remporte deux étapes.
Thomas Voeckler, premier français, réalise une belle 7ème place. Chavanel est 57ème et Delage 84ème, alors que les autres coureurs tricolores n’ont pas terminé l’épreuve. La France achève donc cette semaine de championnat du Monde avec une seule médaille, celle en argent de Bryan Coquard.
Classement :
1. Philippe Gilbert (BEL), les 269 km en 6h10’41 »
2. Edvald Boasson Hagen (NOR) à 4 sec.
3. Alejandro Valverde (ESP) à 05 sec.
4. John Degenkolb (ALL) m.t.
5. Lars Boom (PBS) m.t.
6. Allan Davis (AUS) m.t.
7. Thomas Voeckler (FRA) m.t.
8. Ramunas Navardauskas (LTU) m.t.
9. Sergio Henao (COL) m.t.
10. Oscar Freire (ESP) m.t.
…57. Sylvain Chavanel (FRA) à 2’21 »
…84. Mickael Delage (FRA) à 2’53 »