Si tous les chemins mènent à Rome, cette Via Roma là conduit inexorablement au firmament. C’est sur cette artère de San Remo que chacun lorgnait depuis sept heures et déjà pas loin de 300 bornes, en partie exécutées sur la Via Aurelia que prolonge, dans les rues de la cité méditerranéenne, la mythique dernière ligne droite de Milan-San Remo. Là, le long de la mer qui baigne la Ligurie aujourd’hui privée de soleil, on attendait le champion qui ferait son entrée dans le Saint des saints. Et il était de bon aloi de considérer que les sprinteurs auraient encore le mot de la fin tandis que les principaux favoris s’accrochaient encore dans le peloton qui cheminait sur les pentes sinueuses du Poggio.
Personne, si l’on excepte les dix audacieux échappés du matin – William Clarke et Tom Skujins (Cannondale-Drapac), Julen Amezqueta (Wilier-Selle Italia), Nico Denz (Ag2r La Mondiale), Mattia Frapporti (Androni Giocattoli), Mirco Maestri (Bardiani-CSF), Alan Marangoni (Nippo-Vini Fantini), Umberto Poli (Team Novo Nordisk), Ivan Rovny (Gazprom-RusVelo) et Federico Zurlo (UAE Team Emirates) –, n’avait franchement montré de l’entrain à s’opposer au déboulé qui a fini par s’imposer au fil des éditions. Une fois les attaquants au long cours rejoints dans la Cipressa, à 25 kilomètres de l’arrivée, le peloton avait encore haussé l’allure comme pour décourager toute tentative de coup d’Etat. La plus flagrante illustration du genre était l’œuvre d’un seul homme, Tom Dumoulin (Team Sunweb), qui avait pris le parti d’empêcher toute action des puncheurs en imposant son rythme au peloton tout entier dans la Cipressa.
Et qui remettait ça dans le Poggio, quand le peloton s’écartait une dernière fois de la Via Aurelia pour aller chercher la toute dernière difficulté de la classicissima. Et avec elle l’ultime possibilité pour les attaquants de contester la gagne aux sprinteurs. Encore en nombre dans le peloton tracté par l’épatant Dumoulin, dont les réserves allaient finir par s’épuiser au moment où la pente se renforçait. Soit à quelques hectomètres seulement de la bascule sur San Remo.
Tom Dumoulin garé, il n’y avait plus un instant à perdre pour ceux qui avaient d’autres plans à offrir à cette édition 2017 de la Primavera. Peter Sagan (Bora-Hansgrohe) n’hésitait pas. A droite de l’étroite chaussée qui serpentait en direction du hameau juché sur la colline sanrémasque, le champion du monde plaçait un foudroyant démarrage auquel deux hommes allaient être en mesure de répondre pour boucher l’écart et virer à la cabine téléphonique dans l’acrobatique descente sur San Remo. Julian Alaphilippe (Quick-Step Floors), pour sa découverte de Milan-San Remo, et Michal Kwiatkowski (Team Sky), allaient basculer dans la roue de Peter Sagan avec une douzaine de secondes d’avance sur le peloton. Et la conviction que le coup était jouable.
Faisant fi de la pointe de vitesse bien établie du champion du monde, à qui ils confiaient néanmoins le plus gros du travail, Alaphilippe et Kwiatkowski apportaient leur contribution à cette valeureuse entreprise qui allait permettre au trio sorti dans le Poggio de rejoindre la Via Roma en aval du peloton. Chacun s’en était déjà remis à un sprint pour se départager. Sprint qui, après 291 kilomètres, pouvait encore redistribuer les cartes traditionnelles. Quand Peter Sagan était invité à produire l’effort en tête de groupe, Michal Kwiatkowski et Julian Alaphilippe ne se laissaient pas décrocher, et ils déboitaient bientôt sur la gauche du Slovaque pour revenir à sa hauteur et se jeter tous trois dans un même élan sur la ligne blanche.
Une ligne que Peter Sagan allait finalement atteindre trop tard de quelques centimètres. Au profit d’un Michal Kwiatkowski élevé au rang des plus beaux champions. Champion du monde en 2014, vainqueur de l’Amstel Gold Race en 2015, lauréat du Grand Prix E3 en 2016, celui qui avait déjà marqué les esprits aux Strade Bianche sera sorti triomphalement de Milan-San Remo. Qu’il conquiert devant Peter Sagan, 2ème comme en 2013, et un somptueux Julian Alaphilippe, inséré pour de bon dans la cour des grands.
Classement :
1. Michal Kwiatkowski (POL, Team Sky) les 291 km en 7h08’39 » (40,7 km/h)
2. Peter Sagan (SVQ, Bora-Hansgrohe) m.t.
3. Julian Alaphilippe (FRA, Quick-Step Floors) m.t.
4. Alexander Kristoff (NOR, Katusha-Alpecin) à 5 sec.
5. Fernando Gaviria (COL, Quick-Step Floors) m.t.
6. Arnaud Demare (FRA, FDJ) m.t.
7. John Degenkolb (ALL, Trek-Segafredo) m.t.
8. Nacer Bouhanni (FRA, Cofidis) m.t.
9. Elia Viviani (ITA, Team Sky) m.t.
10. Caleb Ewan (AUS, Orica-Scott) m.t.