L’arrivée au premier plan d’une nouvelle génération de cyclistes français laissait à penser que la trop longue période de disette que notre cyclisme a connue sur les monuments ne tarderait pas à prendre fin. Dix-neuf ans se sont écoulés sans une victoire tricolore sur l’une des cinq épreuves majeures et historiques du calendrier et le succès de Laurent Jalabert au Tour de Lombardie un jour d’automne 1997. Ce n’est pas un hasard si cette mauvaise série est interrompue aujourd’hui sur Milan-San Remo. Derrière Paris-Roubaix, la Primavera est le monument qui réussit le mieux aux tricolores qui y ont déjà triomphé douze fois. Jusqu’à aujourd’hui, Laurent Jalabert en 1995 en était le dernier représentant. A cette liste, il convient désormais d’ajouter le nom d’Arnaud Démare (FDJ) qui fait résonner la Marseillaise sur la Via Roma.
C’est avec confiance que le sprinteur picard abordait le premier objectif de sa campagne printanière. Lauréat d’une belle étape sur Paris-Nice, l’ancien champion de France semblait avoir chassé pour de bon les vieux démons qui ont perturbé sa saison 2015. Retrouver la confiance était le mot d’ordre que s’était donné le protégé de Marc Madiot. La malchance qui avait pourri sa saison 2015 n’était pourtant pas tout à fait derrière lui sur le premier grand objectif de sa saison. Une chute au plus mauvais moment, à quelques kilomètres de la Cipressa, semblait doucher définitivement ses espoirs de victoire sur la Via Roma. Un an après avoir été accroché au bas de la même difficulté, on pensait Arnaud Démare maudit et définitivement battu à l’instar de Michael Matthews (Orica-GreenEdge), pris dans la même chute que lui.
Le sprinteur de FDJ pourra cependant remercier la frilosité du peloton qui en refusant de hausser le tempo dans la Cipressa s’était résolu à accepter l’idée d’un sprint massif pour conclure cette 107ème édition. La coalition qu’appelait de ses voeux Vincenzo Nibali (Astana) n’a pas pu se former. La Cipressa aura tout juste servi à revoir les derniers échappés matinaux, Gédiminas Bagdonas (Ag2r La Mondiale), Jan Barta (Bora-Argon 18), Matteo Bono (Lampre-Merida), Marco Coledan (Trek-Segafredo), Samuele Conti (Southeast-Venezuela), Roger Kluge (IAM Cycling), Adrian Kurek (CCC Sprandi Polkowice), Mirco Maestri (Bardiani-CSF), Andrea Peron (Team Novo Nordisk), Maarten Tjallingii (Team LottoNL-Jumbo) et Serghei Tvetcov (Androni-Sidermec). Après 270 kilomètres d’une course qui en compterait finalement 295 en raison d’un éboulement sur le parcours, la phase décisive pouvait débuter pour les prétendants au podium.
Au bout d’un sprint totalement décousu Arnaud Démare remporte Milan-San Remo !
Et pour Arnaud Démare, elle commençait par une course à handicap. Là où Michael Matthews s’était résolu à laisser filer les autres favoris après sa chute, le Picard s’est quant à lui efforcé de retrouver la tête de peloton avant le pied du Poggio. Malgré le rythme élevé au sein du paquet pour rentrer sur Ian Stannard (Team Sky) et Giovanni Visconti (Movistar Team) qui ont conjointement joué leur chance dans la Cipressa, le leader de l’équipe FDJ parvient à ses fins. Les deux fuyards, rejoints pour quelques hectomètres par Matteo Montaguti (Ag2r La Mondiale), Daniel Oss (BMC Racing Team) et Fabio Sabatini (Etixx-Quick Step), sont finalement repris par un peloton en tête duquel la silhouette d’Arnaud Démare apparaît dans le sillage de celle de Kevin Reza et aux côtés de celle de Nacer Bouhanni (Cofidis), l’autre carte maîtresse côté français.
Longtemps, les 3,7 kilomètres à 3,7% du Poggio ont laissé penser qu’ils ne tiendraient pas leurs promesses. Dans les premiers hectomètres les coureurs s’étalent sur toute la largeur de la chaussée, grimpant au train la difficulté décisive de Milan-San Remo. Le temps a beau commencer à être compté, les puncheurs misent sur la patience. Tony Gallopin (Lotto-Soudal) met fin à cet escamotage en démarrant à 6 kilomètres de l’arrivée, mais le Francilien ne peut suivre l’accélération puissante de Michal Kwiatkowski (Team Sky) dans les plus forts pourcentages de la difficulté perchée au-dessus de San Remo. Le Polonais bascule seul en tête à la cabine téléphonique, mais se retrouve pris en chasse par Vincenzo Nibali (Astana), puis Fabian Cancellara (Trek-Segafredo). L’ancien champion du monde ne refera pas le coup de Ponferrada, repris avant d’aborder un dernier kilomètre complètement fou.
L’emballage massif attendu se transforme en sprint atypique et complètement décousu. Quand tout rentre enfin dans l’ordre à 400 mètres de l’arrivée, le moment de confusion qu’engendre la chute de Fernando Gaviria (Etixx-Quick Step) est tenté d’être exploité par Jurgen Roelandts (Lotto-Soudal). Le long sprint que mène le Belge oblige les rares finisseurs à être encore présents à lancer de loin. Sur le faux-plat montant qui mène à la ligne, après 295 kilomètres, le fait de se retrouver seul, dans le vent à 250 mètres, pouvait s’avérer rédhibitoire pour Arnaud Démare tandis que Nacer Bouhanni calé dans le sillage de Greg Van Avermaet (BMC Racing Team), paraissait prêt à bondir. Le Picard fait finalement parler sa puissance pour mener à bien son entreprise. Au bout de la Via Roma, l’ancien champion du monde Espoirs conquit la plus belle victoire de sa carrière.
Classement :
1. Arnaud Démare (FRA, FDJ) les 295 km en 6h54’45 » (42,6 km/h)
2. Ben Swift (GBR, Team Sky) m.t.
3. Jurgen Roelandts (BEL, Lotto-Soudal) m.t.
4. Nacer Bouhanni (FRA, Cofidis) m.t.
5. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) m.t.
6. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) m.t.
7. Heinrich Haussler (AUS, IAM Cycling) m.t.
8. Filippo Pozzato (ITA, Southeast-Venezuela) m.t.
9. Sonny Colbrelli (ITA, Bardiani-CSF) m.t.
10. Matteo Trentin (ITA, Etixx-Quick Step) m.t.