En dix années passées aux côtés de ses talentueux coureurs, Jean-René Bernaudeau est passé par toutes les émotions. De fantastiques succès, ses coureurs sont allés en chercher quelques-uns sous les maillots successifs de Bonjour, Brioches La Boulangère et Bbox Bouygues Telecom. A l’arraché, souvent, parce qu’ils ont bien compris que dans le cyclisme comme dans la vie, il ne faut jamais rien lâcher, ne jamais se relever tant qu’on est encore devant, y croire jusqu’au bout et entretenir l’espoir qui fait avancer. Des victoires dans le genre, on pourrait en citer quelques-unes, rien qu’en regardant le palmarès de Thomas Voeckler, dont l’histoire est à jamais associée à celle de l’équipe vendéenne. Cette philosophie de l’audace, ce culte de l’espérance, les coureurs de Bbox les tiennent sans conteste de Jean-René Bernaudeau.
Après dix années de présence dans les pelotons professionnels, le manager vendéen avait un combat à mener, celui de prolonger l’aventure à la tête de sa petite entreprise, qui compte une soixantaine de salariés. Bouygues ayant choisi de se désengager du cyclisme après six saisons grandement satisfaisantes, Jean-René Bernaudeau a multiplié les démarches tout au long de l’année, rencontré de potentiels repreneurs, une cinquantaine au total. Mais il a surtout essuyé bien des revers, une aberration quand on voit les résultats obtenus par son effectif cette saison encore (deux titres de champion de France, deux victoires d’étape sur le Tour de France, une classique ProTour…), quand on sait l’attachement que porte le public à cette équipe vendéenne, que l’on en connaît les retombées sans comparaison pour un partenaire, et bien plus encore quand des sponsors préfèrent s’engager à hauteur de dizaines de millions d’euros pour avoir leur nom sur le placard publicitaire d’une équipe de France de football dont nous tairons nos qualificatifs…
Des arguments, Jean-René Bernaudeau n’en manquait pas, restait à trouver l’investisseur sensible à son discours. Le temps pressait. Le manager devait remettre hier un dossier en règle sur les bureaux de l’Union Cycliste Internationale, mais il a obtenu un délai supplémentaire après une prise de contact tombée du ciel… quelques heures seulement après que Thomas Voeckler ait annoncé son intention de signer chez Cofidis. L’ultimatum avait été fixé à 18h00, Eric Boyer était déjà en route, et puis il y a eu le coup de fil de Jean-René Bernaudeau demandant à son fidèle champion d’attendre encore un peu. Tout le monde était à bout, pendu au temps qui passe, mais l’Alsacien a accepté l’offre. On dit même qu’il aurait eu un responsable au bout du fil pour lui garantir sa présence auprès de Bernaudeau en 2011. Et l’accord a été signé.
Il est maintenant temps de lever le voile sur ce mystérieux repreneur de la dernière minute : ce sera Europcar, le numéro un européen de la location de véhicules. Si l’on ignore le budget sur lequel se sont mis d’accord les deux parties, il est acquis qu’Europcar fera son entrée dans le cyclisme pour trois ans. Il est acquis également que le double champion de France Thomas Voeckler en sera le capitaine, épaulé par le meilleur grimpeur du dernier Tour de France Anthony Charteau et par les jeunes Cyril Gautier, Pierre Rolland et Sébastien Turgot, tous des figures de proue de la formation. Après plusieurs mois d’un combat acharné fait d’espoir et de désillusions, de jours sombres et de nuits blanches, une fin heureuse à laquelle plus personne ne croyait plus se présente donc. Grâce au soutien d’Europcar, Jean-René Bernaudeau a sauvé sa formation in extremis. Cette victoire-là, on n’est pas prêt de l’oublier !