Satisfaisant
Christophe Laporte
Quand on a appris l’été dernier que le varois s’était engagé avec l’imposante Jumbo-Visma, on a craint pour sa carrière. Biberonné en deuxième division avec la Cofidis, Christophe Laporte avait-t-il les épaules pour tenir le haut du pavé dans l’une des plus grosses cylindrées du cyclisme mondial ? Ne risquait-il pas de se perdre dans un rôle d’équipier ? En fait, c’est ce rôle d’équipier qui l’a mené au sommet. Dès Kuurne – Bruxelles – Kuurne, sa première course sous ses nouvelles couleurs, le français profitait du marquage des favoris pour recevoir un bon de sortie, et toucher des doigts un bouquet de prestige. Ce n’est qu’à quelques centaines de mètres de la ligne que ses rêves s’effondrèrent. Sur Paris-Nice, à Mantes-la-Ville, il a tout simplement rangé tout le peloton, hormis Wout Van Aert et Primoz Roglic, ses coéquipiers. Grands seigneurs, ces dernières lui laissèrent le bouquet vivement mérité. Enfin, il brilla sur les dernières classiques flandriennes, s’échappant d’abord avec Wout Van Aert sur le GP E3 puis renouvelant l’opération deux jours plus tard avec trois concurrents sur Gand – Wevelgem, pour deux secondes places. Christophe Laporte s’était exilé en quête d’un challenge. Il semble l’avoir déjà relevé.
Christophe Laporte récompensé de son travail par ses leaders en remportant la première étape de Paris-Nice | © Jumbo Visma
Benjamin Thomas
Anonyme sur la route, en comparaison à ses époustouflantes performances sur piste, Benjamin Thomas a également décidé de changer d’air à l’intersaison. S’écartant de la Groupama-FDJ, il prît la direction de la Cofidis, cédant aux sirènes de Cédric Vasseur. Et sur les routes du sud de l’hiver, les bienfaits du nord du cyclisme se firent immédiatement sentir. A l’aise sur les falaises du GP de la Marseillaise, le natif de Lavaur se montra ensuite omniprésent sur l’Etoile de Bessèges, qu’il remporta avec audace et force, vainqueur à Bessèges, résistant au Mont Bouquet et solide à Alès. Parti ensuite sur la traversée de l’Italie d’ouest en est, sur Tirreno – Adratico, il frôla la victoire sur l’étape de Fermo, finalement rétamé par les murs. On a déjà hâte de voir la suite, sur route comme sur piste !
Guillaume Martin
Fidèle à lui-même, le coureur de la Cofidis se montra régulier et résistant sur les multiples épreuves qu’il enchaîna. Exclu de la lutte pour la victoire, il s’échina à décrocher les meilleurs accessits, dans son style singulier. 3e des Tour des Alpes-Maritimes et du Var, 2e de la Drôme Classic, 9e du Paris-Nice, 8e du Tour de Catalogne, il fit maintes démonstrations de sa sidérante résistance à la douleur, afin de s’accrocher, encore et encore, aux meilleurs. En 2022, Guillaume Martin est toujours présent où on l’attend.
Warren Barguil
Il gagne peu, mais gagne bien. Parmi ses six victoires professionnelles, on peut compter quatre bouquets en Grand Tour, un titre de champion de France ou encore le classement général d’un Tour du Limousin. Et le 11 mars, un nouveau venu s’est ajouté au palmarès. Tout aussi prestigieux que ses congénères. Une cinquième victoire World Tour, tout droit venue de Tirreno – Adriatico. Animé par une horde de fourmis dans les jambes, le breton ne cessait de s’afficher à l’écran, tantôt au service de son sprinteur, Nacer Bouhanni, tantôt pour sa propre cause. Sur la route de Bellante, avait osé la belle échappée, sans succès. Alors le lendemain, en direction de Fermo, il persévéra. Et gagna. Intenable dans les plus forts pourcentages, il martyrisa ses compagnons en les martelant d’accélérations, fatales à leur sort. Le plaisir de la victoire retrouvé, le coureur du Team Arkea – Samsic rêve désormais de le renouveler le plus tôt possible.
Warren Barguil, brillant vainqueur à Fermo | © Tirreno – Adriatico
Mathieu Burgaudeau
Pur produit du Vendée U, le natif de Noirmoutier a couronné une fois de plus l’excellent travail de la pépinière de Jean-René Bernaudeau. Montant progressivement en puissance depuis son intégration du groupe pro, à l’hiver 2019, Mathieu Burgaudeau a finalement éclot cette année, soudainement exposé au grand jour du public par la portée de ses résultats. L’automne dernier, ses podiums sur la Copa Sabatini et les Boucles de l’Aulne avaient déjà alerté les suiveurs de la fin de sa métamorphose, d’équipier en leader. Ses solides performances sur l’Etoile de Bessèges avaient permis de confirmer ces impressions. Avant qu’un sensationnel exploit dans les rues d’Aubagne ne laisse plus le moindre doute. Aligné sur Paris-Nice au milieu des cadors du World Tour, le vendéen n’y écouta que ses jambes et attaqua comme bon lui sembla tout au long de la semaine, jusqu’à ce qu’au sommet de la côte de Lascours, personne ne pu le suivre. Creusant l’écart dans la descente, il résista encore au retour du peloton, dont il senti le souffle chaud dans les derniers hectomètres, sans lui céder pour autant le premier bouquet de sa jeune carrière. Or, cet exploit en appelle d’ores et déjà de nouveaux, une fois que sa clavicule et son omoplate seront de nouveau fonctionnelles. En attendant, on lui souhaite un prompt rétablissement !
Nacer Bouhanni
A force de tourner autour, il a bien fini par l’accrocher. Je parle bien évidemment de la victoire ! Cette saison, Nacer Bouhanni six tops 5 en autant de sprints massifs ! S’il n’est pas objectivement le meilleur sprinteur du monde, le lorrain sait mettre toutes les chances de son côté dans l’emballage final. Ainsi, quand des cadors atomisent la concurrence, il termine souvent premier de celle-ci, « premier des autres en quelque sorte ». Sur la prestigieuse Milan – Turin, répétition générale de la « Primavera », il franchît ainsi la ligne en seconde position, juste derrière Mark Cavendish (Quick-Step Alpha – Vinyl). Dès lors, il apparaît fort logique qu’une fois débarrassé de ces encombrants rivaux, le coureur du Team Arkea – Samsic monte enfin sur le sommet de la boîte. Son succès sur la Roue Tourangelle, dimanche dernier, en témoigne.
En progrès
Thibaut Pinot
Sur la dernière étape des Alpes-Maritimes et du Var, en direction de Blausasc, on eut déjà un frisson. Voir Thibaut Pinot sortir en costaud pour jouer la victoire, jusqu’à ce que Nairo Quintana ne le reprenne, relevait de la magie. Croire au succès du franc-comtois réchauffait l’âme et vivifiait le cœur. Puis, tout au long de Tirreno – Adriatico, on le vît en tête du peloton, au contact des favoris, à une place qu’il abandonna si longtemps. Et pour le clou du spectacle, le coureur de la Groupama-FDJ se mêla même aux leaders sur l’étape reine de la « course des deux mers », accompagnant Jai Hindley et Damiano Caruso, seconds des deux derniers Giros. Désormais, les regards se tournent naturellement vers la suite d’un programme montagneux et ambitieux : les Tours des Alpes, de Romandie et de Suisse lui offriront certainement l’occasion de se battre pour un bouquet. Il faut dire que le dernier commence à remonter. Il était au sommet du Tourmalet.
Anthony Turgis
Le francilien a beau avoir terminé 2e d’une étape du Tour des Alpes Maritimes et du Var, 5e et 6e de journées de « course au soleil », et même 2e de Milan – San Remo, on ne peut pas s’en satisfaire ! Sommes-nous trop exigeants, voire ingrats avec le coureur de la TotalEnergies ? C’est possible. Mais il est tellement fort qu’on le verrait bien monter encore plus haut, briser ce plafond de verre auquel il se heurte depuis quelques années. Effectivement, ce fait désormais quelques temps qu’Anthony Turgis tourne autour d’une victoire d’exception sans parvenir à la saisir. Le compteur bloqué à six victoires professionnelles depuis 2019, le natif de Bourg-la-Reine s’adjugeait la 4e place du Tour des Flandres en 2020, bientôt complétée par une seconde place sur Kuurne – Bruxelles – Kuurne 2021 et maintenant le titre officieux de dauphin de Mohoric sur la « Classissima ». Mais à l’image de sa prestation sur Gand – Wevelgem, où il se fît piéger par nombre de favoris avant d’attaquer à des endroits peu opportuns, Anthony Turgis semble conserver une certaine marge de progression tactique, manquer encore la ruse des classicmen, clé des Monuments.
Anthony Turgis s’est montré déçu par sa deuxième place à l’arrivée de Milan – San Remo, convaincu qu’il aurait pu aller chercher la première | © Team TotalEnergies
Décevant
Julian Alaphilippe
Serait-ce le retour de la malédiction du champion du monde, à laquelle il a plutôt échappé durant son premier mandat ? Surpris par Bryan Coquard à Manosque, sur le Tour de la Provence, puis balayé par une impitoyable rafale sur les Strade Bianche, avant d’être contraint au forfait pour Milan – San Remo par une vilaine bronchite, le coureur de Quick-Step Alpha Vinyl a vu son début de saison gâché par l’infortune. Néanmoins, l’hiver s’effaçant au profit du printemps, le français peut désormais se motiver par le parfum des classiques ardennaises, ses épreuves chouchous. C’est dans les monts belge qu’il jouera la réussite de sa saison, rêvant d’accrocher enfin la Doyenne à son palmarès. Et s’il avoue d’importantes lacunes en matière d’histoire de son sport, Julian Alaphilippe connaît parfaitement le prestige de cette course au panthéon du cyclisme. Le 24 avril, il ne sèchera pas.
L’impressionnante cabriole de Julian Alaphilippe sur les Strade Bianche a gâché son début de saison | © Strade Bianche
Arnaud Démare
Le picard a beau être fort, il n’y arrive pas. Le contraste entre sa robustesse dans la Cipressa et ses résultats en demi-teinte est criant. Cette saison, le coureur de la Groupama-FDJ n’a pas fait mieux que deuxième, à Terni sur Tirreno-Adriatico. S’il a tout de même ajouté quelques accessits à sa besace, ses 84 victoires professionnelles attendent toujours leur successeuse. S’il a la chance d’avoir un train pleinement dévoué, il faut reconnaître que celui-ci n’est pas à la hauteur de ses concurrents. Ce point a notamment pu être mis en lumière sur l’UAE Tour, où la Groupama-FDJ ne parvenait pas à conserver le manche du peloton, reléguant Arnaud Démare à ses antres à l’abord de la ligne droite finale. Sur Milan – San Remo encore, le natif de Beauvais était accompagné par Quentin Pacher durant la transition Cipressa – Poggio. Mais ce dernier ne l’a nullement replacé à l’abord de la montée décisive, hypothéquant toutes chances de jouer la victoire. Enfin, sur Gand – Wevelgem, ses équipiers ont trop tardé à rouler derrière les fuyards, alors que le français s’était montré déconcertant d’aisance durant toute la course. Tous ces éléments contribuent à juger le début de saison de l’Isarien décevant, au regard de ses aptitudes.
Romain Bardet
A l’intersaison 2020-2021, le brivadois avait motivé son transfert d’AG2R au Team DSM par la volonté de son fondre dans un collectif, pour s’ôter des épaules le lourd poids du leadership. Si ce choix l’a bien protégé d’une pression étourdissante, il ne lui pas offert plus de libertés. A l’image de la formation allemande, le français peine à s’exprimer et se distinguer. Romain Bardet n’est pas hors de forme, loin de là, mais il se retrouve piégé dans la course à des classements généraux dont il n’est pas capable de jouer la gagne, disparaissant ainsi en second rideau. A l’UAE Tour, il termina ainsi 9e de la course, sans avoir pu s’exprimer de quelque manière que ce soit. Idem de la mer Tyrrhénienne à l’Adriatique, où il se mit plus ou moins au service d’un pâle Jai Hindley, loin de son état de forme du Giro 2020. Ainsi, pour la suite de la saison, il nous ferait plaisir de retrouver un Romain Bardet porté vers l’attaque, renouant ainsi avec ses premiers amours de cyclisme. En ce faisant, il pourrait notamment décrocher un splendide bouquet sur le Tour de France, car une belle victoire vaut bien plus qu’une 15e place au classement général…
Par Jean-Guillaume Langrognet