Chris Froome a remis au goût du jour l’idée du doublé Giro-Tour dont on fêtera, en 2018, le 20ème anniversaire du dernier défi relevé. Années de coupe du monde de football ou pas, ce challenge a été tenté par des grands, mais toujours pas de successeur à Marco Pantani, le grimpeur italien qui sprintait dans les pourcentages les plus difficiles et ce, mains en bas du guidon et sur un gros développement la plupart du temps.
En 98! chapitres courts et factuels, Jacques Josse retrace la carrière du Pirate de Cesenatico, en deux versants, celui où le Romagnol grimpe et gagne, et celui de la descente, lente, mais irrémédiable, qui le conduira à la mort, la veille de la Saint Valentin 2004. Une couverture jaune, une centaine de pages, un calendrier qui s’y prête, un livre qu’il faut lire pour se remémorer le parcours de celui qui a marqué les mémoires et pas seulement parce qu’il a dompté les mythes du Giro ou du Tour de France.
Le récit débute sur les succès de Marco Pantani lors du Giro 1994 dans les Dolomites, enchainement logique avec le Tour de France dans les années ’90 et un podium à Paris avec le maillot blanc du meilleur jeune à la clé. Les succès en France viendront l’année suivante, 2 victoires et une 13ème place au général pour celui qui, déjà, manie la victoire, mais aussi très souvent, trop souvent la chute comme un signe du destin tout tracé. Comme le prouve son accident du 18 octobre 1995 lors de Milan-Turin, à 7 kilomètres du but, double fracture ouverte du tibia et fracture du péroné de la jambe gauche. Il a 25 ans, 5 victoires chez les pros, et sa carrière est déjà pleine d’interrogations. Les chirurgiens feront leur oeuvre, sa jambe gauche a perdu 8 millimètres, ses chaussure et pédale gauche seront adaptées à cette nouvelle donne; dans l’ombre la justice va elle aussi, activer le dossier.
C’est en 1997 qu’il revient et plus que bien sur le devant de la scène. Il est chez Mercatone Uno, fait 5ème de la Flèche Wallone et 8ème de Liège-Bastogne-Liège, la guigne ne le lâche pas sur le Giro, 8ème étape, un chat sauvage met au tas un paquet de coureurs, il est pris dans la chute abandon et ses espoirs sont reportés sur Rouen et le Tour de France. Il a bien récupéré, pèse 56 kilos, sa première victoire depuis ses fractures est retentissante, il vainc à l’Alpe d’Huez, pour la seconde fois, et explose son record de montée, imbattu depuis, un autre monde! Le surlendemain, arrivée à Morzine, il a attaqué dans Joux-Plane, personne n’a suivi, même la descente lui a permis d’assurer sa victoire, à Paris, il est 3ème. Il y a de la place pour l’ambition.
1998, on y est, il est passé de Wilier à Bianchi, Felice Gimondi et la dernière victoire d’un Italien sur le Tour ne sont jamais loin. Le Giro est la première rampe vers le succès à double étage. 17ème étape du Giro, c’est le premier maillot rose, lendemain victorieux, et le 4 juin à Plan di Montecampione, la bien nommée, le rose ne peut plus lui échapper; 3 jours plus tard, c’est fait. Année de coupe du monde oblige, le départ du Tour est non seulement en Irlande, mais déplacé au 11 juillet. La 11ème étape mène au Plateau de Beille, nouveau venu sur le Tour et victoire du pirate, le morceau de bravoure reste à venir; c’est le 27 juillet, arrivée aux Deux Alpes, météo exécrable, Galibier, à 50 kilomètres de l’arrivée, c’est parti, les favoris ne le reverront plus. Jan Ullrich lâche 9′, l’Italie va connaître son 6ème coureur victorieux à Paris, le 2 août c’est fait.
Marco Pantani est le 7ème coureur à réaliser le doublé Giro-Tour, il ne côtoie que des grands et son nom est autant peint par les tifosi qu’il marque les communiqués de course. 1999 est parti pour être le bis répetita de 1998 sauf que… Les victoires d’étapes s’enchaînent et à 2 jours de l’arrivée, le 5 juin à Madonna Di Campiglio, c’est la déflagration, 52% de taux d’hématocrite, il y aura un avant et un après Madonna Di Campiglio; la descente est amorcée, elle sera vertigineuse.
Marco Pantani va revoir la lumière sur des étapes de prestige comme sa victoire au Ventoux le 13 juillet 2000, puis Courchevel, 3 jours plus tard, 8 victoires d’étapes sur le Tour, mais abandon par la suite, un parmi tant d’autres. Son nom va disparaître des communiqués de résultats victorieux, les faits divers ont pris le relais, jusqu’au 14 février 2004, il avait 34 ans.
« Je me sens un ex dans tous les sens du terme. J’ai débranché la prise ». L’ultime échappée du rebelle vient conclure ce livre qui ravira tous les amoureux du coureur au style et à la dégaine à nul autre pareil. Tous les fans de vélo auront plaisir à parcourir cette centaine de pages qui se lisent comme un roman.
Le livre Marco Pantani a débranché la prise écrit par Jacques Josse est disponible aux éditions la contre allée au prix de 14 euros