Le maillot de leader du Tour de la Provence, est-ce votre idée ?
Non, ce n’est pas mon idée, je ne vais pas me l’approprier. Cela vient de Pierre Maurice Courtade qui est le directeur de l’épreuve qui m’a demandé mon avis. J’ai tout de suite accepté car je trouvais le clin d’œil (à Bernard Tapie avec l’équipe la Vie Claire vainqueur sur le Tour de France) vraiment beau. Bernard était présent ce jeudi au contre la montre où il y a donné le départ, c’était sympa de sa part.
Ce côté traditionnel avec le maillot et le trophée très original qui donne un mariage tradition- modernité convient avec le cyclisme ?
En tout cas moi c’est l’image que je me fais du vélo, c’est vraiment le discours qu’on a tenu avec Pierre Maurice et c’est pour cela que j’ai accepté ce défi de devenir directrice adjointe et de me lancer dans cette aventure. C’est une aventure car, honnêtement je connaissais le côté sportif mais toutes les contraintes qu’apportent cette organisation, je n’en avais aucune idée. On est deux grands passionnés de vélo, on aime les valeurs traditionnelles du vélo et à côté de cela, on voulait apporter notre touche à nous, notre dynamisme et c’est vrai que ça passait notamment par le trophée.
Comment se déroule une journée pour vous ? Sur la journée de demain, quel va être votre « planning » ?
Par exemple pour parler de la journée d’aujourd’hui, ça a commencé dès cette nuit : je n’ai pas beaucoup dormi, le stress se faisait déjà sentir, l’excitation aussi. Dès hier soir on a vérifié que tous les P.P.O (points de passage obligés) soient en place avec toutes les équipes. Les coureurs nous ont fait confiance, les directeurs sportifs aussi en nous mettant un gros plateau alors c’est à nous, derrière, d’assumer. Nous étions sur place dès 6h30 ce matin.
Marion Rousse organisatrice du tour de la Provence 2019 | © Marion Rousse
On vous voit encore bien affûtée, vous arrivez à rouler combien de kilomètres par an ?
Je ne tiens plus de carnet d’entraînement (rires) mais je pense que je suis arrivée à 17000km. Le problème c’est que l’hiver je peux rouler pas mal parce que je n’ai pas de course à la télé avec la période hivernale mais après quand j’arrive sur des périodes comme le Tour de France, il y a des périodes où c’est 3 semaines sans vélo.
Ça a été une décision facile à prendre d’endosser cette nouvelle casquette ?
En fait, je n’ai pas envie de me mettre de barrière, j’ai la chance de pouvoir travailler de ma passion. J’ai commencé les compétitions à 6 ans et me retrouver là aujourd’hui, je peux dire que je suis chanceuse. Et de faire ma première course en tant qu’organisatrice, je pense que c’est enrichissant et aussi, ça m’apporte beaucoup dans mon travail. Car même en tant que consultante, je trouve ça bien de voir toutes les facettes et les contraintes d’une telle organisation.
Marion Rousse consultante chez France Télévisions | © Ouest France
Laquelle des activités est la plus prenante aujourd’hui ?
J’ai du mal à en dire une car, quand je me lance dans un projet, j’y vais à fond. Du coup dès que je m’y mets, je suis à 101% partout. Après, la télé, je pense que ça reste le numéro 1 de mes fonctions mais le métier d’organisateur c’est très prenant et ça prend donc plus de temps.
Selon vous, quelles sont les deux équipes françaises qui vont être sélectionnées à la Grande Boucle ?
Aaaah ! Ça je ne sais vraiment pas. Je pense que la volonté d’ASO de ce que j’ai entendu dire de Christian Prudhomme qui a fait plusieurs interviews c’est qu’il attendait de voir les résultats. Après Paris-Nice je pourrai me prononcer. Mais là, honnêtement, j’ai du mal. Visiblement ils vont vraiment s’inspirer du côté sportif mais là on est au début de saison alors je ne préfère pas me mouiller.
Froome numéro 5 ou Geraint Thomas numéro 2 à Paris le 28 juillet 2019 ?
J’ai déjà vu un Froome qui a mis un petit mot qui m’a fait sourire où il a dit « le Giro est taillé pour Geraint Thomas ». Je pense que Thomas va aussi s’affirmer en tant que leader, l’année dernière il ne disait pas grand chose mais il a montré à tout le monde qu’il était capable de gagner le Tour de France. Après, je pense que ça va être compliqué à gérer cette affaire au sein de la team Sky. C’est sûr qu’ils s’entendent super bien mais ça reste un maillot jaune au Tour de France et ça, ça ne se partage pas.
Plouay a failli disparaître, quelle est votre analyse par apport à la situation, que ce soit pour la course des hommes, avec la cyclosportive ou avec le grand prix féminin ?
J’ai été surprise d’apprendre que France Télévision ne la diffusait plus. Je l’ai appris dans la presse. J’étais triste car pour moi, plus il y a de courses à commenter, plus je suis heureuse. J’ai envie que mon sport se porte bien et ça passe par une retransmission télévisée. Mais quelques jours après nous avons appris la bonne nouvelle, tout est rentré dans l’ordre. Plouay est une course exceptionnelle, incroyable. Je connais l’organisateur et il se bat avec ses moyens et ce grand prix féminin est une bonne vitrine pour le cyclisme français, pour la Bretagne.
Marion Rousse en équipe de France | © FFC
Justement, la Bretagne, il va y avoir le tour de Bretagne féminin, vous pensez vous que c’est le bon format en terme géographique, en termes de nombre d’étapes ? Car il y a toujours le débat d’un Tour de France féminin qui devrait durer 3 semaines comme pour les hommes.
Je ne pense pas qu’un tour de France de 3 semaines pour les femmes soit un choix judicieux. On devrait s’inspirer du format du Giro Rosa féminin qui dure 10 jours. Je pense que 10 jours c’est parfait. J’ai déjà couru le tour de Bretagne qui avait disparu, ce sont de belles étapes mais évidemment ce n’est pas un Tour de France. C’est d’ailleurs sur ce dernier que l’on voyait de gros talents se révéler comme Anna Van Der Breggen qui a remporté sa première course sur le tour de Bretagne. Pour ce qui concerne un tour de France féminin, ASO se penche énormément sur le sujet mais il faut se demander si c’est quelque chose de censé.
Vous pensez que le cyclisme féminin est à un carrefour ?
Ça évolue. Peut-être pas aussi rapidement qu’on le voudrait, qu’il le faudrait. Mais moi je le vois, depuis que j’ai arrêté la compétition, en 4-5 ans ça a vraiment changé que ce soit les formations garçons qui se déclinent en féminin à l’image de la Trek Segafredo, les courses qui revoient le jour comme l’Amstel Gold Race, Liège Bastogne Liège, la médiatisation qui ne cesse d’augmenter. Donc non, il y a de plus en plus de professionnalisme dans le cyclisme féminin. Le problème c’est qu’il y a certaines formations qui mettent un salaire à leurs filles et d’autres non. C’est toujours là où ça pêche un peu puisque du coup on met des pros avec des amateurs et si tu fais ça dans le milieu des hommes, sur les courses, il y aurait un écart de niveau. L’UCI y met son nez avec le salaire minimum en 2020 ce qui sera déjà une des grosses étapes, des gros changements du cyclisme féminin : que tout le monde soit professionnalisé et que chacune ne pense qu’au vélo.
Vous par apport à l’avenir du cyclisme féminin, que ce soit en matière d’équipe ou en matière d’organisation, vous croyez plus à la démarche Trek Segafredo : équipe pro masculine qui crée une équipe pro féminine ou plus à un développement autonome type Boels Dolmans ?
C’est compliqué. L’équipe Boels Dolmans c’est là numéro 1 donc à l’heure actuelle, on ne peut pas dire que ce ne soit pas le bon format. Après, si je prends mon point de vue, c’est clair que l’équipe Trek Segafredo ça vend du rêve.
Cyrille Guimard parlait du centenaire du maillot jaune et d’un mixte entre Thibaut Pinot et Romain Bardet pour arriver à avoir un maillot jaune Français aux champs Élysée. Qu’en pensez-vous ? Vous y croyez-vous à un français en jaune le 28 juillet ?
Ça serait un peu facile de pouvoir mélanger tous les coureurs non ? (rires) Oui on peut y croire, on a vraiment une génération dorée de Français, capables de gagner sur tous les terrains. Que ce soit sur les classements généraux, des puncheurs avec Julian Alaphilippe, des sprinteurs avec Bryan Coquard, Nacer Bouhanni, Arnaud Démarre. Je pense qu’on n’a pas à rougir de notre génération de Français. On peut y croire. Je pense que des gars comme Thibaut Pinot qui vont se concentrer que sur cette épreuve arriveront avec plus de fraîcheur là où d’habitude ils sont plus fatigués après le Giro. De plus, avec sa saison l’année dernière, je pense qu’il a passé un cap. Il a tout connu : des hauts et des bas. Et sur ce tour de Lombardie, on a vu un mec qui était sûr de lui, qui n’avait peur de rien et je pense que ça l’a vraiment fait passer ce cap. Et puis Romain Bardet, il est toujours là, toujours au niveau, il tient toujours son rang, il ne connaît pas de défaillance. Il se connaît parfaitement et ce qui peut le faire pêcher c’est peut-être le contre la montre et à ce niveau-là, face à des Christopher Froome, tu pars avec un sacré handicap.
Vous vous voyez comment dans cinq ans ? Dans les médias ? Organisatrice ? Ou manager d’une équipe féminine ou masculine ?
C’est une bonne question (rires). Je ne sais déjà pas où je vais être l’année prochaine même la semaine prochaine. Je ne sais pas trop où me diriger. C’est pour cela que je ne me ferme pas de porte, j’apprends et je n’ai pas envie de griller des étapes. Je vais déjà finir le tour de la Provence et j’ai encore des manches à mettre pour pouvoir diriger une course seule. J’espère en tout cas être comme maintenant et pouvoir vivre de ce que j’aime. Être heureuse.