Eric, quel premier bilan tirez-vous du Grand Départ du Tour de France en Wallonie ?
Je pense que c’est extrêmement positif. D’abord du côté sportif avec trois vainqueurs que l’on attendait : Cancellara à Liège, Sagan à Seraing, Cavendish à Tournai. C’est pleinement satisfaisant, même si les Belges attendaient Philippe Gilbert. Au moins, nous avons eu la satisfaction de voir qu’il revenait à un bon niveau. Ensuite du côté populaire, ça a été une belle fête, une grande réussite. La météo a été de la partie.
Deux millions de spectateurs ont été référencés sur les routes belges, est-ce plausible ?
Ce sont les chiffres de la police, peut-être faut-il revoir cela un petit peu à la baisse. Il y avait énormément de monde, plus de monde ces trois jours que dans certaines étapes du Tour de France. Nous sommes au carrefour des Pays-Bas, de l’Allemagne, du nord de la France et de l’Angleterre. C’était un Grand Départ, ça a permis pour les gens de poser plusieurs jours de congés. Au cours des opérations préliminaires, nous avons rencontré beaucoup d’anglophones, des Américains, des Anglais, des Australiens… Ils sont venus pour une semaine ou plus.
Depuis quand couvrez-vous le Tour de France ?
Depuis 1987. C’est mon vingt-deuxième Tour de France. A l’époque, le Tour partait de Berlin. J’avais rencontré Jacques Goddet dès mon arrivée. C’était une autre époque, une époque où le directeur du Tour se promenait dans la salle de presse. A Berlin, nous devions être une centaine de journalistes au lieu de 400 aujourd’hui.
Quel est le dispositif de la DH sur ce Tour 2012 ?
Avec le Grand Départ en Belgique, ça a été un peu particulier les premiers jours. Nous sommes deux à faire tout le Tour. Deux autres collègues nous ont aidés pour le Grand Départ, en plus de la collaboration de correspondants locaux, pour parler des aspects périphériques. D’autres journalistes sont venus prendre de la matière en Belgique pour réaliser des rubriques magazines qu’ils distilleront tout au long du Tour.
Est-ce une pression particulière quand le Grand Départ est donné à la maison ?
On est généralement assez contents de voir le Tour quitter la Belgique, parce qu’il y a moins de sollicitations. Mon collègue et moi avons dormi à Liège pour le Grand Départ mais nos deux collègues faisaient chaque jour l’aller-retour jusqu’à Bruxelles. A la longue, faire 250 kilomètres de détour en plus de l’étape, c’est plus usant. Ce n’est en tout cas pas plus facile quand le Tour part en Belgique, pour nous. On nous en demande un peu plus. Nous avons fait plusieurs suppléments, c’est plus de travail. Mais on le fait avec professionnalisme et enthousiasme. Le succès du Grand Départ, c’est aussi notre récompense.
A quoi vous attendez-vous sur ce Tour ?
On s’attend à ce que les Sky, peut-être aussi les BMC, cadenassent la course. Au prologue, on l’a vu, Cadel Evans n’a pas intérêt à aller défier Bradley Wiggins sur le chrono. Il va devoir prendre du champ entre les chronos. Maintenant, tout le monde est conscient qu’il ne faudra pas laisser Wiggins décider de la course jusqu’au dernier contre-la-montre. Mais au final je vois bien Wiggins gagner. Devant Evans et Van Den Broeck.
Comment jugez-vous Jurgen Van Den Broeck ?
Je pense qu’il est très bien. Il faut maintenant voir comment il va supporter la pression. Autant il partait autrefois dans l’inconnue, autant cette fois il est complètement rassuré. Il est sûr de ses capacités, il ne craint plus qu’un jour sans, une contre-performance ou une chute, ce dont il a été victime l’an passé. Van Den Broeck est quelqu’un qui a du mal à gérer son stress. Il est aidé pour cela dans l’équipe. Il lui a fallu travailler sa peur des descentes après sa chute, maintenant ça va mieux.
A-t-il progressé tactiquement ?
Je pense, oui. Il a plus d’expérience, plus de confiance en lui aussi. Maintenant je ne m’attends pas trop à ce qu’il attaque. Il est plus dans une position, comme beaucoup de coureurs, de sauvegarde d’une place au classement général. On l’a vu au Dauphiné, il est plus ou moins aussi fort que Wiggins et Evans en montagne, moins qu’eux dans le contre-la-montre. S’il veut gagner le Tour, il doit attaquer, mais ça c’est le rêve absolu qu’il puisse avoir. Ce serait déjà beaucoup.
Comment voyez-vous Philippe Gilbert sur ce Tour ?
Il a eu un début de saison particulièrement difficile par rapport au niveau qui était le sien les années précédentes. Aujourd’hui, il est bien revenu, on l’a vu les jours derniers. Sa 4ème place à Seraing peut sonner comme un échec, mais peut-être pas compte tenu des circonstances. Il a eu des problèmes, s’est fait cogner la roue arrière, a dû rentrer in extremis. Il était le plus fort derrière les trois qui sont sortis. Certes, il va lui manquer des opportunités dans les étapes à venir, mais il peut gagner autrement.
Voilà trois ans que la DH est partenaire des Jeunes Reporters du Tour. Des jeunes issus de cette filière postuleront-ils un jour pour travailler à la DH ?
Je revois régulièrement ces jeunes sur des épreuves, sur des conférences de presse, des événements. Ils s’impliquent, ils s’intéressent. C’est un gage de leur intérêt pour le futur. Ils ont vécu une expérience magnifique et exceptionnelle dont on aurait aimé bénéficier à notre époque. J’espère qu’ils continueront chez nous, j’attends leur candidature !
Propos recueillis à Boulogne-sur-Mer le 3 juillet 2012.