Eric, l’équipe Cofidis n’a finalement pas été retenue pour un retour en 1ère division l’an prochain, est-ce une déception ?
Non, nous avons travaillé pour intégrer la 1ère division et nous n’y sommes finalement pas. Mais on s’est aperçu que notre travail était le bon pour y accéder. Nous avons donc surmonté cette mauvaise nouvelle, tout en respectant la décision de l’Union Cycliste Internationale, que nous ne contestons pas et que nous ne commentons pas. Nous avons compris en tout cas que notre travail était le bon pour arriver à revenir en ProTeam. Nous allons donc orienter notre saison 2011 sur les points à marquer sur toutes les compétitions. Au moment du recrutement, nous veillerons aussi à ce que les coureurs qui arrivent chez nous aient suffisamment de points par rapport à ceux que nous aurons marqués. Au final, cela devrait nous apporter un score qui nous permettra d’obtenir indiscutablement notre place en 1ère division.
La saison 2010 aura été marquée par l’annonce de la poursuite du partenariat de Cofidis jusque fin 2012 et la non promotion de l’équipe en 1ère division, qu’en retenez-vous ?
Je vois toujours le verre à moitié plein, jamais à moitié vide. Nous avons fait une bonne saison dans l’ensemble. C’est vrai que de rater le Critérium du Dauphiné et le Tour de France, ça marque. Les observateurs non avertis peuvent penser que nous n’avons pas été bons mais c’est faux. Nous avons été bons, sauf sur le Dauphiné et le Tour, où il nous a manqué quelque chose. Nous en avons tiré des enseignements, des analyses, et lors des entretiens individuels avec chacun des coureurs nous avons orienté notre approche de la saison de manière à être plus constants et présents toute l’année, sans avoir de baisse de régime à un moment où il n’est pas normal d’en avoir, aux mois de juin/juillet.
Justement, que vous a-t-il manqué sur ces deux mois ?
On a eu des blessés, beaucoup de blessés. Jean-Eudes Demaret, Rein Taaramae… Ils nous ont manqué bien entendu. Des coureurs ont eu un programme allégé en début de saison pour préparer ces grands rendez-vous mais ils ont été absents. Ils n’ont pas été à la hauteur ou alors c’est nous qui nous sommes trompés sur les objectifs qu’on leur a fixés. Peut-être leur avons-nous mis la barre trop haute. En fait c’est valable pour certains, pour d’autres non. Le sport est ainsi fait. C’est aléatoire, c’est intuitif. Je préfère ne pas chercher d’excuses chez les autres mais prendre mes responsabilités sur nos échecs et en tirer des enseignements pour évidemment améliorer notre travail et apporter les victoires qui nous ont fait défaut.
Courir en 2ème division restreint forcément votre calendrier international, comment allez-vous gérer ce manque ?
Paradoxalement, j’ai le sentiment que nous serons davantage invités en 2011 sur des épreuves de l’UCI World Tour que nous ne l’avons été en 2010. Nous avons déjà envoyé des courriers à tous les organisateurs en leur demandant une invitation. Les retours que j’ai auprès de ces organisateurs me laissent penser que nous aurons la possibilité de faire beaucoup plus de courses UCI World Tour l’an prochain. Je suis très optimiste.
Cinq équipes françaises devraient se battre pour une des quatre invitations pour le Tour de France. Avez-vous des garanties de votre côté ?
Aujourd’hui, je n’ai bien entendu pas de garanties. Mais à nous de donner l’envie à ASO de nous inviter sur le Tour de France. Je n’ai pas à pleurer pour une invitation mais à être concentré et à utiliser mon énergie pour que, dès les premières courses du calendrier 2011, les organisateurs, y compris ASO, aient envie d’avoir Cofidis au départ de leurs épreuves. C’est là que je dois concentrer mon énergie : susciter l’envie auprès des organisateurs, qu’ils se disent que Cofidis est une belle et grande équipe et qu’ils aient envie de nous sur leurs épreuves.
Cette participation au Tour de France dépendra fortement du début de saison des Cofidis. N’avez-vous pas peur de laisser trop d’énergie sur les premiers rendez-vous ?
Sur les vingt-six coureurs de l’équipe, il est évident que certains vont avoir pour objectif de briller sur février/mars. Je dis bien certains coureurs et non les vingt-six. Comptez sur nous pour équilibrer nos effectifs afin que ceux qui auront brillé en début de saison puissent se reposer plus tard et que des coureurs frais entrent en avril/mai pour retrouver ceux qui auront brillé en début de saison en juin/juillet. Nous allons être vigilants et ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier.
Sportivement, que retenez-vous de la saison 2010 ?
Le patron de Cofidis qui nous a rejoints sur le stage, Thierry Vittu, a qualifié notre saison de « plutôt satisfaisante » quand il aurait aimé la qualifier de « satisfaisante ». Je crois qu’il a raison. C’est « peut mieux faire ». Si nous avions brillé sur le Dauphiné et le Tour de France on aurait dit que Cofidis aurait fait une superbe saison. Or nous avons fait une belle saison mais nous pouvons bien mieux faire, bien entendu. Quelle équipe française peut présenter un bilan d’étapes gagnées sur Paris-Nice, au Tour d’Italie, au Tour d’Espagne et un maillot de meilleur grimpeur sur la Vuelta ? Peu. Nous, nous l’avons fait. On a seulement eu un manque en juin/juillet. J’aimerais que pour 2011 le mot « plutôt » ne soit pas associé à « satisfaisant ».
Concernant votre effectif, quelles ont été les bonnes et les mauvaises surprises ?
Jens Keukeleire nous a agréablement surpris par ses résultats, Damien Monier aussi même si nous nous y attendions un petit peu. Julien Fouchard, Tony Gallopin, Romain Zingle nous ont donné satisfaction. Nos néo-pros présentent des valeurs sûres. Les déceptions, je préfère ne pas en parler. Je préfère retenir le bon grain ! Nous avons seulement eu un peu trop de lacunes par moments, et ce sont ces lacunes qu’il va falloir combler pour 2011.
Rein Taaramae n’a-t-il pas subi trop de pression après avoir été monté trop haut dans l’estime de certains ?
Non, il n’a pas de pression. Quand on fait 9ème de Paris-Nice, 3ème du Tour de Catalogne, ça démontre qu’on a le potentiel. Il a eu une vague de bons résultats, mais entre deux vagues il y a un creux. Peut-être que moi j’ai mis la barre trop haute pour lui en 2010. C’est ce que je préfère penser et on va rectifier le tir en 2011. A sa décharge il a tout de même eu une tendinite, et ce n’était pas rien. On sentait très bien un crissement lorsqu’on mettait son doigt sur son tendon, il n’était pas possible pour lui de préparer le Tour. Quoi qu’il en soit, Rein a toujours le potentiel qu’on peut imaginer, c’est-à-dire évoluer régulièrement avec les 15 meilleurs mondiaux sur la saison 2011.
Manquez-vous néanmoins d’un vrai leader ?
Il y a des raisons pour lesquelles les équipes françaises ne recrutent pas de vrai leader dans le sens où vous l’entendez. Nous avons une politique différente que de recruter des coureurs qui gagnent les Grands Tours et les grandes courses par étapes. Il y a des raisons à cela. Je souhaite qu’un jour nous ayons la capacité d’en recruter un, c’est une question que nous nous posons aujourd’hui, même si nous préférons croire pour le moment au travail que nous réalisons auprès des coureurs que nous avons recrutés pour les amener petit à petit, et c’est long, à prendre un jour le départ d’une grande course par étapes avec l’ambition de la gagner. Nous voulons former un champion, pas le recruter.
David Moncoutié avait choisi de faire l’impasse sur le Tour de France 2010, il y participera en 2011 si l’équipe est retenue, pensez-vous que son absence ait été préjudiciable à Cofidis l’été dernier ?
On ne va pas refaire l’histoire. David n’avait pas envie de faire le Tour de France, c’était son choix, nous l’avons partagé. Nous n’allions pas envoyer quelqu’un là où il n’avait pas envie d’aller. Si nous l’y avions inscrit à contrecœur, je ne suis pas sûr qu’il aurait eu les résultats mais je suis certain qu’il n’aurait plus retrouvé l’envie d’y retourner. Nous n’avons pas eu forcément tort car il a brillé ensuite sur le Tour d’Espagne. Quelque part, il a atteint ses objectifs. Le fait qu’il ait regardé le Tour à la télévision a de nouveau suscité l’envie d’y être en 2011, c’est pourquoi il y sera, et c’est peut-être comme ça qu’il va gagner une grande étape l’an prochain et peut-être le Maillot à Pois. Le bilan, on le fera après le Tour 2011.
La Vuelta sera avancée d’une semaine l’an prochain, pensez-vous qu’il soit possible d’enchaîner Tour de France et Vuelta avec seulement quatre semaines de repos entre les deux ?
Oui, c’est possible. David Moncoutié peut le faire malgré son âge ! S’il a un programme léger au printemps, on peut envisager de lui faire courir les deux épreuves, mais on fera un point après le Tour de France.
L’équipe Cofidis est réunie cette semaine à Gréoux-les-Bains pour son premier stage hivernal, quel en est le programme ?
Cette semaine, les coureurs ont divers ateliers. D’abord un entretien avec les directeurs sportifs et moi-même pour faire le bilan de la saison 2010 et préparer leur programme en 2011. Ils passent ensuite un examen avec notre médecin, un check-up, une vérification avec un podologue associée à une étude posturale, un entretien avec notre psychologue, un entretien avec notre nutritionniste… Nous sommes exigeants avec eux pour qu’ils fassent le métier du matin au soir, qu’ils soient affûtés mais pas n’importe comment. Et puis il y a également tout ce qui a trait au marketing et à la communication, c’est indispensable dans le monde dans lequel nous vivons : dossier de presse, photos, interviews. Sans oublier la réception du paquetage, les réglages du nouveau matériel. A la sortie de cette semaine de stage importante, tout doit être réglé pour les coureurs.
Que pensez-vous des méthodes employées dans certaines grandes formations étrangères ?
Nous n’avons pas besoin d’un centre ultra équipé pour réaliser notre stage. On dit toujours que c’est mieux ailleurs mais c’est faux. Nous sommes très bien chez nous, nous faisons très bien les choses. Ceux qui sont partis de chez nous et disent qu’ailleurs c’est une autre dimension, c’est du pipeau. Nous n’avons pas à rougir de ce que nous faisons par rapport aux autres.
Les mauvaises conditions climatiques ne vont-elles pas perturber le bon déroulement du stage ?
Nous sommes des guerriers ! Evidemment que cela ne nous dérange pas. Mais nous ne sommes pas bêtes et nous n’allons pas envoyer nos coureurs faire quatre heures de vélo sous la neige. Ils ont fait quatre heures de vélo lundi, autant mardi. Ils ont pris la pluie sur la dernière heure donc on peut lever le pied ensuite, les faire se reposer, rouler moins longtemps ou faire du home-trainer.
Propos recueillis à Gréoux-les-Bains le 1er décembre 2010.