Vincent, vous êtes à la tête d’une des dernières équipes françaises du ProTour. Que de chemin parcouru…
C’est vrai qu’en 2005, nous étions la cinquième équipe française. Nous avions sollicité une licence ProTour que nous n’avions pas eue. Nous étions considérés, aux yeux de l’UCI, comme la cinquième équipe française. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le regard sur notre équipe a évolué, ça valide le travail qui a été fait. Nous sommes bien conscients aujourd’hui que nous ne sommes pas la meilleure équipe du monde. Malgré tout, nous travaillons avec sérieux, avec application, avec nos limites aussi, et nous sommes très heureux comme ça.
Qu’est-ce qui a incité la fédération à renouveler la licence d’Ag2r La Mondiale ?
Je pense que notre tenue dans le ProTour ces quatre dernières années a toujours été valeureuse. En 2007, nous avons terminé 4ème équipe mondiale. Et même si nous avons fini 13ème en 2008 et 17ème en 2009, nous avons su être présents sur les grandes courses. On l’a vu sur le Tour de France, sur le Giro, sur le Tour de Suisse. L’UCI nous a vus en tant qu’équipe opérationnelle, pesant sur la course. C’est ce qui a pu faire la différence avec les autres équipes.
Avez-vous été surpris que deux équipes françaises ne soient pas conservées dans le ProTour ?
Que nous soyons conservés dans le ProTour ne m’a pas surpris, mais que seules deux équipes françaises y soient maintenues, je n’y aurais pas cru. Certes, ça correspond peut-être mieux à la réalité sportive quand on regarde les classements mondiaux, mais on sait que les équipes françaises ont des points forts en termes de structure. Elles sont sérieuses, bien organisées, mais le niveau sportif moyen est trop faible. A nous de trouver le moyen de le relever.
Comment faire pour y parvenir ?
Je pense que le travail de fond qui est mené auprès des jeunes coureurs par l’ensemble des managers français depuis un certain nombre d’années finira par payer. Nous avons la chance d’avoir de bonnes équipes, de faire un bon travail, d’avoir des dirigeants sérieux, et d’avoir le Tour de France. Il ne faut pas laisser tomber le cyclisme français. Et quand nous sommes un peu en difficulté, il ne faut pas trop nous taper dessus non plus parce que nous nous battons avec nos valeurs.
Ne pensez-vous pas que des équipes comme Cofidis et Bbox Bouygues Telecom aient été sanctionnées sur le plan sportif ?
Au moment de la mise en place du ProTour, les équipes françaises avaient demandé de ne pas tout axer sur le domaine sportif dans l’attribution des licences, car ça nous aurait limités. En plus, l’enjeu strictement sportif aurait pu conduire à des dérives dans certaines équipes. Le cyclisme français s’est toujours battu contre ça. Nous voulons que l’on tienne compte de la valeur des structures. Des équipes ne paient pas les salaires, ce n’est pas le cas en France, et c’est reconnu par l’UCI. Mais il y avait il est vrai un gros décalage entre le niveau sportif de la France, qui a terminé 13ème nation au classement mondial, et les quatre licences ProTour adressées aux Français.
Il y a le sport, mais il y aussi l’argent et des licences de plus en plus coûteuses. Comment êtes-vous parvenu à encourager vos partenaires à investir plus ?
En termes de budget, il faudra que les sponsors français soient capables de s’adapter. Nous avons la chance d’avoir un partenaire fidèle, qui nous suit depuis treize années, dont onze en tant que partenaire principal. Notre sponsor a su s’adapter aux exigences requises par la licence ProTour. Je l’ai véhiculé très tôt dans l’entreprise en leur disant qu’il était nécessaire de garder cette licence pour évoluer au plus haut niveau. Ils nous ont suivis dans ce projet et c’est une démarche importante. Maintenant, serons-nous capables de suivre budgétairement dans quatre ou cinq ans, je ne sais pas… D’autant que la France possède des caractéristiques bien particulières en termes de charges sociales, lesquelles nous pénalisent.
Et elles vous pénalisent aussi dans votre recrutement, vous empêchant d’engager un grand nom du peloton ?
Je suis depuis longtemps Edvald Boasson-Hagen. C’est un champion, un garçon qui respire l’enthousiasme. Je n’ai pas pu l’avoir et c’est fini, il est maintenant dans le giron des grandes armadas anglo-saxonnes. Maintenant, si on ne peut pas accéder aux grands coureurs étrangers, il faut s’attacher à conserver nos valeurs sûres. J’ai fait cette démarche auprès de Nicolas Roche, que je considère comme un coureur d’avenir. Je n’ai pas voulu le laisser partir, je me suis adapté à la concurrence pour le faire signer jusqu’à fin 2011. Avec des garçons comme ça, on peut envisager l’avenir.
Vous avez le confort d’une équipe ProTour, redoutez-vous la concurrence à laquelle vous allez vous exposer vis-à-vis des autres équipes ?
Nous avons un certain confort, entre guillemets. Nous avons la licence ProTour et sommes assurés de faire les grandes courses, mais il va nous falloir être attentifs car en face nous allons trouver plus de concurrence. Plusieurs équipes sont à la recherche d’une place pour le Tour de France et des équipes françaises comme Bbox Bouygues Telecom et Cofidis, qui n’ont pas obtenu la licence ProTour, vont sans doute vouloir démontrer qu’elles sont bien au meilleur niveau. Et elles le sont ! Nous savons qu’il va y avoir de la concurrence et nous avons véhiculé ce message dès le mois de novembre. Nos coureurs le savent, à eux de montrer que le confort ne nuit pas à la performance.
Propos recueillis à Paris le 26 janvier 2010.